À Strasbourg et alentours, nombreux/ses sont celles et ceux qui agissent à leur niveau pour valoriser la filière locale et bio sur le territoire. Producteurs/rices, transformateurs, distributeurs, institutions, gérant(e)s de commerces ou consommateurs/rices : on a rencontré des femmes et des hommes engagé(e)s pour une agriculture plus propre et une consommation plus saine. Avec l’aide de l’Agence Bio, qui pour la deuxième année consécutive lance la campagne nationale #BioRéflexe et de l’association Bio en Grand Est qui déploie la campagne en région, on en a appris davantage sur les bénéfices d’une consommation à la fois locale ET biologique. On vous partage tout ce que l’on a appris lors de ces rencontres.
Depuis plusieurs décennies, l’agriculture biologique se fait une belle place au soleil. Encadré par une loi européenne depuis plus de 30 ans, ce type de production défend « le respect de l’environnement et de la protection du climat, de la biodiversité, de la santé humaine et du bien-être animal », selon la définition de L’Agence Bio.
Si le Bio Tour de la campagne nationale #BioRéflexe s’arrêtera du 6 au 8 septembre à la Foire européenne de Strasbourg, aujourd’hui, c’est un autre rendez-vous qui vous attend. Pour parler de la filière bio et de ses acteurs/rices dans le Grand Est, on a rencontré Benjamin Pastwa, le patron de la brasserie Bendorf, et Maurizio Tangredi, un passionné de techniques artisanales à la tête de la boulangerie La Boul’Ange.
Avec eux, on a parlé des bénéfices de produire en bio, bien sûr, mais on a aussi abordé des sujets variés : engagement, matières premières, transformation, valorisation, éthique, et bénéfices de la consommation bio pour les consommateurs/rices.
Évidemment, comme on a affaire à des passionnés, on a aussi parlé du plaisir de créer du bon, du beau et du sain à partir de blé, d’orge, de malt, de farine ou de houblon issus de l’agriculture biologique. C’est parti pour les questions – réponses !
Bendorf : une brasserie strasbourgeoise qui a le bio dans le sang
Bendorf, c’est l’un des grands noms de la bière à Strasbourg. Implantée dans le quartier du Neudorf, cette brasserie est l’une des meilleures ambassadrices de la filière brassicole bio dans la région.
Bières acides, amères ou fruitées, bières légères pour l’été ou élixir de caractère : chez Bendorf, la diversité et la créativité sont quelques-uns des fers de lance de l’équipe, qui tente d’innover chaque année un peu plus.
On a discuté avec Benjamin Pastwa, le patron des lieux, engagé depuis longtemps dans l’univers des bières bio de qualité. Dans ses réponses, il évoque son état d’esprit et l’importance de produire du bio, en local, au coeur de son entreprise et d’un territoire dont il aime faire rayonner le savoir-faire.
• Benjamin, pour toi, chez Bendorf, c’est quoi avoir le « Bio Réflexe » ?
Notre brasserie est installée au Neudorf depuis 2013, et pour moi, l’idée de bosser en bio est arrivée très vite. Lors des deux premières années d’exploitation, j’ai commencé à me pencher sur le sujet, et j’ai rapidement compris que la conversion ne serait pas si compliquée que ça à mettre en place. En 2015, trois ans après l’ouverture, on a eu la certification, c’était presque une évidence.
• Est-ce qu’il y a eu des contraintes spécifiques au passage en bio ?
Pas vraiment, il fallait simplement changer notre mode d’approvisionnement et travailler avec des producteurs et productrices de matières premières plus proches de nous. On a donc dû s’approvisionner en bio, au plus près de la brasserie, mais cela a réduit les coûts du transport et l’empreinte carbone (entre autres).
Au final, tout le monde y trouve son compte, aussi bien les fournisseurs, les transformateurs, les producteurs et bien sûr le consommateur final, sans parler de la réduction de l’impact écologique de tous ces acteurs, à chacune de ces étapes clés.
• Pourquoi intégrer cette filière bio était important pour toi ?
Pour moi, passer en bio collait naturellement à l’esprit artisanal de la brasserie, on ne pouvait pas être une petite brasserie de quartier et proche des gens sans faire un effort à ce niveau-là.
Le but était donc de faire les choses bien, d’ancrer la brasserie dans un territoire, dans une économie locale et vertueuse globale, avec des acteurs concernés par les enjeux écologiques, et ce, à tous les niveaux. Alors, pour moi, passer en bio était la toute première étape essentielle à ce chemin-là.
