Il y a un peu plus d’un an, dans un article dédié aux artistes alsaciennes hip-hop à suivre absolument, nous vous faisions découvrir la strasbourgeoise Yend, une rappeuse aux sonorités colorées et uniques sur la scène locale. Et on peut dire que nous avons eu le nez fin, puisque depuis, elle a fini lauréate du concours Buzz Booster, et défend notre belle région en finale nationale à Lille, du 19 au 21 juin. Nous avons saisi l’occasion pour prendre de ses nouvelles, et parler plus amplement de sa musique et de ses ambitions.
D’abord, un petit rappel, pour celles et ceux qui ne connaissent pas le Buzz Booster. Depuis 2007, ce dispositif a pour vocation de valoriser la scène rap française, en accompagnant les artistes émergent(e)s dans les démarches de professionnalisation. Comment ? En dynamisant chaque carrière grâce à un réseau d’acteurs/rices du hip-hop.
C’est aussi, chaque année, de nombreux événements un peu partout en France, notamment dans le Grand Est, mais aussi, et surtout, un tremplin national. Des artistes sont sélectionné(e)s dans les 11 régions partenaires, et ils/elles s’affrontent pour déterminer qui seront celles et ceux qui partiront à Lille en finale nationale. Chacun(e) est là pour défendre son set, et remporter les 15.000 euros en plus de l’aide précédemment citée.
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Des influences multiples
Revenons à nos moutons. Yend est une artiste pluridisciplinaire et surtout « pluri-curieuse », qui a grandi entre Mulhouse et la Guadeloupe. Bercée par plusieurs musiques dans son enfance, ses influences sont diverses, et ont nourri son amour pour cet art : « Mon père m’a apporté les sonorités kompa, et beaucoup d’Henri Salvador, et ma mère de la musique antillaise […]. Vers 9-10 ans, mon grand frère, avec qui je passais beaucoup de temps, m’a apporté le côté hip-hop et le rap. Alors que ma sœur c’est le côté RnB avec Beyoncé. »
À côté de cela, Yend s’intéresse à tout style de musique, du rock au métal, en passant par l’électro. Mais un des moments décisifs dans l’écriture de son identité musicale, c’est lorsqu’à 13 ans, elle déménage en Guadeloupe, et trouve des modèles auxquels se référer : « Ça a été un changement d’ambiance complet. Il y avait beaucoup de dancehall. Ce sont des années qui ont été fondatrices, parce que dans ma négritude, on a dû tout refaire. Quand tu grandis en tant que fille noire en Alsace, t’as pas vraiment de représentation à laquelle te référer. »
Yend accumule et collectionne les sonorités dans sa tête, les fait se rencontrer, expérimente dans son coin, avant de se lancer définitivement en 2020, avec son morceau Billie Velour. La sauce prend rapidement, et c’est le début d’une belle aventure, qui n’était pas forcément au programme !
Passant aisément d’un style à un autre, Yend pioche à gauche à droite, assemble, joue avec sa voix et les mille et une textures de sa diction, sur des productions très dance qui donnent envie de se trémousser. Un subtil mélange de sonorités qui ne s’interdit rien, et explore toutes les richesses de la musique, sans se cantonner à un style :
« Je consomme beaucoup de musique. Et quand j’ai des sonorités qui me font battre le cœur, je me dis que c’est là qu’il faut que j’aille […] J’aime les belles choses, les beaux sons. Je ne connais pas de meilleure chose que de faire un beau son. Je vis pour ça. C’est génial quand je sors un morceau sur lequel je me suis fait confiance, et qu’il prend. »
« Les personnes qui doivent me trouver me trouveront »
À 25 ans, Yend veut prendre son temps dans la démarche de création de son identité artistique. Dans la vie, comme sur les réseaux sociaux, elle reste discrète, et observe. Quand elle se montre, c’est toujours de manière spontanée, sans artifices : « L’industrie n’est plus ce qu’elle était, avant il fallait créer du silence, alors qu’aujourd’hui, on ne peut plus se le permettre. Quitte à être là tout le temps, j’ai envie de me montrer comme je suis. »
« J’ai vécu deux ans à Paris, ce qui fait que je connais ce truc de m’as-tu-vu, de performer, de se faire voir avec telle personne parce que ça arrange bien. Je préfère avoir de bonnes personnes autour de moi, solides, quitte à ne pas être très populaire, mais au moins les personnes qui doivent me trouver me trouveront. J’ai pas envie d’être le genre d’artiste qui se retrouve avec un public difficile à assumer. J’ai pas envie de faire de la musique pour des gens avec qui je n’aurais pas envie de traîner. »
Au-delà de son authenticité qui a su toucher son public, Yend a réussi à se faire une place dans le paysage du hip-hop national grâce à son tempérament de feu. Yend c’est de l’eau qui dort. Une apparence sereine, très calme, qui cache une travailleuse acharnée, qui se donne les moyens de réussir, et qui n’a pas peur de dépasser ses limites.
C’est dans cet objectif qu’elle s’est laissé convaincre par un proche de s’inscrire au tremplin du Buzz Booster : « J’ai envoyé ma candidature, et je l’ai complètement oubliée. Un jour, j’ai reçu un message pour me prévenir que j’avais été pré-sélectionnée… Ça tombait bien, parce que ça arrivait à un moment de ma vie où j’hésitais à arrêter la musique, car elle était devenue une contrainte. Je ne prenais plus de plaisir à écrire, et je me disais que si je n’arrivais plus à écrire, ça ne servait à rien… Mais quand j’ai été sélectionnée, je me suis dit qu’il y avait un truc sérieux à exploiter. »
C’est alors que commence un long travail de préparation, à coup de résidences et de répétitions, qui selon ses dires lui ont vidé toute son énergie, à tel point que la veille de la demi-finale, elle a failli tout arrêter. Encouragée par sa maman, qui lui a donné de la force, et lui a demandé de s’accrocher encore un tout petit peu, elle est finalement montée sur scène pour la demi-finale à Reims, et a fini lauréate de la région Grand Est !
Strasbourg, capitale de l’épanouissement
Le Grand Est, c’est une région chère au cœur d’Yend. Parmi d’autres, Strasbourg est la ville dans laquelle elle se sent le mieux, et qui lui permet de s’épanouir dans sa vie personnelle et professionnelle. Arrivée en 2018, elle a commencé sa carrière avec une chronique radio, In The Bunker, chez RBS, la radio mythique strasbourgeoise.
En 2020, pour des raisons pros, et espérant booster sa carrière, elle déménage à Paris où elle connaît le fameux métro-boulot-dodo : « En novembre 2022, je me suis dit : je suis fatiguée. Je n’en peux plus de cette vie, de passer trois heures dans les transports… J’avais besoin d’un autre mode de vie. T’es devant un écran pendant des heures, t’es dans le métro, et tu passes des heures en souterrain. Tu passes d’endroit en endroit, même quand tu marches dans la rue t’es pressée. »
Après un passage de quelques mois en Guadeloupe, elle décide de revenir à Strasbourg, une ville où elle peut prendre le temps de mettre en place ses projets : « Je le vois bien, mes journées à Strasbourg n’ont rien à avoir avec celles de Paris. Ici, je peux faire plusieurs choses en prenant le temps. »
Envie de suivre ses aventures ? Vous pouvez la soutenir sur différentes plateformes en attendant la sortie de son album, qu’elle peaufine et travaille assidûment depuis plusieurs mois. Une sortie que l’artiste a hâte de partager avec son public, car elle décrit ce projet comme une œuvre à cœur ouvert, une manière de se livrer entièrement.
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