Le confinement apporte son lot de belles surprises : la faune et la flore reprennent peu à peu leurs droits, la planète respire un peu mieux. Mais dans nos intérieurs, au coeur de notre nouvelle vie, de belles surprises encore plus inattendues surgissent elles aussi. On apprend à vivre entre quatre murs, on pose un regard plus tendre sur le monde qui nous entoure et ceux qui en font partie. On met en place de petits gestes, on essaye de faire partie d’un tout, on recherche l’harmonie. Les événement actuels nous poussant, aussi, à nous remettre en question. On découvre des petits bonheurs simples que l’on oublie parfois d’observer lorsque l’on vie en communauté. Chez moi, depuis le confinement, ce sont mes colocs Théo et Tim qui m’ont discrètement fait comprendre que je ratais l’essentiel en étant trop solitaire : une forme de camaraderie.
Une colocation comme les autres (ou presque)
Nous habitons du coté de la Petite France. Depuis notre balcon, la rue est déserte, nous entendons l’eau ruisseler sous le pont des anciennes glacières. C’est de ce bout de béton surélevé que les passants nous prennent parfois en photo. Trois rigolos mal coiffés qui s’entassent sur un balcon de 2m carré pour prendre le soleil, ça doit les faire marrer. Nous avons chacun notre petit nid perso, une chambre sans clé bien-sûr, et un salon avec l’essentiel. Rien de particulier sous le soleil, une coloc tout à fait comme les autres.
En somme une coloc de trois types plutôt simples qui ont entre 27 et 32 ans située au milieu d’un quartier charmant.
Les vrais éléments qui rendent ce foyer si confortable, ce sont leurs vieilles tronches :
Un groupe tout d’abord scindé en deux
Solitaire, un peu ronchon, assez critique, toujours trop pressé, je suis un bon gros casse couilles d’une rare qualité. Au départ, pas vraiment le coloc idéal. Pas de problème de socialisation particulier mais j’ai toujours bien aimé qu’on me foute la paix. Le problème quand tu as trop souvent envie qu’on te laisse tranquille, c’est que tu commences à t’isoler, et dans une coloc de trois, tu as vite fait d’être écarté. Alors deux groupes se sont naturellement formés. Eux et moi.
Le confinement n’allait pas tarder à me donner une leçon. En fait ce sont ces deux mecs qui vivaient sous mon toit qui m’ont discrètement balancé de petits indices pour je comprenne à quel point j’étais en train de tout rater.
Tout rater ?
Des petits dej organisés qui ressemblent à des brunchs à 40 balles par tronche, des concerts aux fenêtres, des tartes aux pommes honteuses, des paires de chaussettes insultantes de laideur, des fous rire en jouant à des jeux puérils, des mélanges de bouffe chelous qui fonctionnent, la moustache de Tom, des blagues trop chou, des shots matinaux détox…
…des joints pas assumés, des pas de danse, des crêpes sur des chaises, les avis plus que tranchés de Théo, la voisine en crise de nerfs, des mots inventés, une peinture ignoble, une passion étrange pour la fleur d’oranger, notre bouteille-poisson, les cris, des applaudissements quand Thomas dort 15 heures et qu’il demande au réveil quel jour on est, de mauvaises imitations, un saxophone hurlant, des banquets improvisés et beaucoup, beaucoup de sourires.
En gros que des bon vieux trucs qui font sourire le gosse que je suis.
Alors oui, j’étais en train de tout rater.
Un besoin d’adaptation, un groupe à intégrer
Théo et Tim (on dirait un titre à la “Olive et Tom”) se sont tout de suite bien entendus, instantanément. Il n’a fallu que quelques jours pour qu’ils se fassent des repas en amoureux, des parties de consoles trop mignonnes et des matchs de basket endiablés. De mon coté, je ne me mélangeais que très rarement à leur duo. Ni pour manger, ni pour regarder un film et encore moins pour jouer à la console que je ne sais même pas allumer.
Non pas parce que je n’en avais pas envie, mais pour ne pas m’imposer, ne pas troubler leur équilibre ou tout un tas d’autres excuses à la con. En fait je n’avais aucune raison valable, aucune réelle explication. Je me disais que ce n’était pas mon truc, voilà tout.
