En juin dernier, alors que “voyage” et “évasion” étaient encore sur toutes les langues, Mia et Nadin ont prit la poudre d’escampette direction l’Asie, sans même savoir qu’un second confinement nous guettait, ici sur le sol français. Avec leur camion gracieusement nommé Patrick, leurs chats, leurs chiens et leurs jolies plantes vertes, ils sont partis sans billets de retour, en pleine pandémie, pour tenter le voyage d’une vie. Je les ai contactés entre deux tempêtes de neige alsaciennes pour savoir où en est leur incroyable périple, histoire qu’ils nous fassent croquer un peu de leurs rayons de soleil.
Mia et Nadin ont quitté Strasbourg au cœur de l’été 2020, avec comme seuls bagages leur arche de Noé et un brin de naïveté, presque insolente pour certains. Partir maintenant, en pleine pandémie ? Mais quelle idée…
Voilà ce qu’on pouvait lire en commentaire sous l’article que l’on avait publié quelques jours avant leur départ, l’été dernier. Heureusement, une vague de soutiens et de mots doux ont malgré tout porté Nadin et Mia vers le large. Ils ont décidés d’écouter leur cœur et leurs tripes, même si le brouillard de la pandémie, qui obscurcissait alors leur route, était déjà bien épais : “Tant pis, si on ne part pas maintenant, on ne partira jamais ! On ira vers l’Est et on verra bien ce que l’avenir nous réserve. Nous, on est prêts.”
Les petites et les grandes galères pour démarrer en beauté !
Le 31 juillet 2020, c’est le jour du départ : les plantes sont solidement fixées, rien ne traîne dans le camion qui pourrait blesser un chien ou un chat lors d’un virage serré, le moteur tourne, tout va bien pour l’instant. Mia et Nadin viennent juste de réceptionner un colis contenant des panneaux solaires qui les aideront beaucoup pendant leur trajet, notamment pour profiter du confort de l’eau chaude. Ils les monteront plus tard, car maintenant il faut se tailler. À ce moment-là, le couple ne sait pas réellement quelles frontières sont fermées, tout évolue si vite. Pour Nadin et Mia c’est la page blanche : rien n’est fixé, c’est la vraie aventure, pas un voyage organisé claqué.
Le premier objectif du couple était d’arriver en République Tchèque, chez des amis de Mia, pour prendre le temps de monter les panneaux solaires avant un départ prévu pour la Turquie. Mais après 4 jours de route et une déambulation chez nos voisins Allemands, la première panne moteur survient, à peine quelques minutes après le passage de la frontière tchèque. Il faut dire que le camion dont on parle n’est évidemment pas un petit transporteur que tu loues chez Super U pour faire le déménagement de ton pote encore bourré de la veille. Non, là c’est un vrai poids lourd mieux aménagé que mon appart.
Après avoir observé les dégâts, il faut se rendre à l’évidence : ils sont impuissants face à l’ampleur de la tâche, il faut faire appel à un garagiste. Après quelques minutes de recherche, un garage se profile à l’horizon pour effectuer des réparations dont ils ignorent le prix et la réelle origine. Faire demi tour, déjà ? Ce doit être angoissant pour des voyageurs qui commencent à peine leur périple. Heureusement, plus de peur que de mal et le camion est rapidement apte à repartir. Mais ce non-événement déstabilisant présage un long, très long voyage. Et puis forcément, comme les trains, une galère en cache souvent une autre, et la prochaine est plutôt cocasse.
En effet, quelques temps plus tard, en République Tchèque cette fois, survient un autre événement un peu plus spectaculaire qu’une simple panne moteur. Est-ce-qu’il vous est déjà arrivé d’observer un camion qui arrive doucement sous un pont en marmonnant : “mais… Il va pas passer ce con” ? Mia et Nadin, eux, se le sont dit, et puis ça leur est arrivé.
Tout se passe à l’arrivée d’un vieux pont en pierres. L’un dit à l’autre que ça va passer et l’autre en doute fortement. Et puis arrive ce qui devait arriver : le camion reste coincé sous le pont et bloque toute la circulation. Forcément dans la tête des deux protagonistes, c’est l’angoisse à tous les étages : Mia et son caractère bien trempé font face au pragmatisme désolé de Nadin qui sait qu’il a fait une belle connerie. Mais il doit maintenant trouver une solution pour résoudre le problème : “Le stress était à son comble car nous étions en train d’abimer notre maison et potentiellement, en train de la rendre inhabitable”, nous raconte Mia.
Le camion était alors coincé et les voitures se bloquaient mutuellement. Les policiers sont arrivés et ont laissé faire, zéro intervention. Impossible de sortir le camion de ce merdier, et pendant ce temps-là, ça joue à Candy Crush du coté des forces de l’ordre. Marche avant, marche arrière, rien n’y fait. Alors, Mia opte pour la solution dite du “marteau et du burin” et commence alors à tailler le pont, littéralement, sous l’œil de la police :“On l’a légèrement abimé.”
Le résultat ? Une amende de 80 euros pour dégradation. C’était la deuxième galère, une belle cette fois-ci. Une fois les émotions passées et le patrimoine européen mis à l’abri, Mia et Nadin peuvent enfin souffler. Plus de peur que de mal. Et puis, les galères c’est aussi ce qui fait un voyage et qui forge les relations pas vrai ?
Les petits et les grands moments de bonheur
On vient de parler de galères, de pont, de moteurs et des angoisses qui vont avec. Mais de ces moments de doutes et de peurs ressortent souvent des situations inattendues. Des rencontres, des découvertes et surtout des mains tendues. Par exemple, lorsque Mia et Nadin se sont arrêtés pour la première fois à cause de la panne moteur, ils ne pensaient pas passer des moments aussi forts avec les garagistes.
