La Ville de Strasbourg a annoncé vendredi 2 décembre rejoindre le programme européen SHINE, dédié à la prévention du harcèlement sexuel sur les lieux de vie nocturne et festifs. Cet engagement devrait donner lieu à des actions imaginées en coordination avec tous les acteurs de la ville comme la Police, les associations, les établissements de nuit ou encore les secours. Première étape : une campagne de communication sur la soumission chimique et peut-être plusieurs établissements nocturnes formés.
Comme Marseille, Louvain, Prato, ou encore Budapest, Strasbourg vient de rejoindre SHINE, un programme européen de prévention du harcèlement sexuel dans les lieux de vie nocturne. L’objectif ? Se coordonner au niveau européen pour lutter contre ces violences sexistes et sexuelles, grâce à un réseau d’acteurs et au partage de connaissances.
Des recommandations génériques sont partagées aux différentes villes afin qu’elles puissent mener leurs propres actions et des séminaires de formations et de rencontres entre les villes sont également prévus.
“On a répondu à l’appel à projet au niveau européen et on est une des cinq villes retenues pour participer à ce programme.” explique Nadia Zourgui. Mais l’adjointe en charge de la tranquillité publique précise aussi que la Ville n’a pas attendu pour travailler sur le sujet et qu’une démarche globale a été entamée depuis juin dernier.
“On a mis autour de la table tous les partenaires qui sont concernés. Donc aussi bien l’Umih, que la Police municipale et nationale, les Hôpitaux universitaires de Strasbourg et les associations, comme Ru’elles ou Dis bonjour sale pute, mais aussi celles qui font de la prévention des conduites à risques comme Ithaque.” souligne-t-elle. Le but est que les personnes concernées se rencontrent et échangent ensemble pour mettre en place des actions coordonnées et lutter plus efficacement.
Une campagne de communication contre la soumission chimique
Première étape de cette démarche globale qui devrait s’échelonner sur plusieurs mois voire plusieurs années : une campagne de communication sur la soumission chimique. Pour rappel, de nombreuses Strasbourgeoises ont rapporté avoir été selon elles droguées à leur insu en boîte de nuit ou dans des bars. La Ville a donc choisi de se saisir de ce problème en priorité.
Imaginée en collaboration avec l’ensemble des acteurs présents, la campagne se décline à travers deux supports visuels : un premier qui s’adresse aux proches, à l’entourage de la victime et un second qui vise les responsables d’établissement. “On a voulu avoir une seule communication commune. On est un peu partis sur la même campagne qu’on fait dans la sécurité routière, tourné vers les proches des victimes avec “veille sur tes amies”. On s’est rendu compte que la plupart du temps, les victimes sont abandonnés, ou juste “posées sur le trottoir”, sans appeler les Secours ou les amis.” indique Nadia Zourgui. “L’idée, c’est que la solidarité se fasse au sein des groupes en soirée.” complète Joël Steffen, adjoint en charge de la vie nocturne.
Un choix plutôt étonnant, voire maladroit. Dans les faits de violences sexistes et sexuelles, il n’est pas rare que la responsabilité soit reportée sur l’entourage ou la victime elle-même. Avec l’injonction “veille sur tes amies”, on fait peser, du moins en partie, la responsabilité de tels actes sur l’entourage de la victime.
Dans cette campagne de communication comme dans la plupart, les seuls responsables, c’est-à-dire les auteurs des faits, ne semblent pas être le public visé. Les agresseurs, les harceleurs et les violeurs fréquentent pourtant bien les mêmes lieux que les victimes, puisque des violences s’y produisent.
L’autre plaquette d’information vise quant à elle les responsables et personnels d’établissements de nuit strasbourgeois, grâce à l’intitulé “protégez vos clientes”. Dessus, on retrouve également les bons réflexes à avoir et les numéros d’urgence à contacter si une cliente semble ou bien rapporte avoir été droguée.
Sur le premier visuel comme sur l’autre, une information importante semble pourtant manquer : combien de temps la substance reste-t-elle détectable dans le corps ? Ce point constitue pourtant un frein important au dépôt de plainte.
Le GHB peut être détecté jusqu’à 6h dans le sang et 8 à 10h dans les urines. Les délais sont plus longs pour les somnifères par exemple. Par ailleurs, n’importe quel hypnotique ou somnifère peut être détecté quatre semaines plus tard dans les cheveux. Mais la plupart des victimes n’ont pas accès à ces informations et préfèrent ne pas porter plainte, par peur de manque de preuves.
De plus en plus de Strasbourgeoises droguées à leur insu en boites de nuit
Un label safe pour les établissements formés et d‘autres actions à venir
L’une des recommandations du programme SHINE consiste à sensibiliser et former les personnels des établissements de nuit. C’est ce que projette de faire la Ville, dès fin janvier, en présentant à l’Umih et aux gestionnaires de bars toute une méthode. En tant qu’établissements privés, les clubs et les bars n’ont aucune obligation de suivre une formation proposée par la municipalité.
Mais pour les y inciter, Nadia Zourgui précise qu’un label “Safe” sera attribué aux lieux qui auront accepté de former leurs personnels sur la prévention et les risques en milieu festif : “On veut accompagner les acteurs de la nuit à travers la formation. Ça va du gérant, au barman, au serveur, à la société de sécurité qui se trouve souvent à la porte d’entrée.”
Pour obtenir le label, il faudrait aussi que le bar dispose d’un espace où on peut accueillir et sécuriser une victime. La Ville envisage aussi de réaliser une cartographie des lieux safe qui serait disponible en ligne. Quant aux personnes chargées de dispenser les formations, il pourrait s’agir de binôme : un acteur associatif local et un membre du programme SHINE.
L’adjointe à la tranquillité publique rappelle également que la Police municipale et nationale ont été formées sur les violences sexistes et sexuelles : “Je tiens à une police de proximité. Même s’il y a encore des mentalités qu’il faut changer, il faut pratiquer. Mais comment détecter et intervenir rapidement, c’était notre priorité avec cette campagne.” La CTS forme également ses équipes et la Ville espère bien aboutir à terme à “une vraie politique de la nuit à Strasbourg.”