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Rencontre avec Daniel, le pasteur de l’église la plus audacieuse et inclusive de Strasbourg

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Strasbourg regorge de personnalités inspirantes, parfois méconnues du grand public, mais qui ont des parcours fascinants à partager. Parmi elles, Daniel Boessenbacher, pasteur de la paroisse protestante Saint-Guillaume, un lieu réputé pour son ouverture d’esprit et son engagement culturel. Pour en savoir plus sur la vision qui anime ce lieu, nous sommes allé(e)s à sa rencontre.

Daniel Boessenbacher a grandi à Kolbsheim, un petit village alsacien situé à une quinzaine de kilomètres de Strasbourg. Loin d’être attiré par la ville, il n’aurait jamais imaginé officier un jour dans l’une des églises les plus emblématiques du centre-ville strasbourgeois. Pourtant, sa vocation s’est dessinée très tôt : « Je me souviens avoir dit à mes parents que je voulais devenir pasteur quand j’avais cinq ou six ans. » Une certitude née de son enfance, rythmée par l’école du dimanche, les histoires bibliques, le catéchisme et les cultes hebdomadaires.

église saint guillaume
© Tiphaine Rabolt / Pokaa

Issu d’un foyer modeste et heureux, il évoque avec tendresse son père, employé du gaz à Strasbourg, et sa mère, aux multiples casquettes : secrétaire, salariée pour un producteur de pommes, puis femme au foyer. Elle s’impliquait également activement dans une paroisse en tant que conseillère presbytérale, « une sorte de conseil municipal, mais pour l’église », précise-t-il.

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Après son baccalauréat, il entame naturellement des études de théologie et devient vicaire en 1992. Deux ans plus tard, il obtient son premier poste à Fénétrange, en Moselle. « C’était une paroisse plutôt charismatique, qui mettait l’accent sur le Saint-Esprit, les miracles et les prophéties. » Il y restera 16 ans, la durée maximale à l’époque, avant de poursuivre son activité à Westhoffen pendant 11 ans. En 2021, il rejoint finalement l’église Saint-Guillaume.

Cette décision mûrement réfléchie s’est présentée à lui après une formation au nom évocateur : « Pasteur, posture ou imposture ? » Un programme destiné à interroger les motivations profondes des pasteur(e)s. « À un moment donné, il fallait résumer en un mot ce qui nous anime. Pour moi, c’était l’ouverture. » Un concept qu’il retrouvait pleinement incarné dans la paroisse Saint-Guillaume, bien qu’il n’y ait jamais mis les pieds avant. « De loin, elle incarnait cette ouverture, notamment avec son antenne inclusive. »

Saint-Guillaume, une église porteuse d’une mission

Pour Daniel Boessenbacher, la mission de Saint-Guillaume repose sur un principe fondamental : accueillir toutes les personnes, quelles qu’elles soient. Plus qu’un simple lieu de culte, l’église s’est imposée au fil des années comme un espace d’échange, de dialogue interreligieux et de culture.

Une évolution qui s’est notamment concrétisée avec la création de l’Antenne Inclusive, née en 2013 dans le contexte du débat autour de la loi du mariage pour tous. « Ce que beaucoup de personnes ne savent pas encore, même si on le redit régulièrement, c’est que l’Antenne Inclusive n’est pas une association extérieure qui utilise l’église, mais bien une partie intégrante de la paroisse depuis 2016. »

L’objectif de cette antenne est de favoriser le dialogue interreligieux. « Nous organisons une rencontre par mois pour tous ceux qui ont envie de parler, et nous veillons à ce qu’au moins une fois par an, une personne d’origine musulmane, juive ou catholique soit invitée à ces échanges », explique-t-il.

L’aspect culturel, quant à lui, s’est renforcé grâce à l’association Passions Croisées, qui a introduit des animations artistiques variées au sein de l’église. « Il y avait déjà des concerts auparavant, mais essentiellement de musique plus classique, celle que l’on attend habituellement dans un lieu de culte. Passions Croisées a voulu aller plus loin en mêlant les arts : musique et danse, musique et peinture… »

église saint guillaume
© Tiphaine Rabolt / Pokaa

Ces initiatives s’inscrivent dans une volonté profonde d’ouverture et de rencontre. Daniel Boessenbacher fait d’ailleurs le parallèle avec une action qu’il avait menée par le passé : « De la cloche à la sonnette ». « Nous avions réalisé qu’il ne suffisait plus de faire sonner les cloches le dimanche matin pour attirer les fidèles. Notre action œcuménique avec un groupe de pasteurs, de prêtres et de laïcs, consistait alors à aller directement à la rencontre des habitants. Nous avions envoyé un courrier pour prévenir les gens que nous viendrions frapper à leur porte pour les rencontrer, là où ils sont », se souvient-il.