• Qu’entends-tu par une démarche « globale » ?
Pour Bendorf, j’entends par là valoriser toutes les étapes de notre chaîne de production, mais aussi participer à une économie plus vertueuse. Par exemple, on a mis en place un système de consignes, ce qui nous permet d’acheter moins de bouteilles, avec une consommation de verre et un transport de marchandises qui sont réduits.
On valorise également la filière de l’orge bio alsacienne, on s’est implanté dans des réseaux de distributions bio plus vertueux, on participe à des campagnes de sensibilisation pour la protection d’espèces en danger comme le grand hamster d’Alsace avec de nombreux partenaires concernés et engagés. On tente aussi de diminuer nos impacts sur l’eau grâce à une citerne de récupération.
Bien sûr, on fait ça à petite échelle, mais on fait tout ce que l’on peut avec nos moyens, petit à petit, et ce n’est que le début.
• Pour toi, personnellement, est-ce que consommer bio est important ?
Oui, et c’est entré dans mon mode de consommation personnel. Forcément, lorsque l’on met des plantes, des herbes ou des fruits et légumes bio dans nos bières (en provenance de l’Îlot de la Meinau), ça nous oriente vers une consommation plus propre, et ça se fait tout naturellement.
Quand je le peux, c’est là-bas que j’achète mes fruits et légumes de saison, et je me débrouille sans problème avec ça, notamment quand je fais à manger le midi à mes employés, un exercice en forme de petit rendez-vous journalier auquel toute l’équipe est attachée.
La Boul'Ange, du pain bio de la croute au levain
Maurizio, c’est le papa de La Boul’Ange, une boulangerie certifiée bio installée depuis 2019 dans le quartier de la Krutenau. Son truc à lui, c’est le pain au levain maison, les levures indigènes, la farine pure, le travail manuel et les produits bruts, bourrés de saveurs et dépourvus de tout artifice.
Son dicton ? « Redonnons au pain et au blé leur place ancestrale d’aliments sains et respectueux de l’environnement. »
Car, au-delà de son travail artisanal, à des années-lumière des techniques industrielles (ce qui rend la tâche forcément plus difficile mais plus belle), Maurizio défend l’idée que le pain, lorsqu’il est confectionné de manière respectueuse, est l’essence même d’une alimentation saine.
Rencontré dans les locaux de la Brasserie Bendorf, il nous explique tout ça dans les moindres détails, comme un boulanger passionné, mais aussi comme un scientifique qui a étudié l’histoire du pain et de ses apports pour la santé à travers le temps.
• Pouvez-vous nous parler de votre parcours professionnel ?
Pour moi, la boulangerie est une reconversion, j’ai exercé plusieurs métiers avant de tomber amoureux du pain et du levain. Toscan d’origine, arrivé en France en 1989, j’ai toujours aimé le monde de la gastronomie, et par le passé, j’ai aidé un ami boulanger qui me sollicitait le vendredi. Tout part probablement de là.
Bien plus tard, alors que j’étais comptable dans une office notariale, j’ai commencé à m’intéresser à l’univers du pain et de la panification manuelle au sens le plus pur, en faisant moi-même mon levain, simplement à partir de farine et d’eau, le tout en bio.
À l’époque, en travaillant le pain, j’aimais revenir aux travaux manuels et à l’artisanat boulanger : c’était une satisfaction pour moi de créer des produits savoureux pour mes proches, mais aussi de nourrir des humains au sens le plus strict du terme.
J’ai toujours consommé bio autant que possible et il était donc naturel pour moi d’utiliser des matières premières issues de l’agriculture biologique, mais aussi de créer mon propre levain, ma base pour créer mon pain.
En plus, comme ma femme était intolérante au gluten, elle pouvait manger mon pain au levain sans aucun problème. J’ai alors commencé à m’intéresser aux bienfaits du pain à l’ancienne, comme on pouvait le confectionner au début du siècle dernier.
Bien entouré, et très motivé, j’ai décidé de me former. J’ai passé deux ans à l’École nationale de boulangerie, puis j’ai passé un CAP Pâtisserie. En 2019, juste avant le Covid, j’ai enfin ouvert ma boulangerie 100% bio.
• Pouvez-vous nous parler de votre établissement et de ses spécificités ?