En réparant leur maison, ces messieurs ont tissé des liens solides avec le couple, partagé des soirées d’ivresse, raconté leurs meilleures anecdotes, des découvertes et des moments simples qui font du bien. Cet arrêt forcé a finalement eu du bon, car c’est aussi cela que le couple est parti chercher : des relations humaines, nouvelles et désintéressées.
Même l’histoire du pont a eu du bon. Les policiers, ceux qui n’ont pas bougé d’un pouce, étaient peu actifs c’est vrai mais très surpris. Ils étaient surpris de voir un camion coincé sous un pont c’est certain, mais surtout très intéressés par l’intérieur de celui-ci. Après avoir discuté sur le bord de la route, les deux policiers sont en effet entrés dans le camion, on fait des photos de la taverne, discuté de chiens, de chats, de plantes… À la fin, malgré la petite prune de 80 euros, ils se sont échangés leurs comptes Instagram et les forces de l’ordre sont désormais des followers actifs.
Après cet épisode, direction la Bosnie-Herzégovine pour rejoindre une partie de la famille de Nadin qu’il n’avait jamais eu la chance de rencontrer auparavant. Si ça c’est pas du pur kiff ? Cette fois-ci, pas de problème à l’horizon. Nadin et Mia prennent le temps d’installer leurs panneaux solaires et de profiter d’une nouvelle famille. Nadin rencontre pour la première fois sa demie-sœur, son demi-frère et les autres membres de la famille qui vivent à l’autre bout de l’Europe. Tous les deux y sont restés cinq jours. Un moment que Nadin n’oubliera pas : “En l’espace de quelques jours, avoir sa famille qui s’agrandît est un sentiment vraiment particulier, c’était une sensation absolument géniale.”
On l’a dit, à chaque merdier son lot de petits bonheurs. Et puis tant que le camion roule, l’aventure continue.
Le chemin continue, Covid ou pas Covid !
Après ces galères qui se sont finalement transformées en belles rencontres, il fallait étudier le terrain pour contourner les restrictions liées à la pandémie. La frontière de la Hongrie, par exemple, n’est plus franchissable excepté pour le transit : “On nous a donné des documents avec des routes précises à suivre, des stations services où s’arrêter. On ne pouvait pas dévier de ce trajet, en tout cas nous n’avons pas essayé.“
Le trajet suit son cours, les jours passent et au milieu de l’automne, la pluie commence à pointer son nez. Des trombes d’eau qui commençaient à avoir raison des plantes, du moral des troupes et surtout : l’hiver arrive. Il fallait partir avant l’arrivée des températures hivernales. Le but était alors d’arriver en Grèce pour y passer l’hiver. Mais avant ça, il fallait passer les frontières du Monténégro et de l’Albanie. Des petits pays que l’on traverse rapidement lorsque les frontières sont ouvertes… Sauf qu’en période de pandémie, elles étaient fermées. Demi-tour les amis ! Un petit crochet de 1 500 kilomètres comme on les aime mais surtout l’occasion de voir du pays ! Après une route harassante et un sacré périple, Mia et Nadin s’arrêtent en Bulgarie. Il fallait prendre le temps de kiffer un peu et oublier les soucis. Alors, ils se sont installés sur la côte, devant la Mer Noire.
Après avoir fait un peu de tourisme en Bulgarie, notamment pour voir les pyramides de Melnik, la Grèce se devine au loin. Un test PCR plus tard, un passage de frontière in extremis juste avant que le pays ne se confine, ça y est la Grèce est enfin là ! Nous sommes à la fin du mois d’octobre.
Arrivés là-bas, le pays est confiné, et qui dit confinement dit interdiction de se déplacer. Malgré tout, il fallait partir vers le sud pour retrouver un peu de liberté, dans des paysages où personne n’irait les chercher. Alors Mia et Nadin sont partis vers la région du Péloponnèse, une zone assez peu habitée, enclavée et plus chaude qu’ailleurs à cette époque de l’année. Là-bas, le couple prend enfin le temps et se laisse aller à la flânerie et à la contemplation. La nature est belle, les Français sont confinés sous la pluie : quel plaisir pour ces deux voyageurs qui prennent enfin le temps de regarder derrière eux et de comprendre la chance qu’ils ont. Malgré les galères et les gros coups de flippe, le vrai bonheur est devant eux : “Cette première étape nous a réconfortés sur le choix que l’on a fait de ne pas écouter tout ce qui était dit concernant la possibilité de voyager pendant cette période car au final, cela n’a vraiment pas été plus compliqué que ça. Le peu de fois où l’on regarde les informations, on se rend compte de la chance qu’on a, même s’il a fallu au départ qu’on la provoque cette chance, et il faut dire que ça n’a pas été facile.“
Le sud de la Grèce, voilà où Mia et Nadin se trouvent actuellement. Lorsque les frontières rouvriront, ils continueront leur voyage pour la Turquie. Un autre épisode de leur longue route, cette fois-ci hors Europe. En attendant ils nourrissent leur chaine YouTube, documentent leur voyage qui est loin d’être fini. Tous les deux essayent même de valider un record dans le Guiness Book dans la catégorie “plus grand nombre de plantes voyageuses dans un camion aménagé“. Ces deux-là ont des idées que d’autres n’ont pas. Au total, ils auront déjà traversé 11 frontières, 8 pays différents, fait 6 577 kilomètres.
Pour suivre leur voyage
Le compte Insta officiel du voyage
le compte Insta perso deMia
La page Youtube