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Micro-aventure : 3 jours de randonnée dans les Vosges, à 1h30 de Strasbourg

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Chaque année, je profite de mes congés pour quitter l’Alsace à la recherche de nouveaux sentiers à parcourir. Fauchée comme le blé, je me suis toutefois ravisée cette année pour faire une partie de la Traversée du massif des Vosges : une grande randonnée de proximité, riche en surprises et en beauté. C’est parti. 

Distraite par la lumière rasante du petit matin, je lève un instant le nez de mon topo-guide pour regarder la campagne défiler par la fenêtre du train. Quelques sommets apparaissent par endroit sur la ligne d’horizon, puis ils disparaissent dans une légère brume de pollution.

En ce dimanche, je traverse la plaine d’Alsace en direction de Schwerwiller : un petit village des environs de Sélestat, accessible après environ 40 minutes de train depuis Strasbourg, dont la gare permet de rejoindre le tracé de la traversée des Vosges.

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Créée en 1897 pour célébrer les 25 ans du Club vosgien, cette grande randonnée est l’une des plus longues que l’on puisse faire en France. En théorie, il faut une vingtaine de jours pour faire les 430 kilomètres qui séparent Wissembourg du territoire de Belfort. N’ayant qu’une semaine à consacrer à la marche cette année, j’ai choisi de partir sur la seconde moitié du tracé, jusqu’à Thann.

Vue sur le relief depuis Scherwiller
© A.Me / Pokaa

La randonnée VS le trail

Un dernier coup d’œil à ma feuille de route et il est déjà l’heure de descendre du train. Mon voyage commence par une petite marche de 2,5 km jusqu’à Châtenois, pour rattraper le GR5. Il est encore tôt, et après une petite heure sur le macadam, la randonnée quitte le fond de la vallée pour serpenter à flanc de coteaux. Direction le Haut-Koenigsbourg : point culminant de cette première journée de marche.

À mesure que je grimpe dans le relief, des pancartes et des segments de rubalise apparaissent le long des carrefours. Je n’y prête pas vraiment attention avant de tomber nez à nez avec un homme assis sur une chaise pliante au milieu des bois, un appareil photo entre les mains. « Bonjour. Vous faites de la photographie animalière ? » « Non, je suis là pour l’ultra-trail du Haut-Koenigsbourg. » Ah. Pendant toute la préparation de mon voyage ces derniers jours, j’ai peut-être omis de me tenir informée de l’actualité locale.

La plaine d’Alsace vue du Haut-Koenigsbourg
© A.Me / Pokaa

En papotant, je découvre qu’environ 2 000 coureurs/ses sont éparpillé(e)s sur plus de 100 kilomètres de sentier tout autour de la montagne. J’en aperçois quelques-un(e)s 100 mètres plus loin, et me cale dans un petit coin le temps de les laisser passer et de reprendre mon souffle. Les dernières pentes étant aussi les plus raides.

Il est environ 14h lorsque j’arrive enfin sur l’esplanade du château, avec près de 12 kilomètres dans les jambes. Je m’arrête une petite heure pour déjeuner et profiter de la vue sur la plaine avant de reprendre ma route. La descente se fait en circulation alternée avec les groupes de trail épuisés, contraints à la marche dans les raidillons. Arrivée en bas, je note que le ciel est en train de changer. Le tonnerre gronde au loin.

Le Haut-Koenigsbourg
© A.Me / Pokaa

Être seule au milieu de nulle part

Je presse le pas en direction de Thannenkirch, où j’ai prévu de passer la nuit. Où ? Je ne le sais pas encore. Cela fait plusieurs jours que je scrute mes cartes topographiques à la recherche d’une clairière située à l’écart du chemin, sans réussir à trouver un spot qui me convienne – quitte à dormir seule au milieu des bois, je préfère me faire discrète pour éviter les mauvaises rencontres.

En désespoir de cause, j’opte pour un abri du Club vosgien situé à l’écart du village. Mais une rencontre opportune me fait changer d’avis. « Oui, c’est dans cette direction, me confirme une promeneuse. Mais si vous voulez y passer la nuit, ce n’est peut-être pas le meilleur endroit, car c’est à côté de la route. Il y a beaucoup de passage. Essayez plutôt la carrière du Wurzel. »

Ni mon topo-guide, ni mon application de randonnée ne mentionnent ce lieu-dit. Qu’importe. L’expérience m’a appris à écouter ce genre de conseils. Vingt minutes plus tard, je trouve la clairière là où elle m’avait été indiquée. Avec un grand auvent et quelques tables de pique-nique au milieu des arbres. L’endroit est calme et bucolique. Désert aussi. Je pose mon sac pour explorer les lieux.