À Saint-Guillaume, la démarche est similaire, mais au lieu d’un déplacement géographique, c’est à travers la culture et la musique que l’Église va à la rencontre des gens. En s’adressant à leurs centres d’intérêt et en proposant un espace où croyant(e)s et non-croyant(e)s peuvent se retrouver, la paroisse incarne une Église vivante, ancrée dans son époque et résolument tournée vers l’autre.

Une programmation culturelle audacieuse et inclusive

Un concert exceptionnel de Roberto Alagna, un défilé de mode signé Victor Weinsanto, ou encore la récente représentation de Roméo et Juliette, organisée dans le cadre du festival Strasbourg mon amour : l’église Saint-Guillaume accueille non seulement des événements inattendus, mais aussi des propositions inédites, qui émerveillent autant qu’elles interpellent. 

Par exemple, elle a ainsi accueilli le cabaret de drag queens Les Douze Travelos d’Hercule, et un spectacle consacré à la mort du Christ, mêlant chant lyrique, arts du cirque et pole dance. Ce dernier a suscité de vives réactions. D’un côté, la performance a profondément touché certain(e)s spectateurs/rices. Daniel Boessenbacher raconte notamment l’expérience d’une conseillère presbytérale, initialement sceptique, qui a été bouleversée par la mise en scène :

« Elle ne savait pas ce qu’était la pole dance. Quand elle a vu l’affiche avec le danseur peu vêtu, elle était hésitante, mais elle est venue malgré tout. Après le spectacle, elle m’a confié qu’elle en avait eu la chair de poule. Elle avait trouvé cela beau, profondément émouvant. Le « Stabat Mater » raconte la mort du Christ, et ce danseur incarnait, d’une certaine manière, cette souffrance. Lorsqu’il meurt et se retrouve dans les bras de Marie, représentée par la chanteuse, cela devient une image puissante. Nous avons beau lire la crucifixion des dizaines de fois dans la Bible, voir cette scène incarnée sous ses yeux lui a donné une toute autre intensité. »

Mais si certain(e)s ont été bouleversé(e)s par cette représentation, d’autres y ont vu un affront inacceptable. La présence d’un numéro de pole dance dans un lieu religieux a déclenché une vague d’indignation, allant jusqu’à des menaces de mort contre la paroisse.

Face à ces attaques, Daniel Boessenbacher et son équipe ont fait le choix de ne pas reculer. « Oui, sur le coup, cela a été un choc. Mais nous avons décidé, avec la paroisse, de continuer malgré tout. Pour moi, c’est même une question de fidélité à l’esprit du protestantisme : chacun lit la Bible et l’interprète. Mais, lorsque je la lis, je vois un Christ qui va vers les exclus, vers ceux que la société rejette. Alors, il est évident que nous devons continuer à proposer des événements qui parlent à tous, y compris à ceux qui ne se sentent pas toujours les bienvenus ailleurs. »

Loin de se cantonner à une vision figée de la foi, Saint-Guillaume fait le pari d’un christianisme vivant, en prise avec son époque. À travers l’art, elle ouvre des espaces de réflexion et d’émotion, offrant à chacun(e) la possibilité de (re)découvrir la spiritualité sous un nouveau jour.

église saint guillaume
© Tiphaine Rabolt / Pokaa

Notre échange avec Daniel Boessenbacher nous a profondément marqué(e)s. À travers son engagement, il incarne une vision de l’Église ouverte, où la foi se nourrit du dialogue, de l’art et de l’inclusion. Son parcours, son regard sur le rôle du protestantisme aujourd’hui et sa volonté d’accueillir chacun(e) sans distinction font de lui une personnalité inspirante.

En repartant, une certitude demeure : au-delà des controverses et des débats, cette paroisse prouve qu’une église peut être un lieu de rencontre et d’émotion, où l’art et la foi s’entrelacent pour être en lien avec notre époque.

 

Rédactrice : Tiphaine Rabolt

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