Chez moi, il n’y a pas de secret, je fais tout maison et toutes les matières premières sont issues de la filière bio, comme ça, on ne peut pas se tromper. Je propose des tartes, des baguettes, des viennoiseries des pâtisseries, des entremets, des gâteaux, des éclairs, des bretzels et toute une gamme de pains au levain spéciaux, c’est ma spécialité.
Je fais tout ce qu’une boulangerie conventionnelle peut proposer, mais je le fais dans des plus petites quantités. Chez moi, je travaille de manière artisanale dans tous les processus de fabrication, ce qui prend donc plus de temps.
Quand par jour, je sors entre 30 et 40 baguettes, certains peuvent en faire 500, mais c’est un choix assumé, et je le fais par conviction.
• Pouvez-vous nous en dire plus sur ces convictions ?
Au cours des dernières années, les industriels ont adapté et modifié la matière pour créer des produits sans saveurs, bourrés d’air et d’intrants dont on ne connaît même pas le nom… Du « E » je ne sais quoi, de l’amylase, du gluten ajouté, des cocktails phytosanitaires, sans oublier les ingrédients qui ne sont pas indiqués dans la composition des produits finis car ce n’est pas toujours obligatoire.
Chez moi, c’est l’homme, le boulanger, qui s’adapte à la matière, et non l’inverse. Dans mon pain, il y a de la farine, de l’eau et du sel, basta, et je dois constamment m’adapter à la chaleur, à l’humidité, et aux différentes variations au fil des saisons. Alors même si je produis moins, et que ça me coûte plus cher, je sais pourquoi je le fais, et c’est pour ça que je me lève chaque matin.
• Quelles différences y a-t-il entre votre pain bio artisanal et un pain industriel ?
En premier lieu, mon pain est naturel et sans intrants, comme tout ce qui intègre ma boutique d’ailleurs. Mais surtout, mon pain est dense, généreux, hydraté, il est nourrissant, c’est un aliment à part entière, le même aliment qui a nourri les hommes pendant des siècles.
Si vous deviez vous nourrir de pain industriel, vous mourriez de faim. Dans mon pain, toutes les vitamines sont conservées après la cuisson, la farine moulue à la meule de pierre conserve des minéraux, les fibres et les vitamines sont également préservées, c’est le travail à la main, réalisé lentement, qui permet à ces éléments d’exister.
Et bien sûr, il y a mon levain, que je chéris et que je nourris chaque jour. C’est de lui que provient la vie et les micro-organismes nécessaires à la panification, sans lui, il n’y a pas de pain.
Aussi, mon pain pousse lentement, sur une durée de 24h, contre deux ou trois heures dans le monde industriel, c’est un travail de longue haleine, mais c’est ce savoir-faire que j’aime mettre en valeur. Le résultat ? On a des pains lourds, digestes, vitaminés, peu salés, et qui ont beaucoup de goût et qui peuvent faire jusqu’à 3 kilos.
En plus, ils sont hydratés et la mie est juste compacte comme il faut. Ces pains-là, vous pouvez les conserver jusqu’à une semaine sans aucun problème.
Et au-delà du savoir-faire, du temps et des techniques du boulanger, c’est grâce aux matières premières bio de qualité supérieur que ce résultat final est possible, et lorsque l’on compare le goût de mon pain avec un pain non-bio, il n’y a pas photo !
• C’est quoi le goût du bio pour vous ?
Je me rends dans les magasins bio et je consomme presque uniquement en bio depuis plus de 25 ans, alors pour moi, c’est une évidence. Un légume bio a une meilleure couleur, plus de saveurs, il est plus lourd, plus nourrissant, c’est le fruit d’un travail plus long, comme pour le pain, car on est tous des artisans et nos métiers sont parfois similaires.
Alors je reconnais tout de suite un produit bio à son goût, et j’aurai du mal à m’en passer, vraiment. Pour finir, j’aimerai dire que, comme avec le pain et le blé qui nous ont toujours nourris, il faut redonner au bio et au local une place de choix dans notre alimentation.
C’est non seulement bon pour le commerce local, mais aussi pour les sols, pour l’eau que nous buvons, pour notre santé, mais c’est aussi tout simplement meilleur, alors on a tout à y gagner, non ?
Merci à Benjamin et à Maurizio pour toutes ces informations, et rendez-vous autour d’une bonne bière ou d’un bon pain bio !
Et si vous voulez en savoir plus sur la campagne #BioRéflexe, vous pouvez cliquer ici 😉