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De Mozart à St Exupéry : 7 illustres personnages qui ont zoné à Strasbourg

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Strasbourg en tant que carrefour de l’Europe, pôle des arts et des lettres, a accueilli depuis bien longtemps de nombreuses figures illustres : savants, poètes, médecins, musiciens, etc. En voici un petit panorama ; sélection établie à partir de la trace laissée par ces figures dans notre chère ville, dont le nom est associé à une statue ou une plaque commémorative. Dans l’ordre chronologique, vous retrouverez donc les figures de :

  • Gutenberg, « l’inventeur » de l’imprimerie, né à Mayence en 1400.
  • Goethe, poète et auteur du célèbre Faust, né à Francfort en 1749.
  • Mozart, compositeur de génie, né à Salzbourg en 1756
  • Rouget de Lisle, officier du génie militaire et compositeur de la « Marseillaise », né à Lons-le-Saunier (Jura) en 1760.
  • Bugatti, ingénieur automobile, né en 1881 à Milan.
  • et enfin plus brièvement de Pasteur, inventeur du vaccin contre la rage, né en 1822 à Dole (Jura) et de Saint-Exupéry, aviateur et auteur du Petit prince, né en 1900 à Lyon.

Remarque (qui vaut ce qu’elle vaut) : 7 figures illustres, 7 hommes : pourquoi l’Histoire est-elle donc si ingrate envers les femmes ?


> GUTENBERG (1400-1468) <

(source: wikipéedia.fr)

Quand je vous dis Gutenberg, vous me répondez… sa place et son immanquable carrousel ! Oui vous aurez raison mais ce n’est pas un tour de manège que je vous emmène faire ici mais un tour dans le passé. Laissez-vous glisser dans les pas d’un homme qui a arpenté le pavé strasbourgeois durant une vingtaine d’années, entre 1434 et 1444.

« Ile Gutenberg », « rue des imprimeurs » : pas de doute, le fief de Gutenberg était à la Montagne Verte

En provenance de Mayence, sa famille s’était en effet installée à l’extérieur de la ville, dans le quartier Saint-Arbogast à Montagne Verte. Ceux qui pratiquent le footing le long des berges de l’Ill ont déjà dû apercevoir le monument commémoratif érigé en 1992 qui dit que « c’est ici à la Montagne Verte que l’imprimerie fut inventée par Jean Gutenberg et c’est de ce pôle que par elle la lumière rayonne dans le monde ».

Sur l’Île Gutenberg (© Florian Crouvezier / Pokaa)

Un duel d’inventeurs digne de Tesla et Edison

Une juste reconnaissance me direz vous pour celui qui révolutionna la circulation du livre grâce à un système de presse à caractères mobiles. Mais alors que penser de l’épitaphe d’un autre imprimeur Strasbourgeois, Jean Mentelin, enterré dans la cathédrale : « c’est ici que je repose, moi, Jean Mentelin, qui, par la grâce de Dieu, ai le premier inventé à Strasbourg les caractères de l’imprimerie et fait parvenir cet art, qui doit se perpétuer jusqu’à la fin du monde, à un tel degré que maintenant un homme peut écrire en un jour autant qu’autrefois dans une année. »

Alors qui « inventa » l’imprimerie ? Gutenberg ou Mentelin ? Il semble que l’histoire refuse de trancher. Les pointilleux vous diront sûrement que Gutenberg n’a imprimé sa première Bible en latin qu’en 1455, donc non pas à Strasbourg mais à Mayence où il était de retour alors que Mentelin a quant à lui imprimé sa première Bible en allemand, certes une dizaine d’années plus tard, en 1466, mais à… Strasbourg !

Statue de Gutenberg (© Florian Crouvezier / Pokaa)

Et la lumière fut !

Une chose est sûre, quand vous ferez votre tour de carrousel sur le dos d’un dada, c’est bien la figure de Gutenberg que vous apercevrez tournée vers la cathédrale. Cette statue érigée en 1840 par David d’Angers a même donné son nom à la place qui s’appelait autrefois place du Marché-aux-Herbes. Sur le socle, les bas-reliefs sont sculptés sur le thème des « bienfaits de l’imprimerie à travers le monde. » L’œil avisé remarquera aussi l’inscription gravée sur la page de papier que tient la main de Gutenberg : « et la lumière fut ».

À noter que 2018 a été décrétée année Gutenberg.


