Après avoir été prolongée durant deux années consécutives, la trêve hivernale a pris fin le mardi 1er juin. Les expulsions des locataires sont donc à nouveau autorisées et les associations se préparent à devoir faire face à une période estivale très compliquée pour de nombreuses familles strasbourgeoises.
Depuis le 1er juin, les expulsions locatives sont à nouveau autorisées. Après avoir été prolongée l’année dernière, la trêve hivernale prend finalement fin après deux années de sursis pour les locataires les plus précaires. D’après l’Association Droit au Logement (DAL), près de 130 000 familles ont déjà reçu un jugement d’expulsion leur ordonnant de quitter leur logement. Et près de 30 000 familles doivent s’attendre à être expulsées par la police en France, un chiffre qui a doublé par rapport à 2018.
“La majeure partie des personnes qui décèdent dans la rue, c’est en été”
Emmanuel Suzan, responsable de l’Association Strasbourg Action Solidarité, a assisté dès lundi matin à l’expulsion d’une famille encadrée par la police et les huissiers avec le dépôt de l’ensemble des meubles en pleine rue. Et malheureusement, cela ne semble être que le début d’une longue série : “On est en relation avec beaucoup d’associations qui nous ont fait part encore cet après-midi d’une famille qui a été mise à la rue, encore une fois avec des enfants. Il ne faut pas rêver, ces gens-là on va les retrouver quand on fera les distributions, ça va devenir quelque chose de très grave.”
Si le nombre d’expulsions est particulièrement élevé cette année, c’est non seulement parce que beaucoup d’entre-elles n’ont pas pu être réalisées l’an dernier, mais aussi à cause de la crise qui pèse lourdement sur les locataires qui sont de plus en plus nombreux à ne plus avoir les moyens de payer leur loyer. Et en effet, cet été promet d’être particulièrement difficile pour les Strasbourgeoises et les Strasbourgeois les plus précaires. “Nous, on a affaire à des gens qui n’ont jamais fait de demande d’aide sociale et qui suite au Covid sont au pied du mur. Ils ont des enfants à nourrir et ils viennent vers nous.” explique le responsable associatif.
Il rappelle également que contrairement à ce qu’on pourrait s’imaginer, les décès sont plus importants en été qu’en hiver : “Les gens pensent qu’il fait bon, qu’il n’y a plus besoin, mais la majeure partie des personnes qui décèdent dans la rue, c’est en été.” De plus, la plupart des associations ont prévu de fermer leurs portes cet été comme l’Armée du Salut pendant deux mois ou les Restos du Cœur pendant 15 jours. En parallèle, la demande semble quant à elle, être de plus en plus forte : “Au dernier calcul les distributions d’Abribus c’était 900 repas par semaine. Quand on doit nourrir autant de famille qui n’ont rien du tout pour manger ou se loger, c’est vraiment de la manutention parce que là on est sur des grosses quantités quand une personne vient chercher à manger pour toute une semaine, on ne va pas la faire repartir avec deux sachets de pâtes.” précise-t-il.
Des places d’hébergement d’urgence toujours insuffisantes
Le gouvernement a annoncé qu’il maintiendrait les 43 000 places d’hébergement d’urgence créées durant le premier confinement, ce qui permettrait de conserver au total 200 000 places d’hébergement jusqu’au printemps 2022. Mais les associations restent pourtant débordées.
Emmanuel Suzan reconnaît en attendre plus de la municipalité : “Il faut savoir que l’État a mis à l’abri 2 800 personnes et j’aimerais savoir ce que la Ville a ajouté à son budget pour les SDF depuis le début du Covid. On est un peu en colère, on laisse les associations faire le travail et on se repose entièrement sur nous. On sait que la mairie a promis d’ouvrir 100 places au mois de juin, mais il faudra déjà reloger les personnes qui étaient à l’Hôtel de la rue, donc finalement ça ne sera pas vraiment des places supplémentaires.” Pour rappel, la Ville a prévu dans son budget annuel de dépenser 1 million d’euros pour la création de 100 places d’hébergement supplémentaires cette année, ce qui porterait le total à 200. Un chiffre encore loin des 500 places envisagées d’ici la fin du mandat.
Pour celles et ceux qui veulent soutenir Strasbourg Action Solidarité en cette période estivale qui s’annonce difficile, l’association a particulièrement besoin de denrées spécifiques comme de l’huile et du lait. Mais également de dons afin de payer le loyer du local qui accueille chaque jour de nombreux Strasbourgeois dans le besoin pour manger, laver leur linge ou simplement prendre une douche et pour payer des nuits d’hôtel lorsque des enfants se retrouvent à la rue. Rendez-vous sur le site internet ou la page Facebook.
© Photo de couverture : Thibault Vetter / Pokaa