Dans les collèges strasbourgeois, une cinquantaine de logements de fonction sont inutilisés. Un collectif citoyen demande à la Collectivité européenne d’Alsace (CeA) de les mettre à disposition des familles des élèves qui dorment dehors.
Ils ont l’âge de l’insouciance et pourtant, ils connaissent déjà la dureté de la vie à la rue. À Strasbourg, les associations estiment qu’une centaine d’enfants dorment tous les soirs dans des tentes ou des voitures. Depuis plusieurs années, le personnel éducatif du collège Lezay Marnésia observe l’augmentation de ce phénomène.
Cette année, dans l’établissement scolaire installé à la Meinau, quatre familles d’élèves se sont retrouvées à la rue. Les enseignant(e), rassemblé(e)s dans un collectif citoyen, demandent à la Collectivité européenne d’Alsace (CeA) d’agir en mettant à la disposition de ces familles les logements de fonction inoccupés des collèges.
« On a honte de notre situation »
Mercredi 3 juillet, 8 heures, devant le siège de la CeA à Strasbourg. Une vingtaine de personnes sont rassemblées pour demander à la collectivité d’agir pour les élèves à la rue. Céline Balasse, professeure d’histoire-géographie au collège Lezay Marnésia explique leur démarche : « Cela fait quelques années que tous les ans, nous avons des élèves qui se retrouvent à la rue en cours d’année. On ne s’en rend pas compte tout de suite, car ils continuent de venir en cours normalement. Un jour, ils finissent par nous parler et on découvre qu’ils dorment dehors avec toute leur famille. »
Fatima* et ses filles sont à la rue depuis deux mois. Épuisée, la mère de famille décrit des conditions de vie difficiles dans une tente. « Je fais de mon mieux pour que mes filles restent à l’école, c’est important pour qu’elles aient une vie meilleure, mais dans ces conditions, c’est dur. C’est un combat de tous les jours. »
Pour pouvoir faire les devoirs, des enseignant(e)s leur ont donné une table, des chaises et les deux ados font de leur mieux pour ne pas décrocher. Pourtant, elles n’osent pas parler de leurs difficultés, même à leurs camarades, « on a honte de notre situation. »
Une interpellation citoyenne
Céline Balasse est révoltée par l’inaction des pouvoirs publics face à ces situations d’urgence : « Pour l’instant, ce sont seulement des associations qui nous aident à trouver des solutions pour les familles. » Avec ses collègues du collège, ils décident alors de se mobiliser.
Il existe dans les établissements scolaires des logements de fonctions, la plupart sont vides et pourraient servir à loger les familles en détresse. « Ces appartements sont destinés aux agents de la fonction publique, mais ils ont déjà été ouverts pour accueillir des réfugiés ukrainiens ou des élèves de Polytechnique venus en stage. C’est donc possible de loger les familles de nos élèves dedans. »
Le personnel éducatif se tourne alors vers la CeA, propriétaire des logements de fonction : « On a envoyé un courrier en décembre et nous n’avons pas eu de réponse. » Finalement, le collectif vient de déposer une interpellation citoyenne sur le site de démocratie participative de la collectivité. « On a deux mois pour recueillir 2.000 signatures de citoyens alsaciens de plus de 16 ans. Si on atteint cet objectif, notre proposition sera discutée par les élus. »
« Techniquement, c'est faisable. Il n’y a aucune raison qu’ils ne le fassent pas »
Élu d’opposition à la Collectivité européenne d’Alsace, Florian Kobryn soutient la démarche du collectif citoyen : « la collectivité dispose de 150 logements de ce type, dont une cinquantaine à Strasbourg. Ils pourraient être utilisés en priorité pour ces familles. » Pour lui, il est important que l’institution se saisisse de cette proposition, « depuis 2014, le département ne s’occupe plus d’hébergement d’urgence. L’État et l’Eurométropole agissent, la CeA devrait, elle aussi, prendre sa part. »
« Techniquement, c’est faisable. Il n’y a aucune raison qu’ils ne le fassent pas », explique Céline Balasse. D’autant que la mesure ne devrait pas peser sur les finances de la collectivité. « La CeA a eu un excédent budgétaire de 260 millions d’euros en 2022. Ils sont économes, mais nous, on ne veut pas des gens économes, on veut des gens qui gèrent les problèmes quand ils sont là. » Avant d’ajouter, « Cette interpellation citoyenne, ce n’est qu’un début, parce qu’on ne va pas s’arrêter ! »
Pour signer l’interpellation citoyenne et demander aux élus de la Collectivité européenne d’Alsace d’envisager la mise à disposition des logements de fonction des collèges pour les familles sans abris, c’est ici.
* Le prénom a été modifié
Super initiative ! Je suis les résultats…