> GOETHE (1749-1832) <

(source: wikipedia.fr)

J’imagine que vous connaissez tous Goethe, enfin surtout sa statue qui trône devant le Palais Universitaire plutôt que Les souffrances du jeune Werther, n’est-ce pas ?!
Cette statue en bronze, érigée en 1904 par le Berlinois Ernst Waegener, commémore l’année universitaire que Goethe passa à Strasbourg entre 1770 et 1771 lorsqu’il avait 21 ans mais elle ne matérialise pas le bon endroit. En effet le palais U n’existait pas à l’époque et c’est bien à l’actuel lycée-Gymnase Jean Sturm que se situait l’université de la ville. Aujourd’hui encore, la place au-devant s’appelle Place des étudiants. Les noms révèlent bien des choses passées.

Vous rêvez de prendre un verre en terrasse sur la plate-forme de la cathédrale, Goethe l’a fait pour vous !

Statue de Goethe (© Florian Crouvezier / Pokaa)

Goethe relata son séjour dans l’ouvrage Poésie et vérité et il n’est pas peu fier de dire à quel point il aimait grimper sur la plate-forme de la cathédrale et même plus haut encore ! Il faut dire qu’à cette époque les étudiants venaient y boire un verre au coucher de soleil car la plate-forme hébergeait un café. On connaît tous à quel point l’alcool démesure les ambitions et c’est vrai que la flèche ne paraît plus bien loin depuis cette terrasse ! Sur la plate-forme de la cathédrale, on buvait donc un coup et on apposait sa signature dans des registres (720 000 signatures ont été recueillies entre 1818 et 1870, notamment celles de Lamartine, Sand ou Hugo) ou même encore plus classe, on faisait graver son nom au pied de la flèche. Celui de Goethe est encore visible aujourd’hui.

Un médaillon orne également la jolie façade peinte en rouge de la maison à colombage que Goethe habita au n° 36 de la rue du Vieux-Marché-aux-Poissons et on pourra également remarquer qu’un des 28 médaillons à portraits qui décorent les quatre façades de la BNU lui est dédié. Pour les plus curieux, un buste de Goethe vieilli trône également dans le jardin derrière le Palais U. Alors qu’il était promis à la aula, il fut relégué dans l’arrière-cour car jugé trop hideux (et pourtant c’était un cadeau, quelle ingratitude!). Moralité : la vie est aussi cruelle pour les statues…

Écrire des poèmes pour les beaux yeux d’une fille, oui ! Quant à se marier avec…

Son logement rue du Vieux-Marché-aux-Poissons, son buste derrière le Palais U et son médaillon sur la façade de la BNU (© Florian Crouvezier / Pokaa et Roland Burckel sur archi-wiki.org pour la dernière)

Pour les plus courageux (ou les fans de Goethe les plus hardcore – je suis sûr qu’il y en a), sachez qu’à Sessenheim, à une trentaine de kilomètres au nord de Strasbourg, il existe à l’Auberge du Bœuf un petit musée Goethe qui réunit quelques souvenirs. C’est qu’à l’époque le petit filou venait ici à cheval conter fleurette à Frédérique, la fille du pasteur Brion, qui lui inspira plusieurs poèmes. Il l’abandonna sans vergogne lorsque, tout juste reçu docteur en droit, il décida de retourner faire carrière dans sa ville natale de Francfort.

D’ailleurs la fameuse statue du Palais U évoque sur ses bas-reliefs les réunions sur la plate-forme de la cathédrale et… l’idylle de Sessenheim !


> MOZART (1756-1791) <

source: wikipedia.fr)

Au même âge que Goethe, et seulement quelques années plus tard, un autre homme illustre séjourna à Strasbourg : Wolfgang Amadeus Mozart. Ce fut un séjour bref, du 10 octobre au 3 novembre 1778, sur le chemin de son retour à Salzbourg en Autriche.

Quand Mozart fit un flop…

On ne sait si les Strasbourgeois ne goûtaient guère la musique autrichienne ou s’il y avait une fête avec bière et choucroute au même moment mais il se trouve que les quelques concerts que Mozart donna dans la ville ne furent que des « demi-succès ». Le jeune compositeur s’en plaignit amèrement à son père dans une lettre : « … les Strasbourgeois ne viennent pas assez nombreux à mes concerts… »

…mais sans rancune.

Pour autant, le souvenir de bref séjour est encore vivace aujourd’hui. Notamment grâce à la « salle Mozart », salle dans laquelle il joua le 17 octobre. Elle est située au premier étage de l’Ancien Hôtel de la Tribu des Marchands, qu’on appelait à l’époque Poêle du Miroir, au 29 rue de Serruriers. Sur sa façade est aussi apposée une plaque commémorative.

