Son ouverture de saison pendant les Journées européennes du Patrimoine a été une grande fête qui annonce de nombreux changements. Avec une nouvelle direction, le TNS – Théâtre national de Strasbourg continue de secouer son institution pour cette rentrée 2023-24 ! Spectacles sur la masculinité, sur le racisme, les violences sexistes et sexuelles, récits de vie… Il y sera beaucoup question de famille et d’identité. « L’intime est politique », et au TNS, il prend cette saison un tournant aussi radical que poétique.
On l’écrivait plus haut : cette saison, changement de direction au TNS… Après neuf ans à sa tête, Stanislas Nordey laisse sa place à Caroline Guiela Nguyen. Autrice, metteuse en scène, réalisatrice, celle-ci connaît bien la maison, puisqu’elle fut une ancienne élève de l’École du TNS, diplômée en 2008 de la section Mise en scène.
Le public a pu aussi la découvrir avec SAIGON en 2018, reprogrammé cette saison (et dont on te reparlera plus bas) et la saison dernière avec FRATERNITÉ, Conte fantastique. Elle viendra également présenter LACRIMA au TNS, en mai prochain.
Mais retour à cette saison, conçue à quatre mains entre l’ancienne et la nouvelle direction. En tout : dix-neufs spectacles très prometteurs ! Comme il était difficile de te parler de tous, on t’en a fait une petite sélection. Présentation :
« La Tendresse » : questionner la masculinité
La saison commence fort, avec ce qui sera peut-être l’un de nos coups de cœur de cette programmation : La Tendresse, de Julie Berès.
Un spectacle féministe qui nous présente huit interprètes (comédiens ou danseurs), tous performeurs qui, « avec énergie et humour [se] questionnent sur ce qu’appartenir au « groupe des hommes » signifie ». Sur ce qu’est (ou sont) la (ou les) masculinité(s) à l’ère post-#MeToo.
Avec les mots des auteur/rices et dramaturges Lisa Guez, Kevin Keiss et Alice Zeniter et « à partir d’un long travail d’enquêtes et de documentation et en se questionnant sur la construction du masculin hier et aujourd’hui », Julie Berès donne la parole à ces hommes et nous invite dans l’intimité de leurs réflexions.
Tendre et brut à la fois, ce spectacle est un immanquable.
La Tendresse de Julie Berès (Lisa Guez, Kevin Keiss et Alice Zeniter)
Du 4 au 14 octobre
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« Radio Live − La Relève » : récits de vie au micro
Ce spectacle te fera voir et entendre le théâtre d’une toute nouvelle façon : assister à Radio Live – La Relève, c’est comme s’inviter dans un studio d’enregistrement radio. Une expérience théâtrale unique, où aucune représentation ne ressemble à celle de la veille…
Créé en 2013, Radio Live témoignait de rencontres faites lors de documentaires radiophoniques par Aurélie Charon (productrice à France Culture et – entre autres – animatrice de Tous en scène) et Caroline Gillet (réalisatrice et productrice de radio). Elles y interrogeaient alors des jeunes sur leur vie, « leur désir de changement et leur engagement ».
Dix ans plus tard, rejointe par la directrice artistique et réalisatrice Amélie Bonnin (avec qui elle a réalisé le film documentaire La Bande des Français pour France 3 en 2017), Aurélie Charon reprend le projet avec Radio Live – La Relève. Cette fois-ci, elle y fait se rencontrer différentes générations.
Pour ce faire, chaque soir, elle invite deux personnes originaires du Rwanda, de Syrie, de France, de Bosnie à s’exprimer librement, en direct.
Pendant ce temps-là, accompagnée par une musicienne, Amélie Bonnin diffuse en live des dessins ou vidéos captées sur leurs lieux de vie, des témoignages de leurs proches, etc. Une plongée en direct dans l’intimité d’un/e inconnu/e, dans sa culture, son histoire, ses peines et ses espoirs. Si tu aimes les podcasts de récits de vie, tu vas être ravi/e.
