Avant de fermer pour le mois d’août, l’équipe du CEAAC nous a guidé à travers sa dernière exposition de la saison. Consacrée au travail du designer Ruedi Baur, qui a notamment produit la signalétique de la place du Château et de la médiathèque Malraux, la manifestation permet une découverte concrète de l’art contemporain, parfois difficile à appréhender. L’occasion toute trouvée pour s’immerger dans ce centre d’art un peu planqué, aux abords de la Krutenau.
Mais que vient faire le travail d’un designer dans un centre d’art contemporain ? Si certains objets design se rapprochent du statut d’oeuvre d’art par leur dimension créative, l’histoire n’en retient généralement que la fonction utilitaire, les condamnant à n’être que des objets beaux certes mais des objets pratiques avant tout. Et pourtant pour Gérald Wagner, chargé des publics au CEAAC, cette rencontre fait pleinement sens : “D’abord, parce que le design de Ruedi Baur est un design très créatif, il est transdisciplinaire, comme l’art contemporain où l’on est aussi beaucoup dans la mise en scène d’un lieu… Et puis, parce que Ruedi Baur oriente ses outils vers l’espace public, il se met, comme nous, au service de la cité.”
Fondée en 1988, l’association à la tête du CEAAC s’est en effet donnée la mission de créer la rencontre entre l’art contemporain et le public, qu’il soit érudit ou non. Pour ce faire, elle procède de deux manières. Il y a, bien sûr, le centre d’art en lui-même, qui héberge depuis 1995 trois grandes expositions par an, dans ce qui était auparavant le magasin Neunreiter, boutique de verrerie et de porcelaine de style Art nouveau dont l’association a préservé les boiseries comme les peintures typiques. Le centre offre par ailleurs un service international de soutien aux artistes locaux, qu’elle envoie en résidence dans des structures partenaires, et dont elle héberge les expositions de restitution six fois par an.
Mais ce qui rapproche vraiment le CEAAC du designer Ruedi Baur, c’est cette autre manière dont l’association promeut l’art contemporain, qui depuis trente ans procède à l’installation de sculptures dans l’espace public. “Aujourd’hui nous en sommes à 36 sculptures installées sur l’ensemble du territoire alsacien, dans de grandes villes mais aussi de petits villages…” Non content de s’installer près de tous les habitants, le CEAAC les inclut également dans le processus de réflexion qui régit chaque installation de sculpture, faisant d’eux les meilleurs spectateurs qui soient : des acteurs de la vie culturelle qui leur appartient. “C’est très, très important pour nous d’ouvrir l’art contemporain au plus large public possible, et surtout de ne pas encourager une forme d’entre-soi.”
Et c’est en cela que l’esprit CEAAC rejoint l’esprit Baur, dans cette volonté d’amener l’art contemporain à des usagers qui souvent sans le savoir participent à lui donner corps et vie par leur interaction avec le matériau. En témoigne par exemple la médiathèque Malraux dont les photographes s’amusent à faire parler la façade, et dont les habitués redéfinissent les parcours rouges tracés du sol jusqu’au plafond… Au rez-de-chaussé du CEAAC, premier niveau de l’exposition orchestrée par Ruedi mais aussi Vera Baur, sociologue spécialisée en anthropologie, les travaux se donnent à voir en photos sur de longs panneaux japonisants, sans texte, comme pour mieux laisser parler le spectateur. Au premier étage, les panneaux se font explicatifs, mais loin de noyer par la technique, ils informent surtout sur l’humanité derrière l’esthétique des projets… L’humanité d’un designer qui met le nom d’un enfant du quartier sur le téléphérique qui le survole. Pari tenu pour le CEAAC. Avec cette exposition, l’art contemporain rencontre bien le grand public.
Vous n’êtes pas branché art contemporain ? Avec cette exposition, ça pourrait bien changer.
Jusqu’au 29 juillet dans sa forme actuelle au CEAAC,
7 rue de l’Abreuvoir (67000 Strasbourg)
Du mercredi au dimanche de 14:00 à 18:00
ENTRÉE GRATUITE