Exploitée jusqu’en 1964, cette ancienne carrière de granit a été réhabilitée en 2017 par l’association des Amis du Taennchel. Quelques panneaux y donnent des éléments sur cette ancienne industrie, ainsi que sur l’exploitation du bois dans la région. Un ponton permet également de musarder sur l’étang venu combler les anciennes cavités au fil du temps. L’orage promis s’est éloigné et je profite d’être seule au milieu de nulle part pour ne rien faire. Pas même sortir un livre.

C’est un de ces moments particuliers, propres à l’itinérance. Un espace-temps à part, sans personne. J’observe deux libellules sillonner les airs au-dessus de ma tête, sous le regard d’un héron installé dans les branches d’un arbre, de l’autre côté du bassin. Deux heures s’écoulent ainsi, paisiblement. Avant que je ne me décide à monter la tente sous l’auvent, en prévision des orages annoncés pour la nuit.

Un lac a comblé la carrière de Wurzel
© A.Me / Pokaa

Château après château, pierre après pierre

Endormie à 22h, je suis réveillée trois heures plus tard par des bourrasques et des éclairs. Le vent fait claquer la toile mal attachée. Il faut sortir pour vérifier que tout tiendra jusqu’au matin. Et ne pas se laisser effrayer par la pluie battante et la foudre, qui tombent sur le massif voisin. Au petit matin, l’air est frais et ensoleillé. Un temps parfait pour marcher.

Ma journée commence avec une petite ascension pour arriver aux châteaux qui dominent Ribeauvillé. D’abord, le Haut-Ribeaupierre à 642 mètres d’altitude, fief des seigneurs du même nom et protecteurs de la cité des ménétriers pendant plusieurs siècles.

Puis le Girsberg et Saint-Ulrich, à 528 mètres. Si la vue est à couper le souffle, le chemin, lui, est escarpé et caillouteux, et tient du parcours d’escalade à certains endroits. Il me faut la matinée pour dévaler les 5 kilomètres me séparant de la petite cité touristique. Le genre de choses qu’il n’est pas toujours possible d’anticiper.

Après l’orage dans l’ancienne carrière de Wurzel
© A.Me / Pokaa

Une heure pour déjeuner et me ravitailler, puis il est l’heure de reprendre le sentier. Le GR5 grimpe en direction du col du Seelacker (677 mètres) avant d’emmener vers le Schlossberg. L’ascension est longue et continue. Épuisante, aussi, après le parcours accidenté de la matinée. En un peu plus d’une heure, je remonte plus haut que là d’où je suis partie le matin même. Le dénivelé cumulé se fait sentir.

Dix kilomètres après avoir quitté Ribeauvillé, j’arrive finalement à Aubure à 19h. Située à 800 mètres d’altitude, cette commune est connue comme étant le plus haut des villages d’Alsace. L’air y est réputé pur. Le réseau y est… aléatoire. Impossible d’appeler les quelques hébergements repérés dans les alentours pour voir s’il leur reste de la place. Impossible de joindre les personnes chargées de veiller à ma sécurité pour leur dire que tout va bien, mais que je ne sais pas encore où je vais dormir.

Le soleil se rapproche dangereusement de la ligne d’horizon et il faut prendre une décision. Malgré mon retard, je décide de rallier le refuge non gardé du Club vosgien, initialement repéré sur mon parcours. Il faut, selon mon guide, 4,8 kilomètres et 1h15 de marche. Le refuge de la Pierre des trois-bans se situe à l’intersection de trois communes, Sainte-Marie-aux-Mines, Fréland et Aubure, à 1126 mètres d’altitude. Il me reste 300 mètres de dénivelé avant de finir ma journée de marche.

Épuisée, j’engage une course contre la nuit qui tombe et déboule dans la clairière tant attendue aux alentours de 20h. J’entre dans le refuge sans frapper et tombe nez à nez avec deux cyclistes déjà installés dans les duvets. « On va te faire un peu de place », annoncent gracieusement ces deux lyonnais, en pleine itinérance eux aussi. J’avale mon repas lyophilisé dans la nuit noire avant de revenir m’installer dormir. Sans trouver le sommeil avant longtemps. Les muscles tétanisés par l’effort et saisis par le froid.  

