En septembre 2017, j’emménageais à Strasbourg pour un semestre de stage dans un laboratoire de recherche. Certes, j’étais déjà consciente de l’impact de mes achats sur notre planète. J’achetais des légumes locaux issus de l’agriculture raisonnée autant que possible MAIS mon frigo continuait d’être le reflet de cette société suremballée…. Ce déménagement dans la capitale alsacienne était donc une belle occasion pour moi de commencer à vivre l’aventure zéro déchet.
Mais zéro déchet qu’est-ce que c’est ? J’entends dire que le tri c’est déjà bien et que maintenant on recycle presque tout, même les pots de yaourt. Outre le fait que la plupart de nos déchets ne sont en réalité pas vraiment recyclés, avez-vous déjà pensé à l’énergie qu’il faut pour les produire et pour les recycler (quand ils sont recyclables) ? Le but du zéro déchet est donc de réduire au minimum ses déchets en évitant qu’ils franchissent le pas de nos maisons (définition plus complète par ici, merci wiki). Avant d’arriver à Strasbourg, j’avais donc repéré les marchés autour de chez moi et je m’étais renseignée sur les boutiques en vrac. J’étais prête pour six mois dans cette magnifique ville qui m’a permis de vivre l’aventure zéro déchet presque à 100%. Car oui : être étudiante et mieux consommer, c’est compatible !
Ma vie zéro déchet
L’étape la plus simple est d’aller au marché. La plus simple ? Enfin presque… Avant de me rendre au marché, je me munis de ma boîte d’œufs, de sachets en tissus de différentes tailles soigneusement cousus par mamie et de pots en verre adaptés à une tranche de fromage ou au fromage blanc. Objectif ? Minimiser l’utilisation des contenants jetables. Selon le vendeur, je dois faire preuve d’un peu de vivacité pour anticiper ses gestes et lui tendre mes propres sacs. Au début, n’étant pas de nature à m’imposer, j’hésite à présenter mes contenants et je reviens chez moi, déçue, avec un sac ou deux dans la main. Avec le temps et la pratique de ce sport sans plastique, je réussis maintenant à esquiver tous les sacs. Il me reste encore à convaincre le vendeur de fromage que je peux le mettre dans ma boîte en verre et que je laisserai le couvercle ouvert pour conserver son goût, c’est promis.
Afin de rester (éco)logique, je favorise les produits zéro déchet avec une faible empreinte carbone. Pour acheter local et de saison, rien de plus simple que les étals des producteurs alsaciens au marché (ou le supermarché des producteurs). Je crois que mon œil s’est aiguisé pour démasquer les maraîchers des primeurs (ceux qui revendent les fruits et légumes d’autres producteurs). Je vois des bananes ou un ananas, je continue mon chemin. Par contre, je repère le petit stand avec un choix plus restreint où les produits viennent d’Alsace.
- Les bons plans marchés et magasins en vrac
Habitant et travaillant dans le quartier de l’Orangerie, je m’arrête parfois le mardi matin, avant de travailler, au marché du Boulevard de la Marne (mardi ou samedi de 8h00 à 13h00). Toutefois mon jardin secret reste le marché des petits producteurs rue de la Douane (le samedi de 7h00 à 13h00). Nul besoin de gymnastique pour mon cerveau puisque tous les produits présents sont locaux et de saison. Et parfois, quand mon emploi du temps n’est pas compatible avec les marchés, direction La Nouvelle Douane, autrement dit le supermarché des producteurs alsaciens. Les horaires y sont moins contraignants que les marchés et les produits d’une très bonne qualité. Idéal pour les légumes, le fromage et la viande.
Une fois cette étape franchie, je me renseigne sur les boutiques en vrac pour les produits secs (féculents, chocolat, épices et cosmétiques). La plus proche de chez moi est Le Bocal dans la Krutenau. Même au bout de six mois, cette boutique reste pour moi un coin de paradis que je n’aurais jamais fini d’explorer. Les règles du jeu sont les mêmes qu’au marché. Je me munis de sacs en tissu et de petit pots en verre pour les épices. Je pèse mon contenant, j’inscris le poids dessus, je le remplis du produit désiré et le poids du contenant est déduit lors de mon passage en caisse. En ce qui concerne les cosmétiques, je trouve du savon, du shampoing et du dentifrice solides.
