Derrière une patte colorée, capable d’assumer et mélanger avec brio une déclinaison de fluo, on retrouve Léonie Kœlsch, jeune artiste strasbourgeoise, pour qui illustration rime aussi avec convictions. Coup de projo sur un talent à suivre.
Discrètement accrochée sur un des murs de briques du festival d’art urbain Colors (du 4 au 27 septembre), entourée de fresques gigantesques, une illustration de Léonie Kœlsch m’a pourtant tapé dans l’œil. Instantanément intriguée par son style coloré, je me suis empressée d’aller voir le reste de son travail, et je n’ai pas été déçue. Portrait d’une artiste qui maîtrise le Pantone comme personne.
Ville de cœur
Avec un nom qui sonne du coin, qu’elle tient d’ancêtres alsaciens, Léonie Kœlsch vient pourtant d’une petite ville de Bourgogne. Strasbourg, elle la découvre en 2012, « pour démarrer des études de design graphique ». Séduite par ses vélos, « les initiatives citoyennes et écologiques […], et le fait qu’il y ait une communauté d’illustrateur-ices très soudée », Strasbourg devient vite sa « ville de cœur ».
Elle y fera, pendant sept ans, des sauts de puce, jusqu’à l’été dernier où elle a définitivement posé ses valises, dans un atelier partagé, près de la gare. Avant cela, elle a navigué entre Valence pour passer par les Beaux-arts « toujours pour le design graphique », un retour ici pour un diplôme à la HEAR en illustration didactique, et un séjour de 8 mois en Afrique, dans un projet de création d’ « illustrations didactiques pour transmettre des contenus de formation à l’entrepreneuriat à [destination de] femmes qui ne savaient pas lire ».
Dessins à desseins
Ce projet auprès de femmes analphabètes, en Côte d’Ivoire, est à l’image de son travail : engagé.
« J’essaye de partager des valeurs auxquelles je crois dans mon travail : je trouve que c’est très important en tant que créatrice d’images d’avoir du recul sur ce que je transmets aux autres. C’est quand même un sacré pouvoir de créer des images qui vont être vues par plein de monde quand on y réfléchit. »
En parcourant ses illustrations, on repère rapidement de nombreux projets autour de l’écologie, et un souci de diversifier les représentations, comme dans les Amours Vagabondes, avec un couple d’amoureuses. Ou encore féministes, avec plusieurs portraits de femmes entrepreneures, et un livret élaboré avec des élèves de CM1 lors d’un atelier sur l’égalité fille-garçon.
« Je trouve ça très important de pouvoir représenter des personnes qui sont parfois discriminées ou invisibilisées aujourd’hui en France. Ça demande de faire attention aussi à ne pas tomber dans des stéréotypes […]. Il y a des commandes pour lesquelles c’était très naturel d’amener ça dans mes images […], et en général je ne laisse jamais cette question de côté, même si ce n’est pas une demande explicite de la part de mes commanditaires ».
Elle rajoute se renseigner énormément sur ces sujets, à travers lectures et podcasts (tels que : Les Couilles sur la table, Yesss, Kiffe ta race, etc) ; et dit s’ « amuser à renverser les stéréotypes de genre » en dessinant, comme personnages, « des femmes plutôt actives ».
Des goûts et des Colors
Mais Léonie Koelsch, ce n’est pas qu’un message, c’est aussi une patte. Un style faussement naïf, des aplats de couleurs vives qui claquent, et des motifs rappelant par moments le style Memphis des années 80. La couleur, elle le dit, « c’est quelque chose qui définit vraiment [s]on travail ». De sa pratique du design ressort un goût et une maîtrise de la composition, des formes, et quelque chose de très graphique.
Créant ses images à la gouache « avec parfois du collage de papier texturé, [elle s’]éclate à créer des palettes de couleurs et à peindre pendant des heures entières ». Elle s’inspire de ce qui l’entoure : de ses voyages, de la nature, « et parfois, ce sont des images qui [lui] viennent à l’esprit à des moments incongrus » ; et se partage entre commandes et projets persos.
Et côté projets, et pas des moindres : la fameuse collab’ avec Colors, qui l’amène à customiser nos rues. En juin, elle peint un premier boîtier électrique vers l’écoquartier du Danube, et ce dimanche, un deuxième à Schiltigheim lors des Journées du Patrimoine. « C’est vraiment des moments de partage avec les passant-e-s qui viennent échanger avec moi et qui sont très content-e-s d’avoir un peu de couleur dans le quartier ».
Sans compter des couv’ et illus pour de la presse (Coze, Bibouilles, Milk, Les Échos), et une envie d’illustrer des affiches pour des événements culturels. Elle me confesse aussi être sur un projet dans l’édition, mais chut… Affaire à suivre. Et de très près.