Je suis réveillée quelques heures plus tard par une main secouant mon duvet. « On se demande s’il n’y a pas quelqu’un dehors », s’inquiètent mes voisins. « On a entendu la porte grincer alors on est allés mettre une chaise contre la poignée. Tu entends quelque chose toi ? » Mon portable indique 5h du matin. L’obscurité est totale et je n’entends rien. À part, peut-être, une harde de chevreuils en train de brouter dans la clairière.

« J’ai fait l’ascension jusqu’ici. Elle est raide. Je n’imagine pas quelqu’un monter jusqu’ici à 5h du matin pour nous faire peur. Si c’est un tueur en série, il est vraiment motivé », réponds-je à mes voisins à peine rassurés avant de me rendormir.

Marcher jusqu’au pied des chaumes

Il est 7h. Le réveil sonne. La nuit a été courte et le corps est douloureux. Je fais les comptes de la veille et réalise que j’ai marché près de 30 kilomètres avec plus de 1 000 mètres de dénivelé positif cumulé. C’est beaucoup. Plus que je ne l’avais évalué. Je maudis mon incapacité à faire des étapes équilibrées et progressives avant de me mettre en route. La journée commence avec une petite ascension jusqu’au Grand Brézouard, avant de redescendre au col des Bagenelles, puis au Bonhomme.

Arrivée dans le village, je regarde la crête qui s’élève devant moi et me sépare du Lac Blanc. Après 500 mètres de dénivelé positif, je n’ai plus de jambes. Il n’est même pas 14h. Voilà pourquoi il faut faire des étapes adaptées. Je décide de tendre le pouce pour m’aider un peu – qui veut aller loin ménage sa monture. Une Luxembourgeoise s’arrête et m’emmène jusqu’au col du Bonhomme, où une voiture d’étudiants me descend jusqu’au Lac Blanc.

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© A.Me / Pokaa

Ce soir, je dors dans un gîte. Mais en attendant de pouvoir m’y poser et prendre une douche, je déambule le long du lac et trouve une source fraîche où délasser mes pieds. Je dois me rendre à l’évidence : je suis anormalement fatiguée. Même si c’est le troisième jour de marche, le plus difficile. Celui qu’il faut passer pour gambader sur les sentiers.

Sur les hauteurs du lac, j’aperçois le GR5 filer en direction du Hohneck et des Hautes-Vosges. Je connais ce tronçon pour l’avoir souvent parcouru entre les grands lacs et le Gazon du Faing. J’ai toujours rêvé d’y marcher sans avoir à redescendre. D’y dormir.

L’après-midi touche à sa fin. Je me dirige vers le café de la station de ski surplombant le lac pour y déguster une tarte aux myrtilles – gourmandise ô combien locale, les chaumes voisines étant riches en myrtilliers. Un nouvel orage approche. J’ouvre mon application météo sans y réfléchir et grimace. Les prévisions annoncent trois jours de pluie, au moment où je suis censée filer sur les crêtes, sans un arbre pour prendre la foudre à ma place.

Le lac blanc
© A.Me / Pokaa

Après trois jours de marche, je décide finalement de m’arrêter là. Au pied des crêtes et de la partie du GR5 que j’attendais avec le plus d’impatience. On ne badine pas avec l’orage en montagne : il y a des foudroyé(e)s chaque année. La mort dans l’âme, je regarde les horaires de bus pour redescendre vers Orbey le lendemain, et choisi de prendre quelques nuits dans la vallée de Munster pour finir la semaine.

L’averse éclate alors que je pose l’orteil sur le perron de mon gîte. Je regarde la foudre zébrer le ciel en me disant que c’était la seule décision à prendre. L’année prochaine, il sera toujours temps de continuer.

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Commentaires (3)

  1. Chapeaux bas ! Nous sommes admiratifs ! Nous connaissons le secteur, nous vosgiens de la Haute Meurthe ! Continuez à nous faire rêver ! Il en faut du courage, de l’envie, de la curiosité et surtout un mental à la hauteur ! Ce fût un plaisir de vous lire ! La montagne à vaches n’a rien à envier à ses voisines…..

  2. Merci pour ces qqs infos, itinéraire intéressant avec un final que je connais bien pour y crapahuter régulièrement et où j’y dors souvent aussi. Les prochaines randonnées seront pour moi du repérage pour l’été prochain et cette carrière va bientôt être un prétexte pour découvrir les alentours. Merci encore pour ce partage.

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