- Les astuces bonus
J’essaye aussi de faire ma lessive. Un peu de savon de Marseille, du vinaigre blanc, du bicarbonate de soude, le tout dans une casserole et voilà deux litres de lessive. J’ai ajouté quelques gouttes d’huile essentielle de lavande pour le plaisir du linge qui sent bon.
Et je dis au revoir aux produits achetés de manière récurrente. En cuisine, je me sers des boîtes ou des sacs en tissu pour conserver et transporter mes aliments au lieu du film alimentaire, d’un torchon ou d’une éponge ou lieu de l’essuie-tout. En salle de bain, ma maman m’a offert des mouchoirs en tissu au lieu des mouchoirs en papier. Prévoyez-en un nombre suffisant en cas de gros rhume d’hiver. J’utilise un oriculi au lieu des coton-tiges, la cup depuis deux ans. Mon prochain objectif est de fabriquer des serviettes hygiéniques lavables. Pour le papier toilette, aucune solution concrète n’a encore été trouvée…
Enfin, direction le compost pour tous mes déchets organiques. Strasbourg est une ville idéale avec de nombreux spots pour mes épluchures de carottes.
De l’organisation et de la cuisine
Pour vivre au mieux le zéro déchet, j’ai adopté une petite organisation. En ce qui concerne la cuisine, je prépare plusieurs plats le dimanche soir pour le début de la semaine et je cuisine de nouveau une ou deux fois en semaine. Je vous avoue qu’il m’arrive d’avoir une flémingite aigue. Dans ces moments de crise, je fais cuire des pâtes, un peu de fromage par-dessus et le tour est joué. Basique mais bon. En ce qui concerne l’approvisionnement, les jours et horaires d’ouverture des marchés, des supermarchés de producteurs ou magasins en vrac sont généralement un peu plus réduits que les géants de la grande distribution. Pour les produits secs, j’ai un petit stock et pour les produits frais, j’adapte ma quantité à ma semaine. Et pour un repas en commun avec des amis, je suis la fille qui demande trois jours avant ce que chacun peut apporter pour avoir le temps d’acheter le nécessaire et de cuisiner si possible.
En découvrant la démarche zéro déchet, j’ai repensé la plupart de mes habitudes alimentaires. Le zéro déchet va de pair avec un retour à la simplicité, un retour aux produits de base. J’ai presque éliminé tous les produits industriels. Par exemple, au lieu d’acheter une sauce tomate qui se conserve pendant un mois même ouverte (oui j’ai déjà fait l’expérience), je fais revenir des oignons et des échalotes et j’ajoute des épices. Dès que je suis devenue étudiante, j’ai naturellement rayé la viande de ma liste de courses. Ce qui me permet en partie d’avoir un budget équilibré. Toutefois pour les plus grands carnivores, je pense qu’il est possible de se faire plaisir en privilégiant la qualité à la quantité.
Et le budget dans tout ça ?
Si vous avez été attentif.ve, une multitude de petites astuces se cache derrière ces lignes. Tout d’abord, contrairement à toute idée reçue, les fruits et légumes du marché ne sont pas plus chers qu’en supermarché et même parfois moins chers. Il faut noter que j’ai aussi choisi de privilégier l’agriculture locale et raisonnée aux produits biologiques. Néanmoins, pour les produits laitiers par exemple, ceux du marché reviennent généralement plus cher, se justifiant par une rémunération juste des producteurs et par une qualité nettement supérieure. Mais, j’ai choisi de ne plus acheter de viande. La cuisine est aussi un élément clé. Je cuisine tous mes repas, même ceux du midi. Cela revient moins cher que d’acheter des produits déjà préparés ou de manger à l’extérieur (sandwich ou RU).