Alors peu à peu je me suis isolé pendant que Théo et Thom s’amusaient. Au fil du temps je me suis auto-rejeté. Je me complaisais dans ma solitude sans vraiment comprendre qu’elle était la source d’une certaine morosité en rentrant chez moi, le soir après le boulot. Un sentiment qui prenait le dessus. Et puis, un jour de mars, après une journée normale, loin de mes colocs, j’apprenais comme des millions de Français que j’allais être confiné.
Une adaptation forcée, une nouvelle réalité
Les premiers jours du confinement je vaquais à mes fausses occupations de mec vexé de ne pas être dans un groupe duquel il s’était éloigné. Une logique proche de zéro. Il était devenu routinier de manger avant ou après eux, de regarder une série sous mes draps plutôt qu’à leur coté. Mais le confinement s’est durci, plus aucune excuse de m’isoler, de sortir voir les copains, plus aucun moyen de m’échapper. Alors j’ai lâché du lest et ouvert mes chakras tout bouchés. Rien que d’y penser je me fatigue.
Thomas n’avait jamais lâché l’idée de nous voir en symbiose, mais là il a passé la seconde pour intégrer le bougon que j’étais. Toujours souriant, toujours positif, il me sollicitait discrètement, encore et encore. Pour préparer un repas tous ensemble, jouer aux cartes ou participer à un jeu qu’il avait inventé… Il ne manquait pas d’imagination. Un vrai grand frère un peu espiègle et rempli à 95 % de bienveillance, les 5 % restant étant de la bière chaude, c’est dire si il est rassurant en toutes circonstances.
Un mot doux par là, un appel à participer par ici, peu à peu je me suis ouvert à eux, de manière simple, juste en étant moins con. Avec Théo et son rire affligeant et ses bonnes idées ils ont formé un duo dans lequel je commençais à me sentir bien, j’étais enfin vraiment chez moi. C’était il y a seulement quelques jours mais cela a déjà tout changé.
Un changement sorti des confins du confinement
Thomas et Théo, avec leurs qualités et leurs jolis défauts, ont réussi à me donner la dose quotidienne de candeur, de bêtise et de convivialité dont j’ai besoin et que j’avais balayé sous mon lit en pensant être un adulte. Désormais, lorsque ces deux là sont ivres à 2h du mat et qu’ils gueulent comme des ados je me retourne PRESQUE dans mon lit avec le sourire, en me disant que je passerai sûrement un bon moment avec eux. Chose surprenante, avant je me serai juste endormi avec le seum.
Désormais, comme une coloc normale, on fait un millier de trucs ensemble et surtout : on se soutient, on trouve les mots, on se stabilise. Même si notre intimité propre, nos vies et notre passé sont encore pleins de secrets, pour les uns comme pour les autres, nous commençons à nous dévoiler doucement. On parle de nos amours, de nos doutes, d’une partie de nos soucis, même si certains ont plus de mal à se dévoiler. La machine est lancée, forcément quand tu nettoies tous ensemble une cuisine aussi épave que la notre ça rapproche.
Nous empruntons donc la bonne voie, celle qui permet d’accepter les différences des autres et d’en faire une plue-value, une force presque communautaire. Et c’est en voyant Thom sourire en toutes circonstances, trouver les compromis quand Théo râle, sourire quand je grogne, que j’ai compris ma bêtise. Lorsqu’en pleine galère on te souri et qu’on te tape sur l’épaule en te glissant un mot doux tu te dis : mais pourquoi je ne deviendrai pas un peu plus positif, un peu plus humain, un peu plus altruiste.
Désormais nous ne sommes plus eux + moi, mais nous sommes bel et bien 3, et on prend même les expressions des autres, si c’est pas trop mignon. Même nos plantes ont kiffé la nouvelle ambiance générale. Ces deux bons vieux enfoirés m’ont poussé en avant, ils ont transformé mon hôtel particulier en joyeuse colonie de vacances dans laquelle j’ai envie de rester.
Voilà, j’avais envie de vous raconter ce petit bout de vie entre quatre murs. Et vous, c’est quoi votre belle histoire de confinement ?