En novembre dernier et à 24 ans seulement, Clémence Dupont, jeune illustratrice passée par l’École supérieure d’art de Lorraine et la Haute École des Arts du Rhin, sortait son premier livre de vulgarisation scientifique, La grande expédition. On a voulu en savoir plus sur sa grande expédition à elle dans le monde mystérieux de l’édition. Ensemble, on parle de son parcours de Nantes jusqu’à Strasbourg, de sa récente découverte du statut d’indépendant, et de ce qu’on ressent quand on voit son bouquin dans les rayons de la Librairie Kléber…
Tu es illustratrice jeunesse ce qui signifie que tes dessins figurent dans des livres destinés à un jeune public : qu’est-ce qui t’a orienté vers les enfants ?
C’est vraiment bizarre, parce qu’en fait je n’aime pas trop les enfants… [rires] J’ai toujours dessiné et j’ai toujours été intéressée par l’objet-livre. L’illustration jeunesse, c’est quelque chose qui m’est venu au cours de mes études… De façon générale, en école, on oriente les hommes vers la bande-dessinée et les femmes vers l’illustration jeunesse. On suppose que les hommes ont des histoires à raconter et que les femmes ont la fibre maternelle… Moi je n’étais tout simplement pas particulièrement intéressée par la bande-dessinée et je n’avais pas non plus très envie de faire d’énormes peintures incroyablement détaillées ; ça viendra peut-être ! [rires] Ce qui m’a séduite dans l’illustration jeunesse c’est le fait d’apporter une image au texte, de venir accompagner la compréhension de l’enfant via le dessin. J’étais le genre de gamine qu’on pouvait calmer devant un documentaire, j’adore les dinosaures, les animaux, l’histoire et les sciences, l’illustration de livres de vulgarisation scientifique pour enfants rassemble toutes mes passions et s’est imposée à moi d’elle-même ! Et puis de manière pragmatique c’est un domaine dans lequel l’image est très présente, on sait qu’il y a et qu’il devrait toujours y avoir du travail…
Le travail justement : comment tu le trouves en tant qu’indépendante ? Comment on se retrouve dans le viseur d’éditeurs prestigieux, pour illustrer des livres pour enfants et, très rapidement dans ton cas, écrire le sien ?
C’est lié à mon parcours. Après ma première formation post-bac à Épinal j’ai postulé et été retenue à la Haute École des Arts du Rhin, très réputée dans le milieu de l’illustration, et… J’ai été déçue ! [rires] Je ne me suis pas retrouvée dans la formation et en parallèle je commençais à avoir des projets professionnels concrets, alors j’ai lâché l’école pour me lancer en tant qu’illustratrice indépendante. Pour ne pas sauter dans le vide sans garantie financière, j’ai fait un service civique auprès de l’association Familangues, où je créais des outils visuels de communication et d’apprentissage 24 heures par semaine en parallèle de quoi je réalisais quelques commandes d’illustration ! Et puis un jour, un éditeur jeunesse me contacte, lâché par une illustratrice. L’autrice du livre était une ancienne prof, elle me recommandait, et c’est comme ça que j’ai illustré un livre pour la première fois. Ça m’a fait réaliser qu’il y avait de la place pour moi dans ce monde et que je n’avais qu’à oser la demander ! Je me suis mise à démarcher activement mes maisons d’édition préférées, et les projets ont commencé à s’accumuler… Dont mon livre.
Parle-nous de ton livre justement, comment l’as-tu développé avec ton éditeur et comment as-tu vécu cette aventure qui continue après la publication ?
La grande expédition est un livre illustré pour enfants sur l’évolution du vivant (des plantes et des animaux) du Big Bang jusqu’à aujourd’hui, et de la place finalement très faible en terme de temps de l’humain au milieu de tout ça… C’est un livre que j’ai illustré mais aussi écrit ! Comme je n’aime pas les livres pour enfants qui les prennent pour des idiots en simplifiant trop les informations, j’ai fait un gros travail de recherche pendant deux mois avant d’entrer en écriture puis de dessiner pendant trois mois… J’ai pu faire plein de dinosaures ! [rires] En tout, le livre se déplie sur 8 mètres de dessins accompagnés de textes informatifs référencés. La sortie, c’était stressant… Cette fois en cas d’erreur, j’étais la seule à blâmer, parce que j’en suis également l’autrice et pas seulement l’illustratrice. [rires] Je me suis vraiment investie dans la promotion : à Strasbourg, je l’ai signé à la Bouquinette et au Quai des Brumes, ma librairie strasbourgeoise préférée qui l’a mis en vitrine. Et puis le voir dans les rayons de la librairie Kléber aussi, j’étais si fière ! Publier mon livre rien qu’à moi, c’était un rêve…
C’est le moment de la question Thierry Ardisson… À 24 ans, tu as déjà réalisé ton rêve : à partir de maintenant, tu n’as pas peur que ce ne soit que moins bien (non il n’est pas très sympathique le Thierry) ?
[rires] C’est une angoisse que j’ai eu après la sortie de mon livre : dès ma première année en tant qu’illustratrice indépendante, je réalise mon rêve… Mais j’ai vite réalisé qu’on a toujours de nouveaux rêves, et au lieu de me crisper sur la peur de ne plus plaire, je préfère travailler activement à rester dans le coup, dans un milieu qui évolue avec les technologies et selon les modes. Je travaille sur de nouveaux projets, dont une expo au Chariot à la Krutenau et un nouveau livre avec l’Agrume édition, sur l’exploration des cieux et de l’espace. Et puis j’aimerais intégrer un atelier dans l’année pour voir des gens dans le cadre de mon activité, parce que je me sens un peu seule chez moi, face à mon travail comme aux papiers administratifs ! [rires]
Vous pouvez suivre Clémence sur Facebook, Instagram et Tumblr…
“Ça prend du temps de gérer des réseaux mais j’adore ça ! Il ne faut pas oublier qu’on fait un travail précaire, qui paye grâce au soutien de notre public.”
… Et retrouver ses oeuvres au Chariot (18 rue de l’Abreuvoir)
du 6 mars au 8 avril !
La grande expédition (Agrume édition) est disponible en librairies :
“N’hésitez pas à le chercher ou le commander dans une librairie indépendante pour valoriser la chaîne du livre et le commerce de proximité !”