Mardi 1ᵉʳ octobre, plusieurs centaines de manifestant(e)s ont défilé dans les rues de Strasbourg à l’appel de l’intersyndicale. Fin du « déni de démocratie », retrait de la réforme des retraites, lutte contre l’inflation et la casse des services publics… les revendications étaient nombreuses et fédèrent les colères de cette rentrée sociale.
« Ils sont le poison, nous sommes le remède. » Au pied de la statue du général Kléber, une grande banderole blanche et noire s’étire entre les mains des organisations étudiantes tandis que le char de la CGT peaufine la playlist de sa sono. Jean-Jacques Goldman et Céline Dion égayent l’hypercentre de Strasbourg, tandis que le cortège se met en ordre de marche pour la première manifestation intersyndicale de la rentrée.
Ce mardi 1ᵉʳ octobre acte la rentrée sociale et le retour des mobilisations. Objectif : « mettre la pression » au gouvernement Barnier au moment même où le Premier ministre prononce son discours de politique générale devant l’Assemblée nationale. Lutte contre l’immigration, austérité, sécurité… sa feuille de route et ses préoccupations placent le nouveau gouvernement bien plus à droite que le précédent.
Ras-le-bol du « déni démocratique »
« Nous sommes là aujourd’hui pour lui montrer qu’il n’est pas légitime », assène Alexandre Welsch, secrétaire général de Sud Rail Alsace. « Dans ceux qui sont là aujourd’hui, nous sommes nombreux à avoir voté pour le NFP et son programme aux dernières élections. Ils ont gagné et pourtant on se retrouve avec les perdants au gouvernement, se désole Frédérique Karas, secrétaire de la CGT FAPT en Alsace (Fédération des activités postales et télécommunications). La première de nos revendications, c’est la fin de ce déni démocratique. »
« Personnellement, je tire deux leçons de ces élections. La première, c’est une certaine colère vis-à-vis de l’instrumentalisation de la démocratie. On nous en parle tout le temps, mais les résultats du vote n’ont pas été respectés. La deuxième, c’est qu’il ne faudra plus nous parler de lutte contre l’extrême droite. Les manifestations contre la politique du gouvernement n’ont servi à rien, voter n’a servi à rien, tout cela va faire le jeu de l’extrême droite », regrette le syndicaliste.
« Élections 2024, qui perd gagne. » Dans la foule, nombreuses sont les pancartes qui reviennent sur les résultats des élections législatives avec un ton grinçant. Bonnet phrygien sur la tête, Emmanuelle* brandit la sienne avec un sourire qui contraste avec son état d’esprit du moment.
« Je suis en colère, annonce la sexagénaire. Nous sommes dans l’État de non-droit. C’est nouveau. Je suis là parce que j’aimerais que l’on prenne en compte le vote qui a eu lieu », détaille celle qui a par ailleurs participé à toutes les manifestations contre la réforme des retraites et fait campagne pour le NFP.
Répondre à l’urgence sociale
Pendant la manif’ de ce mardi 1er octobre, mais aussi durant les prochaines semaines, organisations syndicales et manifestant(e)s ont un objectif : défendre les mesures portées par le Nouveau front populaire (NFP) lors de sa campagne. Notamment le retrait de la réforme des retraites et la hausse des salaires, dans le public et le privé, pour prendre en compte l’inflation. « Le coût de la vie augmente, c’est assez effrayant », juge Lauriane, 36 ans, travaillant dans le secteur de la santé.
« Je l’ai particulièrement ressenti quand mon loyer a augmenté cette année, puisque c’est indexé sur l’inflation. Mon salaire, lui, n’a pas bougé du tout. Contrairement au prix des courses et de l’énergie. » Si la jeune femme ne juge pas avoir consciemment changé ses habitudes, elle reconnaît toutefois y « réfléchir à deux fois » avant de faire une sortie.
« Il y a beaucoup de gens qui galèrent aujourd’hui. Et je ne pense pas qu’un gouvernement de droite, voire d’extrême droite, améliore la vie de beaucoup », réagit Eléonore, travaillant dans le secrétariat.
Ce mardi, la jeune femme manifeste également contre un gouvernement dont elle craint qu’il ne restreigne les droits des personnes LGBTQIA+, en raison des positions de plusieurs de ses membres sur le mariage pour tous…
« Si la jeunesse est l’avenir de ce pays, il faut en prendre soin »
Au milieu du cortège, les étudiant(e)s se font entendre. Eux/elles aussi ont répondu à l’appel de l’intersyndicale, pour « soutenir ses revendications sociales ». « La précarité étudiante est très forte aujourd’hui », explique Simon Levan, d’Alternative étudiante Strasbourg (AES), qui prend comme un exemple la distribution alimentaire proposée par l’organisation en début d’année. « Nous avions le plus gros stock de denrées que nous ayons jamais constitué et il est parti en un temps record. »
« Aujourd’hui, on a besoin de nourriture et de logements pour avoir des conditions d’études décentes », réagit de son côté Corentin, 19 ans, étudiant et lui aussi membre de l’AES. « Si on dit que la jeunesse est l’avenir de ce pays, il faut en prendre soin. »
À 15h, près de 2000 personnes s’étirent dans les rues de Strasbourg derrière le char de tête, au son d’une version techno de Siamo tutti antifascisti. Les organisations syndicales espèrent pouvoir inscrire cette mobilisation dans la durée pour créer un rapport de force avec le gouvernement.
« Entre les Gilets jaunes, la réforme des retraites et les élections, les gens ont pris pas mal de coups sur la tête, juge Frédérique Karas. Mais il n’y a que comme ça qu’on peut y arriver. »
*Le prénom a été modifié