Telle une Ophélie de John Everett Millais, Londe s’extrait et flotte sur les eaux troubles du Ried… À mi-chemin entre une héroïne préraphaëlite et une ondine christique sortant des eaux, l’artiste nous livre un clip renversant, poétique, qu’elle a écrit et réalisé pour illustrer sa chanson Real Life, aux côtés de Baptiste Schohn, chef déco/scénographe et artiste touche-à-tout. Deux talents strasbourgeois réunis dans un projet commun : la réalisation d’un clip ambitieux avec la débrouille comme budget. Aidés de bénévoles, il leur aura fallu de la passion, et surtout de la patience pour qu’il sorte : un an de travail, en tout. Et aujourd’hui, on vous le fait découvrir. C’est la pépite musicale et visuelle du jour.
Sorti il y a deux semaines, il marque une rupture à venir dans le parcours de la Strasbourgeoise Londe (Elsa Criqui), qui est tout à la fois autrice, compositrice, et interprète (et que l’on t’avait présentée dans un article, en 2021). Un projet ambitieux auquel elle tenait, avant d’entamer un virage dans sa carrière.
Si jusque-là elle s’était fait connaître pour ses titres RnB et neo soul en anglais – dont Real Life fait partie –, elle s’apprête en 2023 à changer de cap pour évoluer vers une « pop cinématographique ». Un concept qu’elle explique être à mi-chemin entre de « la pop française avec une orchestration et des touches électroniques. Un mélange de Lana Del Rey, Billie Eilish et Woodkid dans l’ambiance, et des textes [en français] inspirés de la variété française à l’ancienne : Yves Montand, Aznavour… ».
Les curieux pourront d’ailleurs aller écouter (et voir) son clip Corps Étrangers sorti cet été, qui illustre bien sa nouvelle direction musicale. Un live orchestral, tourné au sein de la salle historique de l’Hôtel de Ville de Strasbourg, en compagnie de l’Orchestre universitaire de Strasbourg.
La sortie du clip Real Life marque donc la fin d’un chapitre.
Coincée dans des mondes parallèles
Bien plus encore que la fin d’un chapitre, le clip et la chanson abordent un thème cher à son autrice : la dépersonnalisation, la déréalisation. La sensation de ne plus savoir dans quel corps on se trouve, de savoir ce qui est réel ou non… « Un concept un peu inconnu, mais que beaucoup de gens traversent ».
Elle eut le sentiment, à l’époque, d’être « détachée de ses émotions, de ses envies, d’être spectatrice de sa vie… […] Comme un zombie. Dans un monde parallèle irréel. Avec des problèmes de mémoire, à se poser des questions existentielles… ». Si l’épisode était lié à la dépression, elle compose cette chanson (pendant le Covid) comme un exutoire et ainsi, « lâcher ce [qu’elle avait] sur le cœur, d’une façon assez joyeuse », malgré tout.
Bien que « cliché », l’idée derrière était de rappeler qu’ « après les bas, il y a toujours les hauts ». « Bad time[s] will pass as my mama say[s] », chante-t-elle d’ailleurs, en citant sa mère [traduction : « Les mauvais moments passeront comme le dit ma mère »].
Les aléas d'un tournage
Pour rendre compte de ces états de dépersonnalisation, Londe et Baptiste ont élaboré un scénario ambitieux. Si les aléas du tournage ont finalement un poil simplifié le scénario d’origine, on la découvre toutefois partir loin dans des mondes parallèles, des paysages magnifiques donnant lieu à des images fantasmagoriques… Pour enfin finir dans une pièce à boire son thé. Comme une hallucination qui prendrait enfin fin.
Tourné localement à la fin de l’été, le clip nous transporte d’un plan à l’autre, entre un quasi bayou avec une baignoire qui semble flotter sur l’eau jusqu’à un champ de tournesols dont elle semble s’extraire de terre.
Derrière ses idées folles ? La créativité des deux, et la débrouillardise de Baptiste Schohn. Londe en parle comme de « quelqu’un d’exceptionnel […] qui a des idées complètement farfelues » mais qui sait les rendre possibles. Si tous les rushs n’ont finalement pas été utilisés, Londe explique que Baptiste avait même réussi à déplacer tout un salon… dans une rivière.
C’est ainsi qu’il a dépêché toute l’équipe jusque dans une gravière dans le Ried (dans l’Alsace du Sud), et qu’il a trouvé son champ de tournesols en Allemagne puisque ceux-ci avaient déjà disparu des champs alsaciens. Quant à faire marcher Londe sur l’eau, cet as de la bricole conçoit plusieurs systèmes jusqu’à trouver le bon : entre le bois qui flotte, le métal qui coule et les aléas d’une nature qui change d’un mois à l’autre, il aura fallu au scénographe de travailler sur place et s’adapter directement au lieu. Pas de soucis, que des défis.
L’équipe passe même une nuit sous tente, à installer tout dans l’obscurité avec les bénévoles et le vidéaste, Hugo Lorentz, pour capter la brume du matin, le lendemain. Une nuit passée dans le froid à dormir une petite poignée d’heures, et un plongeon dès l’aube dans une eau gelée. Des sacrifices pour un projet qui en met plein la vue, malgré n’avoir eu « zéro budget » comme s’amuse à le souligner Baptiste qui voit ça comme « un défi et une bonne aventure ».
Londe – qui a elle aussi, plus d’une corde à son arc – a également réalisé sa robe, son maquillage sur place, puis monté le clip en post-prod… Il est certain que Strasbourg ne manque pas de talents dans ses rangs. D’ailleurs, si l’envie de montrer les vôtres sur grand écran vous titille, les cinémas Star lance actuellement un concours de clips ouvert aux artistes du Grand Est (jusqu’au 8 février). À bon entendeur !
Quant à Londe, elle sera en concert le 4 février à Ostwald sur un ring de boxe lors du Superstars Event, une compèt’ de Muay Thaï et de kickboxing ; le 21 mars au Cancan Pigalle à Paris ; et en mai, elle fait son premier Zénith en première partie, grâce à un tremplin remporté. …Stylée, sa Real Life !
Pour suivre leurs actus :
Le site internet de Londe Music
Londe sur Instagram