Et un budget s’équilibre sur l’ensemble de la vie quotidienne. J’ai choisi d’investir un peu plus au départ pour certains produits comme les boîtes en verre, la cup ou le savon solide. Ainsi je n’achète plus de papier aluminium ni de film alimentaire, pas de tampons ni de serviettes hygiéniques et un ou deux savons solides par an. Mon budget habillement et nouvelles technologies est limité au nécessaire. J’utilise aussi un vélo, ce qui sur un an revient moins cher qu’un abonnement mensuel aux transports en commun.
Mais au fait, pourquoi je fais tout ça ?
Parfois, je me demande pourquoi cette démarche me tient tant à cœur. D’une part, mon cerveau continue à recevoir une multitude d’informations cataclysmiques sur le nouveau continent de plastique, sur la pollution de notre environnement, sur la rémunération bancale des producteurs …
D’autre part, mon fil d’actualité Facebook est envahi par les bonnes idées de la famille Zéro Carabistouille (famille belge zéro déchet), par les propositions de conférence de la famille zéro déchet, par le premier festival zéro déchet à Strasbourg … Et mon cœur balance vers l’action positive et optimiste.
Ce qui me plaît dans la démarche zéro déchet, c’est la réflexion qui se cache derrière. Je réfléchis sans cesse sur ma manière de consommer voire de surconsommer. Je prends conscience de ma propre responsabilité et de ma capacité à agir pour dessiner un monde meilleur. Ma vie est aussi bercée par le scoutisme et les voyages. Ces moments me rappellent que notre mode de vie occidental n’est pas viable et surtout que je peux vivre sans superflu. Je n’ai pas besoin d’une cinquième robe dans ma garde-robe et je peux encore utiliser mon portable tout plein de bosses et de fissures acquises tout au long de ses cinq années de vie. Mener cette réflexion permet de contrôler un peu plus mon pouvoir d’achat en choisissant les circuits courts et ainsi contribuer à un système économique qui me ressemble. C’est un sentiment infiniment bon d’acheter en cohérence avec ce que je pense.
Cette démarche permet aussi de mettre des idéaux en pratique, c’est-à-dire d’apprendre à être plus indulgent.e envers soi-même. J’ai encore une poubelle où je jette mes papiers de plaquette de beurre et mes briques de lait (un de mes prochains défis est de trouver un producteur direct qui accepte ma bouteille en verre). Mais le principal c’est de progresser et de s’assurer que chaque nouveau pas franchi est viable à long terme. Et dès que je me retrouve dans une impasse, la large communauté zéro déchet est là pour me proposer des solutions. J’aime beaucoup la communauté Le Zéro Déchet Facile et pour les Strasbourgeois, je vous conseille le groupe Facebook conseils échanges, sur zéro déchet à Strasbourg.
Mener une démarche zéro déchet c’est aussi devenir peu à peu plasticophobe, se sentir un peu mal quand sa main prend la direction de la poubelle mais aussi se réjouir de chaque petit pas franchi par ses proches et par la société.
Pour finir, une petite légende de Pierre Rabhi à méditer : « Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés et atterrés observaient, impuissants, le désastre. Seul le petit colibri s’active, allant chercher quelques gouttes d’eau dans son bec pour les jeter sur le feu. Au bout d’un moment, le tatou, agacé par ses agissements dérisoires, lui dit : « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Tu crois que c’est avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ? » « Je le sais, répond le colibri, mais je fais ma part ».
>> CAMILLE HAIZE <<
Une astuce concernant le papier toilette… Depuis que j’ai installé une douchette dans ma salle de bains, je peux me passer de papier toilette. Ayant des toilettes suspendues, j’ai dû la relier au robinet, ce qui n’est pas gênant. C’est non seulement écologique, mais en plus laaaaaaaargement plus hygiénique puisqu’on se lave, ce qui est bien mieux que de s’essuyer en étalant les diverses substances présentes. 20€ sur Amazon et un portant à ventouse à 5€ chez Ikea pour information.