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Rencontre avec Bartosch Salmanski, l’incontournable photographe strasbourgeois

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C’est simple : à chaque fois qu’on recherche une image d’un lieu, d’un événement ou d’un tôlier strasbourgeois en ligne, ses clichés arrivent invariablement en tête des résultats ! À 37 ans, Bartosch Salmanski fait partie des photographes les plus connus de la région Alsace. Ses portraits sont régulièrement publiés par la presse culturelle locale, ses reportages appréciés par les grandes marques du Grand Est, et ses photos de la Cathédrale et du Port du Rhin, pour ne citer qu’elles, inondent à intervalle régulier les réseaux sociaux des strasbourgeois. Et puis il y a les lives musicaux : du Kawati à Strasbourg au Grillen à Colmar, Bartosch aime capturer la scène musicale alsacienne. De ce jeudi 14 décembre à ce dimanche 17 décembre, l’espace culturel Django Reinhardt expose une sélection de ses images de scène ; à cette occasion nous lui avons rendu visite au QG de 128DB, la société qu’il a co-fondé avec deux associés, pour parler de l’événement mais aussi de son parcours passé, de ses aspirations futures et de ses inspirations de toujours…

Vous l’avez sûrement déjà croisé, sans vraiment l’identifier, au bar du Longevity ou dans la fosse de la Laiterie : ce grand bonhomme au poil hirsute, droit dans son jogging sombre et ses baskets colorées, ses deux boîtiers sur les côtés et ses deux yeux aux aguets, c’est lui, Bartosch Salmanski. Face à sa carrure aussi impressionnante que sa carrière, on est tentés de reculer : on aurait tort, car sous ces sourcils broussailleux, presque sévères, se cachent l’un des regards les plus bienveillants et l’un des sourires les plus francs de toute la région, servis avec une humilité aussi rafraîchissante que rare dans le milieu de l’image. Alors qu’il vient de boucler la préparation de sa dernière exposition dédiée à la scène musicale locale, avec laquelle il a fait ses premiers pas de photographe, l’infographiste de formation revient avec nous sur son parcours d’autodidacte guidé par la culture web : stoner rock, memes et urbanisme, tout y passe !

Ta patte photographique est reconnaissable entre mille, dans quelle grande école t’es-tu donc formé ?

La meilleure, Internet ! [rires] Après le bac, j’ai fait une formation d’infographiste-designer à la MJM (ndlr : une école d’arts appliqués) de Strasbourg, parce que j’étais un gros geek ! J’ai été très tôt sur Internet, en 1996 je crois, et je suis tombé amoureux de la culture web tout simplement. J’ai développé une passion pour les interfaces et la typographie, et je me suis dit qu’il fallait vraiment que je fasse partie de ce nouveau monde. Donc en 1999, MJM, diplôme puis job en design et graphisme numérique, et là, problème : à l’époque, il y avait très peu de banques d’images en ligne, du coup c’était vite compliqué d’illustrer les sites… Je passais des heures sur Deviantart pour trouver une image qui correspondait vaguement à ce qu’il fallait, alors j’ai fini par acheter mon premier réflex, un Canon 10D, pour faire les photos moi-même et proposer un truc sur-mesure. Donc c’était pas une ambition en soi, la photographie, même si j’en faisais déjà un peu pour immortaliser les soirées entre potes… C’est parti d’un besoin pratique, et puis je me suis pris au jeu !

Comment tu t’es amélioré, alors ?

“C’est en faisant qu’on devient faisandier.” [rires] C’est à partir de 2008 que je suis devenu un photographe plus assidu, surtout de scène. J’étais infographiste le jour, photographe de scène la nuit, comme Batman ! Ah non lui c’est pas ça… La photo de scène, c’est vraiment une question de milieu, de copains et d’opportunités. J’avais pas mal d’amis musiciens, qui m’ont permis d’intégrer ce milieu, d’aller sur scène mais aussi derrière. Ce que j’aime c’est ça, ce qui se passe derrière, dans les coulisses. C’est là que tu vois l’humain… J’ai fait mes premiers pas avec le groupe Los Disidentes Del Sucio Motel, on a fait les Décibulles, puis le Molodoï et le festival Léz’arts scéniques m’ont fait confiance. Petit à petit ma présence s’est imposée, à force de rencontrer du monde et d’offrir des photos pour me faire connaître… J’ai acheté du matériel plus performant, mais aussi plus discret. J’ai toujours été discret mais la scène ça m’a appris ça, c’est important de respecter l’expérience des artistes et du public.

Tu veux rentrer dans les détails techniques ou on évite cette horrible question, le fameux : “Tu shootes avec quoi ?”

