Grimpette, flânerie, pogos, headbang et lever de coude… Pour sa 30ᵉ édition, le festival Décibulles a fait vibrer les hauteurs de la vallée de Villé, à 45 minutes de Strasbourg. Rendez-vous incontournable du cœur de l’été, l’événement a attiré plus de 30.000 festivaliers/ères. Nous y étions !
Chaque année, le même pèlerinage. Descendre la route de Neuve-Église le long des prés, au son des basses répercutées par le relief. Voir les visages pailletés se multiplier à mesure que l’on approche. Traverser la route entre deux navettes déversant leur flot de festivaliers/ères et s’arrêter quelques secondes devant le « Décibulles » en grandes lettres de bois. S’étirer les zygomatiques et se préparer à grimper.
Une petite ascension attend les festivaliers/ères le long du célèbre camping en pente. La foule papote, souffle ou peste selon que le sentier se fait plus ou moins raide. « Vous ne voulez pas ralentir ? » « Attends, je vais faire une pause là. » « Il faut que j’arrête de fumer moi… » Mais à l’arrivée, tout le monde ralentit le pas pour profiter du panorama. Bienvenue au Chena pour trois jours de festival avec vue.
« C’est une soirée où on se fait plaisir »
En ce début de vendredi soir, le site est encore calme. Une petite foule écoute l’électro rythmé de Clément Visage devant la grande scène sans se soucier de la pluie qui tombe dru par moment. D’autres s’abritent sous les arbres au milieu du site. Festivalière en carton-pâte, j’ai oublié ma cape de pluie et je me vois donc contrainte de faire de même, le temps de décider où boire une mousse.
Chez Régine, Chez Gilles, Chez Lulu ou à l’Atypique ? Ce ne sont pas les bars qui manquent au Chena et chacun possède sa propre sélection de breuvages houblonnés issus des brasseries locales.
« C’est bizarre, on est aux Décibulles et on n’a pas de bières dans les mains… » À côté de moi, Jérôme et Julien viennent de dire tout haut ce que je pensais tout bas. Originaires « du coin », les deux amis ne comptent plus leurs participations aux Décibulles. « Ça fait au moins 10 éditions que je viens, juge Julien. C’est un peu le rendez-vous de l’année. »
Le quadragénaire prend ses places les yeux fermés. « La programmation, je m’en bats les steaks, sourit-il. Ce qui me plait, c’est l’ambiance et le lieu. Tout est sympa. C’est une soirée où on se fait plaisir. »
Avec désormais une bière en main, me voici en chemin pour la grande scène, le nez sur le programme du festival. Lesram ? Je ne connais pas. Le hip-hop ? Pas forcément mon truc. Mais quelques mesures plus tard, me voilà en train de bouger avec la foule sur des morceaux aussi bien rythmés que bien rimés. C’est aussi ça, les Décibulles : des découvertes et des coups de cœur sur des styles qu’on ne serait pas allé écouter.
Se libérer l’esprit et « décompresser »
Nouvelle averse. Nouvel arrêt sous les arbres. Indifférentes à la pluie grâce à de belles capes étanches, Luce et Christelle discutent un verre à la main. C’est la deuxième fois que les deux femmes viennent aux Décibulles.
« Le cadre est super joli, c’est bien organisé, les bénévoles sont de la vallée et ils font une très bonne communication sur les réseaux sociaux, se réjouit Luce. J’ai entendu parler du festival pendant des années sans jamais venir et ce sont finalement mes enfants qui me l’ont fait découvrir. » Cette année, la quadragénaire est venue voir Archive et Mass Hysteria. « Gazo, c’est plus parce que mes enfants l’écoutent. »
Bien qu’elle habite plus près du site que son amie, Christelle a, elle aussi, mis du temps à venir au Chena. « La première fois, je suis venue pour accompagner ma fille. Mais cette année, je viens un peu pour me libérer l’esprit et décompresser. »
Petite scène et grands frissons
Nouveau passage par la grande scène pour écouter la pop de Charlotte Cardin et me voilà en route pour le kiosque. Cette année, la petite scène des Décibulles a pris ses quartiers en contrebas des stands de restauration pour offrir davantage d’espace à son public. Ainsi qu’une vue à couper le souffle sur l’autre versant de la vallée. En plus, le kiosque, c’est LA scène découverte du festival.
