Salutations brillants bourgeoises et bourgeois (eh bien oui, des strass-bourgeois). Sachez d’ailleurs que le strass est appelé pierre du Rhin au Québec, alors vous aurez beau souffler, ma blague est d’une haute teneur culturelle !
Laissez-moi vous informer tout de go qu’ici, on va parler théâtre.
…
Bien, maintenant que nous sommes entre nous, laissez-moi vous expliquer pourquoi ceux qui se sont déconnectés à la lecture de la dernière ligne n’ont peut-être pas fait le meilleur des choix.
Vous le savez sans doute, le théâtre n’a pas toujours bonne presse en dehors de ses propres cercles, plus ou moins hermétiques. Plombé de clichés, lesté de stéréotypes et pas toujours soulagé par des créations contemporaines expérimentales douteuses. On a du mal à imaginer qu’il s’agit là de l’art populaire par excellence. Et c’est pourtant le cas — si si, croyez-moi. Forme vivante (et donc mortelle), il évolue avec la société, il se construit sur elle et à travers elle, s’en fait le miroir et le commentateur. Tout le monde peut trouver son compte au théâtre, mais encore faut-il que l’on nous donne envie d’y jeter un œil.
Et en la matière, l’événement dont je vais vous parler ne donne pas envie d’y jeter l’œil mais bien de s’y plonger les pouces en avant, abandonnant un temps les salles obscures des cinémas.
Il existe, vous le saurez, un collectif nommé Trois 14 au sein de notre belle ville. Un collectif qui existe depuis presque 20 ans et qui a deux objectifs. D’abord, regrouper les troupes de théâtre amateur de la ville pour leur permettre de mutualiser leurs efforts et programmations. Ensuite, il vise à offrir aux locaux un accès aisé à la culture théâtrale la plus variée possible.
En somme, c’est un regroupement de troupes qui officie principalement au théâtre du Cube Noir, au CREPS d’Alsace. Il compte quelque chose comme 400 acteurs, plusieurs dizaines de manifestations par an et un rayonnement important dans le théâtre amateur français.
Mais à l’origine de toute cette assemblée, il y avait un événement, alors que le collectif ne disposait pas encore de sa salle. Et cet événement, c’est le Festival Théâtralis.
Créé en 2001, son objectif est de proposer pendant plusieurs jours une programmation variée, en invitant des troupes de tout le pays et au-delà (allant même chercher quelques Québécois à l’occasion).
Vous n’en avez jamais entendu parler alors que vous habitez la ville depuis moult années ? Deux explications sacripants, tout d’abord la malchance pantouflarde, et aussi peut-être une communication qui laissait parfois à désirer. Voyez plutôt.
Ajoutez à cela que le festival se déroulait en juillet, date à laquelle les étudiants sont à l’usine ou à la plage pour les plus subventionnés, et où la saison régulière des théâtres s’est achevée, en même temps que l’engouement et la motivation des publics. Le choix fut donc acté d’interrompre le festival (ou plutôt de le réduire à un petit format pour le collectif), le temps de le remanier drastiquement. Ce qui fut fait, et, tel un phénix jaillissant des sarments — c’est-à dire flamboyant et savoureux — Théâtralis s’est de nouveau manifesté en nos contrées.
Pour l’occasion, le festival s’est tenu à l’Espace K, un théâtre à la programmation un peu en marge des grands théâtres strasbourgeois, puisque d’avantage composée de cabaret et de spectacles comiques que de variations évanescentes sur les films de Marguerite Duras. Un bel espace, qui a mis ses différentes salles à la disposition des artistes, ce qui a pu nous assurer une programmation fournie.
Trois jours de spectacles, de ris et de chant. Autant vous dire que pour l’inconditionnel maniaque et psychotique des plateaux que je suis, ce fut une joyeuse ripaille.
L’une des caractéristiques du festival est son hétérogénéité. Vous pouviez y trouver autant des pièces somme toute classiques que du cirque, un récital, du théâtre d’improvisation ou encore du strip-tease, ou plutôt ici de l’effeuillage burlesque, supervisé par Luna Moka.
Je sens que déjà certains regrettent leur absence. Mais allons, restons tous publics. Je vous estime trop pour vous prendre par vos bas instincts.
Il se trouve que le festival accueillait également le collectif Noun, qui a présenté une forme assez déroutante dans la Salle des Colonnes, grand hangar avec des piliers alignés, rectangulaires — donc pas vraiment des colonnes, lesquelles sont cylindriques, mais cessez donc de chipoter ! — et une pénombre généralisée. Là, se sont enchaînés pendant trois heures de petites formes burlesques, expérimentales, poétiques, et surtout disparates.
Résultat d’une résidence de création d’une semaine seulement, ce spectacle fait le pont entre la performance et le théâtre proprement dit. Les costumes étaient variés et surprenants (clou et marteau humains), les textes déroutants, les postures inventives. Comme ce quatuor (deux jeunes femmes et deux jeunes hommes) assis dos à dos sur quatre chaises, dans leur plus simple appareil — ah, j’avais pourtant juré de ne plus vous appâter ainsi !
Je ne vais pas, rassurez-vous, vous dérouler l’énumération de toutes les merveilles que recensait ce festival, mais on peut dire qu’à part une fausse note (à mes yeux, un spectacle mal maitrisé et mal écrit) c’était une excellente cuvée. Une programmation de qualité dans un lieu accueillant, des bénévoles (une quarantaine !) aux petits soins et de délicieux sandwichs relativement originaux servis dans la Salle des Curiosités.
De quoi rendre impatient pour l’édition 2018, à laquelle vous serez cette fois, sans l’ombre d’un doute.