Les livrent ouvrent des mondes à celui ou celle qui en tournerait la première page. Si pour ma part, je flirte majoritairement avec le fantastique, ou les récits de vie dréfractés de romanciers américains alcooliques ou drogués à la plume qui claque, à la recherche d’histoires qui s’éloignent de mon quotidien…

Pour certains lecteurs et lectrices, il s’agira plutôt de chercher dans les mots des autres, des réponses à leurs maux. Mais dans un cas comme dans l’autre, au détour d’un chapitre, d’une ligne, on croise parfois une phrase, une émotion, dans laquelle subitement, on se reconnaît, sans parfois même s’y attendre.

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Des « Détours », c’est justement ce que nous proposent les Bibliothèques Idéales (BI) ce week-end. Vendredi 9 et samedi 10 juin, elles nous invitent à nous interroger sur ce « que peut guérir la littérature ». Un vrai focus sur le pouvoir des mots. Pour celles et ceux qui les écrivent d’un côté, et les lecteurs et lectrices de l’autre. Pour y réfléchir ensemble, tout en nous donnant l’envie de découvrir de nouveaux ouvrages, elles nous convient à plusieurs rencontres autour de ce sujet.

Citant Karen Blixen en ouverture de leur édito de cette édition des Détours (« Tous les chagrins sont supportables, si on en fait une histoire »), et au travers de huit rencontres (gratuites et ouvertes) avec leurs invité(e)s, les BI se questionnent : « la littérature est-elle réellement une médecine de l’âme ? Peut-elle nous aider à surmonter les épreuves de la vie ? ».

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L'écriture du chagrin

Vendredi, quatre auteurs et autrices viendront nous parler de l’ « écriture du chagrin » : Violette d’Urso, la fille d’Inès de la Fressange qui, dans son premier ouvrage (Même le bruit de la nuit a changé), part sur les traces de son père disparu pour mieux le connaître ; ou Benoit Cohen avec Formidable « qui signe un hymne à son père et à la vie, tout en questionnant frontalement la mort ».

Line Papin née au Viêt Nam (qu’elle a quitté à dix ans pour la France) parle dans Des Os des Filles de déracinement, d’exil, de maladie, de grossesse interrompue… Quand Après l’amour la suit lors d’une rupture amoureuse : des fragments recensés quotidiennement dans un carnet, et qui lui ont permis de tourner la page sur cette rupture, « sans l’éviter ni la subir ».

Christian Gachet (« fou de littérature et ancien médecin et chercheur en hématologie à l’Inserm à Strasbourg ») quant à lui, se livre dans Vie privée sur les abus incestueux que lui a fait subir sa mère. « Un livre bouleversant sur les stratagèmes défendus, la charge du silence et l’entrave de la culpabilité », nous dit-on en amont.

Les destins exceptionnels

Si les premiers cités parlent d’elles ou d’eux, les prochains ont écrit sur d’autres… Des récits sur des destins inspirants. Dans La Sainte au rocher, le romancier et critique littéraire Philippe Le Guillou s’est penché sur l’incroyable destin de Bernadette Soubirous et sa foi inébranlable qui ont fait d’elle une sainte. Il y sera question, lors de la rencontre, de « Mystiques, visions et littérature ».

Pierre Assouline nous parlera quant à lui de dépassement au travers de la figure d’Alfred Nakache. Dans Le Nageur, l’auteur nous raconte l’incroyable et bouleversant destin de ce survivant de la Shoah, ayant perdu sa femme et sa fille, après avoir été dénoncés… Et qui devient champion de natation, jusqu’à participer aux Jeux Olympiques de 1948. « Sans doute l’un des plus beaux livres de l’écrivain qui nous encourage à toujours nous tenir debout et à nous reconstruire », écrivent les BI à son sujet.

L'ode à l'ailleurs

Parmi les invités de ces Détours des BI, plusieurs nous emmèneront voyager dans leurs ailleurs… Dominique Fernandez « l’éternel voyageur, le promeneur amoureux, le fou d’Italie » de 94 ans nous plongera dans la littérature soviétique. Il nous racontera, au travers de Gorki, Pasternak, Ehrenbourg, Babel, Paoustovski, Aïtmatov, Tolstoï et Grossman, les détours pris par ces auteurs pour échapper à la censure stalinienne.

Non loin de là, le romancier, cinéaste et secrétaire général de l’Académie Goncourt, Philippe Claudel nous invitera « dans une Europe plus ou moins balkanique, l’imaginaire hivernal d’une Mitteleuropa où les guerres ont souvent bouleversé les frontières » avec Crépuscule. Il viendra à Strasbourg parler du spectre des passions humaines.

Quant à Daniel Rondeau et Charif Majdalani, ils nous emmèneront eux, au Liban. Le premier avec Beyrouth sentimental, se penche sur « cette ville mosaïque qui survit à tous les drames de l’histoire, les guerres civiles, les massacres, les destructions, les ambitions, les corruptions ». Quand le second donne la voix à plusieurs récits traversés par « [l]’exil, [d’]émigration, [les] guerres, [les] identités religieuses multiples ou [des] amours contrariées » dans La fin de l’homme rouge.

Avec la franco-italienne Andrea Marcolongo, c’est en Grèce que nous iront, sur les traces de notre Histoire. Helléniste et diplômée de lettres classiques, l’autrice s’interroge sur l’influence des auteurs et héros classiques grecs et latins, sur notre civilisation, notre culture. « (Re)lire leurs histoires pourrait[-il] nous aider pour la construction du présent ou du futur ? ». Décidant de passer une nuit au musée de l’Acropole à Athènes, au milieu des ruines de notre passé occidental, elle en tire une réflexion/méditation : Déplacer la lune de son orbite.

Porter la voix des autres

Le samedi 10 juin, les BI consacrent un temps à « Ces femmes qui écrivent la liberté, de Kaboul à Téhéran », à l’initiative de l’association A livre ouvert/wie ein offenes Buch. Un focus sur les femmes afghanes et iraniennes qui « n’ont pas besoin de porte-paroles » : les BI laisseront entendre leurs voix au travers de lectures, en solidarité avec leurs combats.

Plusieurs femmes liront ainsi les écrits de celles qui font, plus loin, la révolution : Salomé Helbourg (pour les auteures iraniennes) et Maryam Monazah Kouhestani (pour les auteures afghanes), Fanny Colnot, Hélène Lacoste et Aline Martin, avec le collectif « Voix des Femmes de Kaboul à Téhéran ».

Un joli programme que ces Détours des BI : inspirant, et qui donnera l’envie de lire, de découvrir et d’ouvrir de nouveaux chapitres. Et peut-être même qu’on y trouvera parmi ces lectures proposées, notre prochain livre de l’été. …Celui qu’on dévorera à l’ombre d’un arbre, dont on écornera les pages sur une plage et qui nous bouleversera. Avec l’impression d’avoir grandi, mûri ou voyagé. Celui qui nous fera avancer, et revenir changé, à la rentrée.

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