 Au 1er étage: la salle Mozart (© Florian Crouvezier / Pokaa)
(source: salle-mozart.fr)

Mozart laissa aussi ses empreintes sur les orgues Silbermann du Temple Neuf et de l’église Saint-Thomas (une affichette l’atteste encore, ainsi qu’une silhouette en carton qui donnerait presque l’impression que son fantôme surveille encore le malheureux touriste qui oserait toucher au clavier) et il se dit même qu’il aurait pu devenir maître de la chapelle de la cathédrale dans le cas où l’actuel décède à cause de son alcoolisme. Malheureusement, écrit-il à son père : « celui-ci est maintenant très modéré : au lieu de 40 bouteilles de vin, il n’en avale plus que 20 environ par jour. »

 (© Florian Crouvezier / Pokaa)

À noter qu’un médaillon à son effigie est aussi visible sur la façade de l’Aubette, long bâtiment de grès rose qui ferme la place Kléber, construit en 1765 pour abriter le corps de garde et qui fut à la fin du XIXe siècle un haut lieu de la musique.

[Une plaque située sur le quai Saint-Thomas rappelle aussi que c’est à Strasbourg qu’un autre grand génie de la musique donna son premier concert sur le territoire français. C’était à l’Hôtel de l’Esprit en 1823 et le jeune musicien alors âgé de 12 ans s’appelait Franz Liszt.]


> ROUGET DE LISLE (1760-1836) <

Isidore Pils, Rouget de Lisle chantant la Marseillaise pour la première fois (source: wikipedia.fr)

Vous ne pouvez plus entendre la « Marseillaise » car à cause de la Coupe du monde de football, ce fut un peu le tube de l’été (ciao « Despacito »), rassurez vous, je ne vais pas vous la chanter mais simplement vous raconter sa genèse, très fortement liée à la ville de Strasbourg.

Strasbourg : théâtre de la composition de l’hymne gore par excellence

Car oui c’est bien ici que la Marseillaise fut composée et chantée pour la première fois. On le doit à deux figures emblématiques : le maire de Strasbourg De Dietrich et l’officier du génie militaire Rouget de Lisle. Le second était en garnison à Strasbourg quand le premier lui commanda un chant pour soutenir la déclaration de guerre de la France à ses ennemis de l’Est. D’où le nom originel : « Chant de guerre de l’armée du Rhin ». Il fut rebaptisé en référence aux soldats marseillais qui avaient lâché leur boule de pétanque et leur pastis pour venir prêter main-forte à ladite armée.

L’ombre d’un doute

Évidemment Strasbourg a conservé intact le souvenir du jour où le futur hymne national fut entonné pour la première fois, à savoir le 26 avril 1792. Si le jour est certain, le lieu l’est un peu moins. On sait que ce fut dans le salon du maire mais fut-ce dans celui de l’hôtel familial sis place Broglie comme on l’a longtemps cru ou plutôt chez le maire lui-même au n° 17 de la rue des Charpentiers ? La question fait encore débat. Une plaque orne en tout cas toujours la façade de l’ancien hôtel, l’actuelle Banque de France, place Broglie.

Un souvenir dispatché

à gauche: l’immeuble Grand’rue, à droite: le médaillon place Broglie (© Florian Crouvezier / Pokaa)

Mais on trouve aussi des traces du souvenir de Rouget de Lisle à trois autres endroits de la ville :
– D’abord au n° 126 de la Grand’Rue où il aurait composé son chant la nuit précédente (son portrait y trône aujourd’hui aux côtés de figurines Pokémon, ce qui est pour le moins cocasse)
– Sur la place Broglie encore, mais cette fois à gauche de l’hôtel de ville où un monument sculpté en 1922 par Alfred Marzolff, détruit par les nazis en 1940 et reconstruit en 1980, commémore la Marseillaise.
– Et enfin au musée historique où un tableau peint par Isidore Pils en 1849 le représente chantant la « Marseillaise » (bien qu’il paraît que c’est le maire lui-même qui la chanta en premier). L’histoire ne se lasse jamais de troubler les certitudes…


> BUGATTI (1881-1947) <

Bugatti c’est d’abord une image : celle d’un superbe bolide old school cheminant à toute berzingue sur les petites routes du vignoble alsacien. Une image de rêve qui fut fatale à la marque à l’ovale rouge (qui, dit en passant, n’a rien à voir avec les pâtes Barilla).

