Depuis son ouverture, le Wagon Souk consacre une partie de son espace à un lieu plutôt singulier : un dispensaire pour plantes. Derrière cette initiative attendrissante, c’est un changement des mentalités vis-à-vis des végétaux que les membres du lieu auto-géré veulent amorcer. Au dispensaire, on soigne les plantes sauvées de la benne, pour pouvoir ensuite les proposer à l’adoption.
L’idée a germé dans l’esprit fertile de Zaï Mo, co-gérant du Wagon Souk, qui est également référent projet agriculture urbaine au collectif Horizome. En partenariat avec le collectif, il monte le projet du dispensaire au sein du lieu alternatif du parc Gruber, dans le quartier de Koenigshoffen. Du fait de sa formation de paysagiste, c’est en quelque sorte le jardinier en chef, sinon l’expert végétal du Wagon Souk.
Sauver de nombreuses plantes destinées aux ordures
Le principe du dispensaire est simple : récupérer des plantes qui sont destinées à terminer dans la benne à déchets des magasins qui vendent des plantes et les faire adopter. Un gaspillage récurrent, qui touche bon nombre d’enseignes. “Il y a vraiment une grosse problématique pour tous ces magasins. On en voit de plus en plus qui vendent des plantes, mais ils n’ont pas de service de suivi, ou de pépiniériste, qui reprend les plantes, les retape etc. Donc une plante qu’ils considèrent comme plus vendable, par exemple si son cycle de floraison est fini, ou qu’elle a une maladie, ils la jettent.” explique Zaï Mo. Selon lui, “non seulement éthiquement c’est pas cool, parce que souvent on oublie que ce sont des êtres vivants.”, mais les magasins sont aussi très favorables à l’initiative car ils doivent payer leurs déchets verts au poids.
Au dispensaire, on trouve donc tout type de plantes comme des plantes d’extérieur, des arbustes, des arbres fruitiers, des fleurs et des plantes d’intérieur, qui viennent directement de la jardinerie Botanic, ou même d’Ikea.
“Une sorte d’hôpital pour plantes”
Derrière le terme médical de dispensaire, soit un lieu où des soins médicaux sont dispensés gratuitement, il y a l’idée de prendre soin des plantes recueillies. “Une sorte d’hôpital pour plantes” explique Zaï Mo. Une fois récupérées, il faut donc vérifier leur état de santé. Et si certaines sont en bon état dès leur arrivée, d’autres franchissent le portail du parc Gruber vraiment mal en point. C’est là que Zaï Mo et des bénévoles du Wagon Souk entrent en action, pour tenter de requinquer les plus fragiles.
L’occasion aussi de faire du dispensaire, un lieu de transmission de savoirs : “Soit ils savent déjà comment faire, soit ils m’aident à les entretenir.” indique le jardinier. Quant aux heureux adoptants, eux non plus n’hésitent pas à demander conseil auprès du paysagiste/médecin chef après leur passage au Wagon Souk : “Pleins de gens nous envoient des messages pour nous donner des nouvelles, nous demandent des conseils. Souvent, je leur demande d’envoyer des photos ou de la ramener pour que je puisse la voir.” Enfin, pour le responsable du dispensaire, le lieu doit aussi être l’occasion d’échanger : “L’idée, c’est aussi que ce soit un espace de troc, où les gens peuvent venir déposer leurs boutures et en récupérer d’autres.”
Adopter au lieu d’acheter
L’emploi du terme adopter, plutôt qu’acheter, est aussi loin d’être anodin : “L’idée d’adopter une plante, c’est très important. C’est toujours dans cette envie de sensibiliser sur l’être vivant. Adopter, ça implique une responsabilité. On demande aux gens à ce qu’ils en prennent soin quand ils repartent avec.” indique Zaï Mo. Car l’objectif de l’initiative, c’est aussi de faire évoluer les mentalités sur le vivant et ainsi faire comprendre aux visiteurs du dispensaire, que les plantes ne sont pas seulement un élément de décoration, mais bien des êtres vivants. Pour le responsable du projet, c’est un véritable échange entre le végétal et les consommateurs : “C’est intéressant de savoir d’où viennent nos plantes, dans quelle terre elles vivent, etc. Ça permet de comprendre de quoi elles ont besoin et que toutes les plantes ne sont pas les mêmes. Beaucoup de gens disent qu’ils n’ont pas “la main verte”, ou la sensibilité pour, mais en fait, c’est une vraie science, c’est un savoir qui s’apprend et non un talent.”
Toutes les plantes disponibles sont à prix libre, mais les membres du Wagon Souk ont mis en place un dispositif amusant pour attribuer une plante à une nouvelle famille. Intitulée “La plante du destin”, une sorte de roue de la fortune trône dans l’espace du dispensaire. Le principe ? Faire tourner la roue et laisser le hasard décider avec quelle plante on repartira. “On peut tomber sur une vivace, un arbuste, ou une plante d’intérieur. C’est un peu un prétexte pour rendre la chose plus fun et faire comme si c’était les plantes qui choisissaient. Mais sinon on s’adapte quand même en fonction de ce que les gens veulent et peuvent avoir chez eux.”
Dans un futur proche, Zaï Mo espère bien faire évoluer le projet en installant une serre à côté du Wagon Souk, pour développer une micro-pépinière locale.
© Photo de couverture : Le Wagon Souk