Depuis le 9 mai dernier, Corentin, photographe Strasbourgeois, traverse la France. Il profite de la diversité qu’offrent les paysages, les villes, et les accents de notre beau pays. Mais tandis que de nombreux voyageurs se fixent des objectifs précis et un parcours tout tracé, lui cherche au contraire à prendre le temps. Il souhaite faire l’expérience du « droit à l’errance » et du vagabondage en totale liberté. Parti avec Vega, un chien-loup tchécoslovaque apprivoisé, il nous raconte la quête de ce qu’il appelle « La Paix des Chiens » au milieu des plus beaux ciels étoilés de l’hexagone.
Corentin Kimenau est photographe, vidéaste et voyageur. Sa maison, son fief, c’est Strasbourg. Mais, pour 6 mois, il a tout quitté pour prendre la route des Pyrénées, à pied, avec sa chienne Vega et les étoiles comme seule compagnie.
En tout, il fera 2 000 kilomètres, 3 000 peut-être si les chemins lui offrent de belles rencontres et l’amènent vers de beaux paysages. Dans le fond, il n’en sait rien, et ça lui plait bien.
Pourquoi est-il parti ? Corentin ne le sait pas, ou pas encore. Il a quitté son job, son appartement et ses amis pour « l’espérance des grandes choses, pour la recherche des lucioles de son enfance et des nuits les plus pures de France ».
Pour espérer toucher cela du bout des doigts, il emporte avec lui un appareil photo, une tente, un hamac, et surtout : le luxe de pouvoir prendre le temps de marcher, de se tromper de chemin, de recommencer, et d’être autant en paix avec son environnement que l’est son compagnon à quatre pattes.
Fouler le pavé direction les Pyrénées, à la recherche des plus beaux ciels étoilés
Si Corentin ne sait pas par quels sentiers il va passer, il sait où il veut aller. Direction la réserve internationale de ciels étoilés des Pyrénées.
Passionné depuis toujours par les étoiles, les galaxies, les ciels purs mais aussi l’astrophotographie, il a notamment réalisé « Où sont passées les lucioles », un documentaire sur la pollution lumineuse.
En 2023, deux ans après sa sortie, son film a été projeté plus de 90 fois, en salle ou lors de soirées de sensibilisation. Son voyage, il s’articulera aussi autour de ce sujet de société : la recherche de ces ciels un peu irréels qui offrent aux petits terriens une fenêtre sur l’immensité des planètes, des étoiles et de l’infiniment grand.
« L’idée, c’est d’aller là-bas pour toucher l’extrémité de mon pays, de parcourir tout ce chemin à travers la France à la seule force de mes jambes, toujours avec le regard vers ce qui se passe là-haut et autour de moi. C’est un défi à la fois physique et mental, et à l’arrivée, j’assisterai à la journée internationale du ciel étoilé organisée fin septembre pour laquelle j’ai été invité, notamment pour parler du sujet de la pollution lumineuse ».
Mais pour l’instant, avant d’aborder les Pyrénées, ce qu’il souhaite, c’est en prendre plein les yeux et surtout : vagabonder, circuler sans but, sans avoir de lieu de repos ni de domicile.
« Avec Vega, on s’autorise un droit à l’errance, on souhaite vagabonder à gauche et à droite, s’arrêter ici ou là. Le but, c’est de ne surtout pas courir, de profiter de ce que l’on voit et de ce que l’on vit. Je travaille depuis que j’ai 16 ans, et là, pour une fois, je vais prendre le temps et d’en prendre plein les mirettes ! »
Trouver la paix, la vraie ?
Citadin actif et connecté, Corentin rêve depuis bien longtemps de partir comme il l’a fait le 9 mai dernier. À l’heure actuelle, il a déjà passé l’Alsace et le Kochersberg.
Avant de se préparer au voyage, et d’apprivoiser Vega, il n’avait pas la moindre idée de ce qu’il recherchait vraiment à travers ce projet. Mais un jour, alors que son futur compagnon de route dormait paisiblement, l’image de ce chien endormi l’a inspiré :
« Lorsque Vega est arrivée à la maison, au bout du troisième jour, j’ai remarqué quelque chose. J’avais mis ma machine à laver en route, puis celle-ci est passée en mode essorage. En entrant dans la pièce, j’ai vu Vega, endormie paisiblement sur le sol devant cette machine qui fracassait le sol en faisant un boucan d’enfer. Elle n’était pas perturbée pour un sou, elle semblait en paix, aussi bien avec elle-même qu’avec tout ce qui l’entourait.