[rires] Je peux dire que j’ai longtemps utilisé des réflex pro Canon, et ces dernières années je suis passé sur des hybrides Sony, qui sont super légers et discrets… J’ai aucune honte à dire que je choisis des appareils hyper performants pour me concentrer sur ma prise plutôt que sur les réglages. J’utilise surtout des focales fixes, toujours pour la légèreté mais aussi pour obtenir un bokeh (ndlr : un flou d’arrière-plan) plus marqué sur de vieux objectifs. De façon générale le matériel c’est un plus, pas un tout, faut d’abord développer son oeil. Puis y a une grosse part de feeling. Parfois entre deux boîtiers c’est le moins performant que tu préfères avoir en main, ça s’explique pas. Faut trouver le bon outil pour soi. Le seul conseil que je peux donner aux apprentis photographes c’est de ne jamais sortir sans son appareil photo. J’aime beaucoup me balader. Parfois je fais le plein et je pars, je vais me perdre sur les routes de campagne et je reviens avec des photos de paysages esseulés, ça me plaît. Il y a aussi le traitement (ndlr : le travail de retouche) : au début j’essayais plein de trucs, et puis ça s’est affiné avec le temps, j’ai trouvé un traitement avec lequel je suis à l’aise mais il continue d’évoluer un peu. Je suis très inspiré par la photo américaine, des photographes comme Joey L., John Keatley : c’est mon label de qualité à atteindre !

À quel moment tu as fait de la photographie ton premier métier ?

En 2013, j’ai commencé à faire des portraits payés et puis des mariages parce que ça paye bien, contrairement à la photo de scène dont peu de professionnels vivent. J’avais toujours mon job d’infographiste-designer, je pensais le garder le temps de développer mon activité la première année mais le patron a voulu délocaliser la boîte, du coup on a fait une rupture conventionnelle. Sur le moment ça m’a fait un peu chier, mon activité était trop jeune pour bien payer, c’était stressant… Mais avec le recul, je me dis que c’était pas plus mal, ça m’a poussé à être performant parce que j’avais pas le choix. En 2014, on a créé 128db, société de réalisation de contenus-images, avec Yann Adnot et David Heitzmann. On l’a créée pour aller au-delà du petit contrat, avec une assise plus importante et plus professionnelle, pour en vivre tout simplement. C’est un cumul de compétences, de la production à la réalisation en passant par la photographie : chacun fait ce qu’il sait faire, et en plus on a l’occasion de développer de nouvelles habiletés. Aujourd’hui je couvre moins de concerts en dehors d’un partenariat avec l’espace culturel Django Reinhardt et les Dominicains de Haute-Alsace ; je fais surtout du portrait, du reportage et de la publicité. J’ai bien envie de faire du culinaire, j’adore la bouffe comme en témoigne ma surcharge pondérale ! [rires] La photo c’est aussi ça, garder un créneau pour être identifiable, tout en évoluant sur d’autres plans.

Parlons de ces photos de scène, dont tu exposes une sélection à l’espace Django : lesquelles, combien, pourquoi et comment ?

[rires] C’est trop dur de faire une sélection, y a tellement de ressenti ! C’est Yann qui a fait la première pour moi, moi j’arrivais pas à choisir y a presque 10 ans d’archives. Au final on a retenu plus de 70 images prises entre 2011 et 2013, qui sont présentées sur cinq grands panneaux dans la salle et sur la scène. C’est surtout des portraits, de groupes locaux qu’on connaît bien et de groupes internationaux qui sont venus jouer dans le coin. Y a les images d’une tournée de 16 jours que j’ai couverte aussi… Ça c’était une super expérience, que je reproduirai pas forcément ! [rires] Les conditions sont difficiles : tu débarques en milieu de journée pour installer et tester le matos, le soir y a le concert puis tu remballes, nuit brève à l’hôtel et c’est reparti pour des heures de route dans un van rempli de matos… C’est une routine éprouvante physiquement et psychologiquement, parce que t’as pas d’intimité, t’es toujours avec les gars. Mais à côté de ça y a de très beaux moments. Pour revenir à l’expo les panneaux sont pas thématisés, j’ai fait ça au feeling, c’est un voyage visuel plus qu’une histoire logique, chronologique. Y a vraiment de tout : rap, rock, hardcore… J’aime bien ça le hardcore, y a toujours un truc très visuel dans l’habillement, l’attitude : tout ce qu’il faut pour imaginer une histoire. C’est ce qui me plaît dans la photo : s’effacer, observer, et puis inventer des aventures. Ça fait cliché mais c’est vrai…

Exposition “Vivant…” par Bartosch Salmanski
Vernissage le jeudi 14 décembre à 19h
Du vendredi 15 au dimanche 17 décembre de 10h à 18h
Espace Django, Strasbourg

Bonus : Suivez les aventures de Papa ours sur Instagram

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