Radio Live – La relève de Amélie Bonnin et Aurélie Charon
Du 7 au 18 novembre
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Le Voyage dans l’Est : sujet sensible... Dénoncer l'indicible
Pour celui-ci, avertissement (TW)… Avec un sujet qui ne cesse malheureusement de faire l’actualité. Longtemps caché sous le tapis, bien à l’abri coincé entre le silence des familles et la surdité de la société, l’inceste est enfin dénoncé, écouté. Nombreuses sont les victimes qui décident aujourd’hui de prendre la parole et raconter leur histoire.
Des témoignages qui prennent parfois la forme de livres (on pense par exemple à Triste tigre de Neige Sinno, qui bouleverse cette rentrée littéraire) comme celui de Christine Angot, qui donne lieu à ce spectacle.
Dans Le Voyage dans l’Est (sorti en 2021 et prix Médicis), la romancière et dramaturge y aborde une nouvelle fois l’inceste dont elle a été victime adolescente, « cette catastrophe familiale, psychique, anthropologique ».
On nous explique que « l’écriture est le véhicule qui permet de retrouver quelque chose de soi, malgré tout, en posant l’enjeu de voir au plus près ce qu’il s’est passé et vécu sous l’emprise de ce père qui a soumis sa fille de quatorze ans à l’inceste. Revoir, avec le courage de la vérité :revenir sur les faits, les actes, les mots, les points de vue. La scène doit pouvoir faire entendre la tension de cette rétrospection ».
Il s’agit d’une création du TNS par son ancien directeur, Stanislas Nordey, qui pour ce spectacle « cherchera à révéler la précision clinique et l’intransigeance critique de cette langue dont la quête forcenée, d’une humanité implacable, trouble et ravage le sens commun ».
Le Voyage dans l’Est de Stanislas Nordey (Christine Angot)
Du 28 novembre au 8 décembre
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« Le Iench » : le poids des apparences
Avec Le Iench, c’est dans le quotidien et le salon d’une famille afro-européenne que l’on s’immisce. Drissa Diarra arrive à 11 ans avec sa sœur jumelle, son petit-frère et ses parents originaires du Mali dans une cité pavillonnaire de province.
Si lui « se rêve en garçon banal, dans un tableau comme ceux des publicités à la télévision : les repas dans le jardin, la voiture au garage et, surtout, le chien (« le iench ») », à 18 ans, qu’en est-il alors qu’il est, comme sa sœur, sans cesse ramené à sa couleur de peau ?
On y parle du poids des clichés, entre l’image du délinquant et celui du footballeur, d’identité… Jusqu’à ce qu’une bavure policière ne secoue sa famille. Un texte que l’on nous dit être aussi engagé, qu’émouvant et drôle, écrit et mis en scène par Éva Doumbia.
Également directrice de la compagnie La Part du Pauvre/Nana Triban, du Festival Massilia Afropéa et membre fondatrice du collectif Décoloniser les Arts, elle nous parle ici d’une jeunesse afro-européenne « prise entre les codes parentaux, les assignations sociales, le refus de subir, la soif de justice et de joie ».
Le Iench de Éva Doumbia
Du 9 au 13 janvier
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« La Chanson [reboot] » : Once upon a time in Val d'Europe
Changement de ton, changement de quartier : direction Disneyland Paris. Ou plutôt le Val d’Europe, tout à côté, où Jessica, Barbara et Pauline ont grandi.
Une ville fake construite et financée par EuroDisney dans les années 90-2000 où tout n’est qu’imitation. Des immeubles style Haussmannien, Art Déco ou de Toscane, un lac artificiel : une carte postale de carton-pâte.