Ettore Bugatti est à peu à l’image de Mozart mais dans un tout autre style : un garçon précoce et très doué. Né à Milan dans une famille d’artisans d’art, il s’intéressa très tôt à la mécanique et à la course automobile. Âge d’à peine 17 ans, voilà qu’il construit déjà ses premiers bolides et participe à ses premières courses, les remportant l’une après l’autre.

La rallye d’Alsace avant l’heure

En 1902, à 21 ans, il fut recruté par la société alsacienne De Dietrich, qui venait de se lancer dans la construction automobile (oui oui les mêmes qui font aujourd’hui des lave-vaisselles et des micro-ondes). Il y rencontra Emile Mathis avec qui il s’associa en 1904 avant de fonder sa propre marque, « Bugatti », à Molsheim, ville qui deviendra son fief. Il y développa son goût du luxe esthétique allié à une technique d’avant-garde qui lui assura le succès. Les concours automobiles et autres rallyes devinrent le terrain de prédilection de la marque et rares sont ceux qu’elle ne remporta pas durant l’entre deux-guerres.

Bugatti Hermès (MPW57 / Wikipedia.fr)

Message de la prévention routière : la ceinture sauve des vies

Ettore laissa par la suite la gestion de l’usine à son fils Jean mais l’entreprise Bugatti ne se releva jamais de son décès tragique en 1939, à l’âge de 30 ans au cours d’un essai de nuit d’une Bugatti Type 57 sur la route près de Duppigheim à quelques kilomètres de l’usine.

L’un des bureaux de Bugatti se trouvait au n°19 de la rue de la Nuée Bleue où se trouvent actuellement les locaux de DNA. On peut y apercevoir une petite plaque qui atteste que c’est ici qu’il dessina les plans de la célèbre Hermès.

 (© Florian Crouvezier / Pokaa)

Avez-vous déjà vu : un curé au volant d’un bolide de course ?

Une petite anecdote pour finir : Ettore Bugatti a offert dans les années 30 une voiture à Mgr Charles Ruch, évêque de Strasbourg. Et celle-ci était tunée ! Le porte-bouchon du radiateur était en effet orné d’une représentation de Saint-Odile, patronne de l’Alsace. De quoi ne même pas craindre que la soutane ne se prenne dans la pédale de frein en descendant le Mont !


Strasbourg a conservé le souvenir de deux autres figures illustres que nous allons évoquer plus brièvement :

> PASTEUR (1822-1895) <

Après de brillantes études à Besançon, Louis Pasteur fut nommé en 1849 à l’Université de Strasbourg où il œuvra jusqu’en 1854. Un médaillon commémoratif rappelle que c’est à l’Académie (actuellement le lycée Oberlin au n° 4 de la rue de l’Académie) que l’inventeur du vaccin contre la rage enseigna. Une plaque qui représente un portrait réalisé par le graveur Henri-Auguste-Jules Patey a aussi été apposée au n° 3 de la rue des Veaux, sur une maison dans laquelle Pasteur vécut quelques années.
À noter que trente ans plus tard, en 1885, il sauva de la rage un jeune Alsacien de 9 ans en lui injectant son vaccin pour la première fois.

Plaque rue des Veaux (© Florian Crouvezier / Pokaa) + médaillon rue de l’Académie(source:lyceeoberlinstrasbourg.com)


> SAINT-EXUPÉRY (1900-1944) <

Originaire de Lyon, le célèbre écrivain et aviateur, Antoine de Saint-Exupéry prit ses premières leçons de pilotage au terrain du Polygone, au sein du deuxième régiment d’aviation. Il séjourna donc quelques mois à Strasbourg en 1921, au n° 12 de la rue du 22 novembre sur la façade duquel est apposée une plaque commémorative.

L’immeuble de la rue du 22 novembre (© Florian Crouvezier / Pokaa)

Et bientôt un article sur Matt Pokora, né en 1985 à Strasbourg, je vous le promets !

SOURCES :
archi-wiki.org
PÉRILLON Marie-Christine, Promenades littéraires à Strasbourg, Éditions Ouest-France, 1990.
BEFORT Paul-André, Parcours d’un Strasbourg insolite, Jérôme Do Bentzinger Éditeur, 2018.
MOSZBERGER Maurice (dir.), Dictionnaire historique des rues de Strasbourg, Le Verger Éditeur, , 2012

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