Le 22 avril 2024, Strasbourg devenait la capitale mondiale du livre. Pour l’occasion, nous sommes allés à la rencontre de l’Atelier Contreforme, installé à Wahlenheim, à 25 minutes de la capitale alsacienne. Une maison d’édition locale qui édite, conçoit graphiquement et façonne ses propres livres. La fabrication de leurs petits bijoux littéraires est totalement artisanale, avec une grande dimension artistique et un sacré sens du détail !
En 2021, Sarah Wasser sort d’une école de communication et se met à travailler pour une start-up. Aurélien Mathern est alors designer graphique. Le couple n’est pas particulièrement emballé(e)s par ces professions, comme l’explique Aurélien : « Quand tu fais de la communication tu crées des images éphémères, qui ont un message qui est oublié 10 minutes après, c’est rien de réel, c’est juste pour vendre… »
Au début de l’année 2022, les deux quittent leur boulot pour créer la maison d’édition de leur rêve. L’objectif est de donner de la valeur à leur passion commune pour les bouquins. Sarah concède : « Tout part de moi qui avait envie de fabriquer des livres. »
L'histoire de l’Atelier Contreforme
Mais en réalité, ce projet de maison d’édition 100% alsacienne voit surtout le jour grâce à un échange, avant les démissions respectives. Aurélien raconte : « On a rencontré l’auteur Olivier Selig et ça nous a vraiment lancé. On a adoré le personnage, on a adoré le texte qu’il nous a présenté. On avait besoin de ça pour être convaincus et se lancer. On a donc réfléchi à créer un ouvrage avec lui. À partir de là, ça a commencé à se mettre en place tout doucement. »
C’est ainsi que naît le coffret Les vies dansent, un recueil de poésie en quatre livrets.
Une conception graphique moderne et épurée pensée par Aurélien, un façonnage aux petits oignons réalisé à la main par Sarah… toute la création est maîtrisée de A à Z.
Le duo propose un joli papier, une jolie reliure, un tirage limité à 100 exemplaires : « On en a fait que 100 parce qu’on était pas sûrs que ça allait marcher. »
Aujourd’hui Les vies dansent est en rupture de stock. Ça a donc marché ! Notamment grâce à un premier événement organisé au Social Bar de Strasbourg, en juin 2022, pour la sortie du coffret.
« On a invité plein de gens, c’était full, il y a des gens qui n’ont même pas pu rentrer », explique Sarah. Les stocks s’écoulent et les deux néo-éditeurs/rices prennent confiance, leur vision s’affine peu à peu, et s’affirme avec la sortie, à date, de sept nouveaux livres.
Des bouquins traités comme des bijoux, dispo près de chez nous
Deux collections distinctes ont été créées par l’Atelier Contreforme : la collection « Hors Normes », ce sont des recueils de poésie. Ces livres ont un format libre, ils peuvent être reliés avec des spirales, entourés d’un calque jaune, avoir une couverture luminescente… Tout est fait pour plonger le/la lecteur/rice dans l’univers du livre dès les premiers instants.
La deuxième collection, « Futurs », plus conventionnelle dans le format, et des récits qui donnent à voir des futurs positifs. Chaque livre est tiré à 500 exemplaires, tous numérotés. On vous invite à aller voir les bouquins sur leur site internet, ça vaut le détour !
Une quarantaine de librairies dans le Grand-Est distribuent les livres estampillés Contreforme. Dont six à Strasbourg et alentours : Quai des Brumes, Oiseau rare, Lignes de fuite, Chapitre 8, Gutenberg, Bouquinette. La recherche, le démarchage et la livraison de ces libraires, c’est aussi Sarah et Aurélien qui le font eux-mêmes.
« On imprimera jamais 10.000 exemplaires, c’est un travail totalement artisanal »
Avant d’arriver en librairie, tous ces livres, il faut bien les fabriquer ! Et c’est à Wahlenheim dans leur petit atelier que ça se passe.
Lorsqu’Aurélien nous fait le tour du lieu, il nous fait remarquer qu’il n’y a presque aucune prise électrique. De vieilles machines qui fonctionnent à la force des bras, pour faire les découpes, trier le papier, plier les pages du livre. Ce qui fait dire à Aurélien : « On imprimera jamais 10.000 exemplaires, c’est un travail totalement artisanal. » Il s’en amuse, « les auteurs sont au courant qu’ils ne deviendront pas riches avec nous ».
Sarah confirme et va même plus loin : « C’est du taf, quand je sors de l’atelier et que j’ai bossé en non-stop de 9h à 18h, je suis épuisée. »
Car oui, tout faire soi-même, ça demande du temps et de l’énergie : « Par exemple, pour “Le lent travail de deuil du monde”, je passe 1h à faire un bouquin. Les petits dans la collection “Futurs”, c’est plus rapide, de l’ordre de 15 minutes. En moyenne, je passe entre 10 et 30 minutes par bouquin. »
Le local est aussi au centre des attentions de la méthode Contreforme. L’impression de presque tous les ouvrages se fait chez Geiger, à Illkrich-Graffenstaden. Rien n’a jamais été imprimé plus loin qu’à côté de Nancy. « Il y a des trucs qu’on imprime nous-même aussi, comme la couverture pour “Le lent travail de deuil du monde”. »
De plus, Sarah et Aurélien croient fort dans tous les écrits qu’ils décident d’éditer, c’est pour ça qu’il et elle se donnent une liberté maximale pour l’objet final. « Il faut qu’il corresponde au maximum à ce que raconte le livre. On passe donc toujours par plusieurs étapes dans les maquettes, qui sont présentées à l’auteur. »
Tout faire pour avoir un livre cool
Nos artisan(e)s du livre ne se donnent pas de limite pour mener à bien leur mission, qui consiste à « redonner au livre la place qu’il mérite ». Le duo ne s’arrête donc pas à l’édition : « On fait aussi des ateliers dans les établissements scolaires, et on développe en ce moment notre activité de commande. »
Du côté de ces ateliers pédagogiques, Contreforme est déjà intervenu au collège de Marmoutier en collaboration avec les profs d’arts plastiques, d’histoire et de français. « Les élèves ont fait une sortie à l’abbatiale, avant de retranscrire ce qu’ils ont appris dans un livre. L’objectif final c’est que chaque élève reparte avec un livre qu’il a façonné lui-même. »
Vous l’avez compris, Sarah et Aurélien pensent que chacun(e) d’entre nous à quelque chose à raconter, et ensemble le duo veut donner la possibilité à toutes et tous d’en faire un beau livre : « N’importe qui qui souhaite écrire sur son passé, ses idées, si c’est en accord avec nos valeurs, on peut s’en occuper. Les entreprises aussi, si elles veulent laisser une trace de leur histoire, par exemple. »
Pour en savoir plus, rendez-vous sur sur le site internet de l’Atelier Contreforme ou sur leur page Facebook. Rendez-vous au prochain chapitre !