Dans un décor de gymnase que l’on imagine non loin du parc et du château de la Belle au Bois Dormant, le trio d’amies se prépare pour un concours du meilleur sosie d’ABBA. Jusqu’à ce que l’une d’elle décide d’écrire ses propres chansons. Mais comment faire preuve d’authenticité dans un univers où les décors, les corps et les désirs sont normés ?
Autrice et metteuse en scène, Tiphaine Raffier s’est inspirée de sa propre jeunesse au Val d’Europe pour ce spectacle créé en 2012, dont elle nous donne ici à voir, le « [reboot] », dix ans plus tard.
La Chanson [reboot] de Tiphaine Raffier
Du 10 au 20 janvier
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« Sans tambour »... et sans Valentin ?
Programmé du 6 au 14 février, Sans tambour parlera d’amour… Succès au dernier festival d’Avignon, il évoque cependant un couple qui se déchire. En musique, et avec grand renfort de décor…
Sous nos yeux, leur monde s’écroule à mesure que le spectacle avance, à l’image des murs de leur maison et d’une scénographie ambitieuse qui se fissurent.
Spectacle tragi-comique, ce drame ne manquera pas d’humour ni de rythme, grâce au talent de ses nombreux/ses interprètes, et d’une BO de compos originales et d’arrangements de Lieder de Schumann. Le spectacle de Samual Achache et sa troupe suivra ainsi « le chemin de la reconstruction, avec onirisme autant que drôlerie et fantaisie ». À découvrir.
Sans tambour de Samuel Achache
Du 6 au 14 février
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« SAIGON » : à table avec l'Histoire
Cette saison, retour au naturalisme en scénographie. Après le salon familial du Iench, le gymnase reconstitué de La Chanson [reboot], SAIGON nous invite à la table d’un restaurant vietnamien du 12e arrondissement de Paris.
De la cuisine à sa salle, une galerie de personnages « tous liés à l’histoire française du Vietnam et l’histoire vietnamienne de la France » s’y rencontrent pour nous raconter une Histoire à plusieurs voix, « faite d’exil et d’amour, de saveurs culinaires et de tristesse ».
Écrit et mis en scène par la nouvelle directrice du TNS, Caroline Guiela Nguyen, il s’agit d’une reprise de 2018.
SAIGON de Caroline Guiela Nguyen
Du 19 au 26 mars
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« Le Chant du père » : spectacle à deux voix
Elle vient avec deux spectacles en cette fin de saison : l’actrice et metteuse en scène Hatice Özer… Koudour (les 24 et 25 mai) et Le Chant du père, qui nous intéresse tout particulièrement. Ce dernier est en réalité, son premier spectacle : une pièce écrite par amour avec et pour son père Yavuz Özer.
Arrivé en 1986 de Turquie pour travailler en France, ouvrier ferronnier d’un côté, ce père de famille qui veut le meilleur pour ses enfants, est également conteur, chanteur et musicien. Avec son luth oriental, au sein de la communauté turque du Périgord où il s’est installé, il « chante l’exil, la nostalgie ».
Pour lui offrir la scène, et la partager avec lui, sa fille créée à ses côtés un khâmmarât (« le mot arabe à l’origine de « cabaret » et qui signifie : lieu où l’on boit et chante » nous explique-t-on). Ensemble, ils chantent et parlent à deux voix, en turc comme en français, et nous racontent « le lien profond qui les unit, le désir d’art et de beauté qui se transmet à travers le théâtre et la musique ».
Un spectacle qui promet d’être touchant. Une manière de clôturer en beauté cette saison largement traversée par les questions d’identité, de déracinement, de liens familiaux et de transmission.
Le Chant du père d’Hatice Özer
Du 22 au 29 mai
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Établissement
TNS - Théâtre national de Strasbourg
Quoi ?
Théâtreoù ?
Théâtre National de Strasbourg (TNS) 1 Avenue de la Marseillaise à StrasbourgPlus d'infos ?
Le site internet
Pour retrouver la saison 2023-24 en intégralité, c’est par ici
La billetterie