C’est sur cette petite scène, initialement située au milieu des bars en haut du site, que j’ai découvert Ouais Stephane, Mss Frnce ou encore Johnnie Carwash lors des dernières éditions. Ce soir, je suis venue jeter une oreille au rock belge de Gros Cœur. Dès les premières mesures, le public est conquis et moi aussi. La tête dans les enceintes au premier rang, nous sommes plusieurs à ne pas voir les pogos arriver jusqu’à nous, avant qu’ils nous tombent dessus.
Après une grosse demi-heure de danse endiablée, la foule se disperse, souriante. « C’est nul, ils ont mis une crash barrière cette année : on n’a plus aucune chance de tomber sur la scène avec les pogos », sourit Max, un de mes voisins de concert. Le Strasbourgeois fait partie des habitué(e)s du festival. « Ça fait six ou sept ans que je viens. J’aime le fait que ce soit à taille humaine. Une fois qu’on a fait les 2 ou 3 allers-retours pour amener les tentes au camping, tout est proche. C’est appréciable. »
Tous les ans, le festivalier retrouve des ami(e)s aux Décibulles. « S’ils ne venaient pas, je viendrais quand même. Mais il y a quand même une petite excitation à se retrouver tous ensemble. » Sans oublier de profiter de l’ambiance du camping où les initié(e)s savent trouver des emplacements sans trop de pente.
Les soirées Décibulles se suivent et ne se ressemblent pas. Parfois, les discussions et les apéros sans fin gardent les festivaliers/ères au camping sans regret. Parfois, c’est la petite scène qui aimante les mélomanes. « On sait qu’on va y découvrir des pépites, sourit Strasbourgeois, qui a déjà fait l’impasse sur toutes les têtes d’affiches pour dodeliner de la tête et des épaules dans la foule du kiosque toute la nuit.
Déjà 30 ans
Samedi, 19h. Ce sont les paroles de Georgio qui me guident vers la grande scène au début de la seconde journée du festival. Décidément, il n’y a qu’aux Décibulles que je me laisse embarquer pour une heure de hip-hop avec le sourire avant d’actualiser ma playlist de favoris sur le chemin des bars.
Cette fois-ci, il y a foule sur le site. Les arbres et les totems deviennent des points de repère pour celles et ceux qui cherchent leurs ami(e)s. D’autres ont opté pour l’option ballons reconnaissables avec motifs. Une main imprudente laisse échapper une cerise rouge alors que l’orange et le brocoli viennent tout juste de réunir la petite troupe. « Et comment on va faire maintenant ? »
Avant les grandes têtes d’affiches, je fais un saut au « musée » installé à côté du kiosque cette année pour célébrer la 30ᵉ édition du festival. Une longue file d’attente fait concurrence au public du spectacle en cours. Des bénévoles, pour beaucoup. Des habitant(e)s de la vallée ayant vu ce petit festival devenir grand, aussi.
Le circuit propose aux visiteurs/ses de revoir toutes les affiches de l’événement. Sur les premiers visuels, on annonce de la bière et du rock. Un peu plus loin, des films reviennent sur la genèse du projet, imaginé par une bande d’amis en 1992.
Trente-deux ans plus tard, les Décibulles se sont fait un nom en Alsace : 84,2% des visiteurs/ses sont originaires du Bas-Rhin ou du Haut-Rhin, selon les chiffres donnés en fin de parcours. De plus, 29% des festivaliers/ières dorment au camping et 71% du public a moins de 35 ans. En moyenne, chaque visiteur/ses participe à quatre éditions.
À l’extérieur, un film revient en image sur toutes les éditions de l’événement. Plus ou moins pluvieuses. Plus ou moins boueuses. Toujours aussi festives.
Je le regarde depuis une des longues tables installées près des stands de restauration. Un petit croc dans l’une des célèbres crêpes de festival et il est temps de retourner vers la grande scène. Se laisser hypnotiser par le rock d’Archive, taper du pied sur Mass Hysteria et danser les yeux clos sur Irène Drésel. Redescendre ? On verra plus tard.