Ne pas être perturbé par quoi que ce soit, ne pas être inquiété, avoir l’esprit léger comme ça, comment est-ce possible ? Je me suis dit, c’est ça la paix des chiens, la vraie, c’est peut-être aussi cette sensation-là que je recherche lors de ce voyage. Pendant quelques mois, j’ai envie de vivre comme ce clebs, heureux, qui a la langue pendante et qui se réjouit infiniment à l’idée de manger, de jouer, et de dormir paisiblement. ».
Depuis qu’ils sont parti, Vega est devenue un vrai vecteur de lien social avec les gens que Corentin croise sur son chemin. D’ailleurs, s’il part dans la direction de son choix, il ne s’éloigne pour l’instant pas trop de lieux où il pourra trouver une bonne boucherie pour la rassasier.
« Évidemment, je ne suis pas parti avec 50 kilos de croquettes, alors j’essaye toujours d’avoir une boucherie ou un magasin sur mon chemin pour la nourrir comme il se doit. Mais j’avoue que depuis que j’ai quitté l’Alsace, ça devient plus difficile. Je ne sais pas encore comment je vais faire lorsque je serai perdu dans le Cantal, mais on trouvera une solution.
Et puis franchement, c’est un compagnon formidable, je n’étais pas vraiment tout seul à partir, on est deux pour ce voyage. Bon le quatrième jour elle a bien troué mon super matelas gonflable et j’ai du me débrouiller comme j’ai pu. Mais trouver un plan B, c’est aussi ça la débrouille ».
La déconnexion totale ? Pas pour tout de suite.
Lorsque l’on entend parler d’un tel voyage, on imagine forcément un homme et son chien, seuls au milieu d’un paysage montagneux à perte de vue. On se représente l’isolement, la déconnexion et la nature très loin des villes. Alors oui, le voyage de Corentin ressemblera parfois à cela, mais il n’est pas juste parti pour s’isoler, loin de là :
« Je reçois beaucoup de messages de gens qui me parlent de déconnexion etc… Mais non. Je veux voir un match de foot amateur, participer à une fête foraine, à un bal, je me laisse le temps de vivre des choses hors des sentiers. Je ne traverse pas seulement les lieux, je veux les habiter, rencontrer des personnes, partager un repas avec eux. Peut-être qu’ils m’accueilleront chez eux, ou sur un bout de jardin quelque temps, je n’en sais rien, mais je ne me prive pas d’aller vers qui que ce soit. Et puis je ne serai pas contre que l’on me propose de prendre une vraie douche un soir ».
Et puisque l’on parle d’interactions avec de vrais humains en chair et en os, Corentin a mis en ligne une carte interactive et participative, consultable par qui le souhaite. N’importe qui peut y placer sa maison pour lui ouvrir ses portes, lui proposer un bout de terrain ou faire un bout de chemin avec lui.
Corentin, sa chienne Vega et leur partage sont en ce moment quelque part entre Dijon et Beaune. Ils avancent lentement, sans impératifs, mais avec l’envie irrépressible de découvrir ce pays mais aussi les femmes et les hommes qu’ils y croiseront.
« Tous les jours j’ai cette hâte, hâte de voir ce qui va se passer dans la journée. Il parait qu’un voyage comme ça change les gens, moi je souhaite simplement trouver un équilibre, une stabilité et une paix avec la réalité que je vis au quotidien. Bien sûr, là, je suis encore en plein dedans, et cette sensation de paix ne doit pas durer éternellement une fois que tu rentres chez toi, mais si je réussis à l’atteindre, cette idée de paix, je mettrais un point d’honneur à la développer ».
Son retour est prévu en novembre, mais Corentin n’est pas à l’abri de faire quelques détours qui rallongeront son séjour. Mais en attendant, vous pouvez suivre son parcours sur ses réseaux et sur la fameuse carte participative qu’il a mis en ligne, et qui, comme sa vidéo que vous avez vue plus haut (qui comptabilise un million de vues), remporte un succès inespéré.
La page Instagram de Corentin Kimenau