Dans un monde où circule des informations toujours plus restrictives et en plein cœur d’une situation globale anxiogène, on a tous besoin de bulles d’air. D’apprendre de bonnes nouvelles. De découvrir de belles histoires. Et justement, aujourd’hui, installez-vous bien dans vos fauteuils, avec un plaid et un petit thé, écoutez la pluie tomber sur vos fenêtres et laissez nous vous compter l’histoire pas banale d’une carte postale strasbourgeoise.
C’est avec ce tweet que tout a commencé. Le 8 août dernier, Géraud Lebrument a lancé une bouteille à la mer pour tenter de retrouver les descendants des destinataires de cette carte postale de la cathédrale, qu’il a reçue pour ses 30 ans. Passionné par les petites histoires, il a créé l’engouement sur les réseaux sociaux en menant l’enquête, réunissant autour de lui beaucoup de personnes passionnées qui se sont prises au jeu.
Une carte postale représentant Môman
Comme toujours avec les belles histoires, il faut repartir à l’essentiel. Pour Strasbourg, impossible d’imaginer l’histoire de la ville sans cette cathédrale qui fait notre fierté et qui est si belle à regarder. Cette carte postale représente en effet notre Môman dans toute sa splendeur, comme nous l’explique Géraud : « Cette carte représente une photo du massif occidental de la Cathédrale de Strasbourg, c’est-à-dire la façade principale, avec la grande rose. Elle a été prise depuis un appartement au 3ème étage dans l’axe de la rue Mercière. Le cliché est en noir et blanc, avec pour seules inscriptions Strasbourg et Strassburg, rappelant par la même occasion l’Histoire franco-allemande de l’Alsace. »
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Ça c’est pour le recto. Pour le verso, on se trouve moins dans le récit que dans le concis. Cinq mots, et pas de piano. Mais il y a une raison à cela, comme le précise Géraud : « Ces cinq mots étaient « le 22 août 1920, Signature” et bien évidemment les coordonnées postales des destinataires… Pas très bavard le garçon, ce qui paraît énigmatique au premier abord, mais qui s’explique par le fait qu’à l’époque l’État français permettait d’affranchir un courrier pour 0,05F (au lieu de 0,15F) s’il y avait moins de six mots. Même le meilleur des twittos n’arriverait pas à une telle concision ! »
L’envie de recréer une belle histoire à travers les réseaux sociaux
La cathédrale en carte postale, c’est déjà pas mal. 100 ans d’histoire, cela rajoute du cachet. Et avec un côté rétro qui revient à la mode, on a déjà un joli objet. C’est d’ailleurs ce qui a motivé Géraud, qui a voulu partager son cadeau d’anniversaire avec les réseaux sociaux : « Cette carte était bien trop belle pour que j’en conserve l’exclusivité ! Les réseaux sociaux sont de merveilleux outils de partage, avant d’être des repaires de passionnés en tout genre, d’architecture, de généalogie, d’Alsace, de photos historiques… Et même de cartes postales anciennes, bingo ! »
Une histoire qu’aurait bien aimé vivre Géraud lui-même : « En découvrant cette écriture manuscrite, je me suis dit que j’aurais adoré qu’un internaute retrouve une carte du Mont Saint-Michel (au hasard, je suis moitié breton, moitié normand…) envoyée à mes arrière-arrière-arrière-arrière-grands-parents. On a quand même remonté (redescendu en fait) sept générations [avec cette enquête menée autour de ma carte postale] ! »
La volonté des gens à partager et à créer
Si la carte postale est belle en elle-même, son histoire l’est encore plus grâce aux gens qui se sont investis, pris au jeu et qui ont participé à l’aventure : « Au départ, il a fallu compter sur les fidèles partages de mes abonnés. Puis c’était sans compter sur le fait que le twittos est en général un spécimen joueur, et ce “défi” (retrouver les descendants du couple destinataire) posté à quelques jours du centenaire de la carte postale a suffi à donner du sens à ce mois d’août. »
Une fois que la machine était lancée, plus rien n’a pu l’arrêter : « Il n’a fallu que 3 heures d’un samedi après-midi pour identifier de façon précise le couple destinataire ! S’en est suivie la première vingtaine de leurs descendants dès le lendemain, plus de 45 le surlendemain… » Une mobilisation qui a surpris Géraud, bien qu’il soit spécialiste des réseaux sociaux : « Je ne savais pas vraiment où cette bouteille à la mer nous porterait… Je ne m’attendais pas non plus à ce que des personnes âgées du Calvados créent un compte Twitter spécialement pour me contacter (suite à une des parutions dans la presse nationale papier), ni que des petits enfants de personnes ayant habité “la fameuse adresse” dans les années 50 m’écrivent… »
Ils ont ainsi pu retrouver le Monsieur Marie du verso de la carte postale. Un homme du nom de François Marie, mari de Marie Marie – oui, oui, je sais -, né en 1848, ainsi que beaucoup de leurs descendants ! Avec toute cette enquête, c’est tout un arbre généalogique qui a été créé, ainsi qu’une vraie mine d’or pour les générations actuelles.
Une carte postale plutôt heureuse
Cette carte postale a donc bien vécu ces derniers temps. Après des années dans les cartons, elle a pu à nouveau goûter à la lumière des projecteurs : « Après avoir passé près de 100 ans dans un carton ou un grenier, cette carte postale vit aujourd’hui sa meilleure vie : passée à la télé, à la radio, dans un podcast, dans les colonnes de Ouest-France et le Parisien… Enfin, des personnes ayant le même nom de famille que les destinataires et étant originaires de la région s’y sont également intéressées et ont suivi “l’enquête” avec attention, espérant y trouver un ancêtre connu… » En outre, cet engouement a permis de compléter les archives numériques de l’Oeuvre Notre-Dame, ainsi que de situer dans le temps une période de travaux sur la grande rose. Quand la petite histoire s’imbrique dans la grande…
Tout ça donc grâce aux gens. Les personnes qui se sont investies venaient d’un peu tous les horizons, pour former l’équipe d’investigation la plus efficace depuis Le Club des 5 : « Les Sherlocks », ils sont retraité, institutrice, journaliste, archiviste… et ont réalisé un superbe travail de collecte, armés de leurs planches décennales, d’actes de naissance, mariage, décès, et autres documents officiels tels que les fichiers de recensement, les états de services militaires… ils avaient réponse à tout ! Ou presque, on cherche toujours l’expéditeur… »
À partir d’un simple tweet, c’est donc grâce aux gens que l’enquête a pu se mener. Des personnes qui viennent de tous les horizons, qui se sont retrouvés autour d’une belle histoire et d’une passion. Personnellement, en ce moment, ce type d’histoires, je veux en voir tous les jours ! Et la bonne nouvelle, c’est qu’elle n’est pas finie, puisqu’il reste l’expéditeur à trouver. Alors à vos loupes et vos claviers, l’histoire n’est pas encore terminée !