Samedi 08 décembre dernier, Strasbourg a de nouveau vu ses rues foulées du pied par des centaines de manifestants. Si, une fois de plus, les Gilets Jaunes ont attiré l’attention, c’est la Marche Pour le Climat qui a amassé le plus de monde, dont une partie de gilets jaunes. Retour sur un phénomène à l’inverse de ce qui s’est passé à travers le pays.
Alors que près de 2000 personnes ont été interpellées à travers la France samedi, avec de nouveaux heurts à Paris. La journée de mobilisation à Strasbourg a vu, comme la semaine dernière, assez peu d’incidents, mais plus que la semaine dernière avec une dizaine d’interpellés. A noter tout de même quelques gros moments de tension et un jeu du chat et de la souris entre manifestants et forces de l’ordre.
Le rendez-vous était donné à 10h place de la République pour les plus courageux qui voulaient bien affronter le vent, le froid et la pluie. Une grosse centaine au départ, le groupe de gilets jaunes décident d’opérer une forme d’assemblée générale où l’on discute organisation et revendications. Les prises de paroles s’enchaînent, entre témoignages de vie, colère et solutions. Des idées d’une « association des gilets jaunes » ou d’un local de réunion sont évoquées.
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Gilets Jaunes, l’acte IV de la mobilisation
Un peu après 11h, un groupe d’une trentaine d’étudiants, rassemblés à quelques mètres devant la BNU (Bibliothèque Nationale Universitaire) pour manifester contre la hausse des frais d’inscription des étudiants étrangers, décident d’opérer une convergence avec les gilets jaunes. Ils sont accueillis sous les applaudissements et un départ pour un parcours est lancé, direction Place Dauphine.
Une fausse voiture de police, avec un gilet jaune sur le tableau de bord, est arrêtée derrière le cortège ce qui provoque l’arrêt de la foule et un premier barrage policier. Les forces de l’ordre indiquent que l’incident « n’a rien à voir avec le cortège ». Le conducteur sera interpellé. Après un moment de flottement, les manifestants repartent et longent les quais avant d’arriver à proximité de la place Dauphine en passant par la rue de Zurich puis la rue de Lausanne.
Le groupe, grossi de près de 500 personnes, est bloqué route de Vienne. Les enfants se mettent à l’arrière, une ligne de front en chaîne humaine se forme et ils tentent d’avancer vers la place Dauphine. Le groupe déborde sur l’avenue du Rhin, au-dessus du tunnel de l’Etoile entre les bus de voyage. Au vu de la circulation, la police, un peu débordée, bloque fermement l’accès à l’E52. Gros moment de tension lors d’un face à face à quelques mètres dans un lieu assez dangereux, mais finalement, avec un peu d’apaisement, les manifestants se redirigent vers le centre commercial Rivetoile et la Presqu’île Malraux dont l’accès leur est à nouveau refusé. Après quelques minutes, le groupe décide de se rassembler et de repartir vers le centre-ville, en changeant plusieurs fois d’itinéraire, le mouvement de la foule est spontané et imprévisible.
Remontant vers place d’Austerlitz, les forces de l’ordre sont légèrement prises de vitesse par certains gilets jaunes qui ont tenté une percée. Quelques sprays de lacrymogènes et quelques coups plus tard, les gilets jaunes sont repoussés. S’entame alors un jeu du chat et de la souris avec les CRS dans les ruelles de la Krutenau sous les yeux ébahis des passants. Le cortège remonte vers Esplanade, fait le tour sur le boulevard de la Victoire et commence à se scinder en deux un peu après 13h au niveau de la station de tram Université. Certains veulent retourner place de la République, comme convenu avec les forces de l’ordre, d’autres veulent retourner place Dauphine, pour arriver à temps pour le début de la Marche pour le Climat, prévu pour 14h.
Les Gilets Jaunes rejoignent la Marche pour le Climat
C’est cette seconde option qui l’emporte. La fatigue commence à se faire sentir du côté des manifestants, comme des forces de l’ordre qui se tiennent de plus en plus à distance. Pour autant, les manifestants restent pacifiques. Des enfants ramassent des cailloux, une dame les rappelle à l’ordre : « Pose tes pierres ! On ne veut pas de casseurs ! » Les slogans « Macron démission » ou « Castaner à l’usine » continuent de retentir. Une voiture d’une maman excédée avec ses enfants tente de passer en force. Elle se fait arrêter, mais on la laisse finalement passer. Le groupe se redirige vers la place Dauphine en passant par le même croisement de la rue de Zurich et de la Rue de l’Hôpital Militaire pour la troisième fois en moins de 2h.
Une fois de retour place Dauphine, les gilets jaunes se fondent petit à petit dans une foule grandissante venue pour la Marche pour le Climat. Ils se dispersent dans une foule de gilets verts et jaunes des citoyens sensibles aux questions écologiques et se perdent un peu entre des pancartes, des drapeaux GCO-NonMerci et EELV. Les Gilets Jaunes assistent à un déballage des discours des différentes associations présentes, dans lequel peu de place est faite pour leurs revendications et où l’on explique que les taxes sur le carbone sont nécessaires. Tout le monde est d’accord pour dire que le gouvernement fait n’importe quoi, mais pas pour le mêmes raisons. Maurice Wintz, vice-président d’Alsace Nature explique : « Comme il est injuste au niveau planétaire, que ça soit les populations les plus démunies qui subissent les conséquences du changement climatique dans lequel elles ne sont pour rien, il est indécent qu’ici [en France], les plus pauvres payent pour que les plus riches puissent continuer comme avant et avoir une empreinte écologique démesurée. » Une représentante des gilets jaunes aura tout de même accès au micro et scandera « Nous aussi on est écolo ! Mais on ne veut plus que les gens crèvent la gueule ouverte. C’est aux riches aussi de payer pour l’écologie. »
3500 personnes en tout selon la police
La foule est désormais bien plus imposante et se déplace sous la pluie avec une banderole de tête « Marche Pour le Climat ». Les Gilets Jaunes sont diffus dans la mobilisation, de nombreux militants écolos portent par solidarité un gilet également. A l’angle de la Place de Zurich, un groupe de 200 personnes se scinde du gros du cortège pour se diriger vers la Grande Île et repousse les forces de l’ordre. La tension est au maximum : insultes et quelques jets de projectiles face à une bonne trentaine de CRS. Au même moment, le reste de la Marche pour le Climat continue vers les quais des pêcheurs. Après un bon quart d’heure de tension, le petit groupe rejoint le cortège principal via des petites rues.
Un gros dispositif de sécurité est toujours en place au niveau du Pont Saint Guillaum, mais la manifestation continue lentement pour finir devant le Palais Universitaire, où les associations organisatrices de la Marche pour le Climat prennent à nouveau la parole avant d’annoncer la dispersion. Une dame est presqu’interpellée alors que la foule tente de rentrer chez elle (la plupart des ponts du secteur sont bouclés), mais la pression populaire fait qu’elle est relâchée. Un homme commence à jouer de l’accordéon, et des manifestants dansent à proximité des CRS. Il faudra une bonne demi-heure avant que la zone soit vidée et que les forces de l’ordre lèvent leurs barrages, bloquant le passage du tram et l’accès aux touristes comme aux passants et aux manifestants.