Toit de tuiles et ossature en colombages, les maisons traditionnelles alsaciennes font l’identité des petits villages de la région, mais sont souvent laissées à l’abandon. Quelques passionné(e)s s’attachent cependant à les restaurer avec l’aide des collectivités. Reportage en nord Alsace sur le chantier de François Trévisan.
« Tuiles ! » Dans la cour carrée de l’ancien corps de ferme, le moteur de la grue répond à l’appel des couvreurs. Une cage pleine de lames en terre cuite s’élève jusqu’aux deux artisans, sous le regard attentif de François Trévisan.
Pour l’Alsacien, tout a commencé en 2012. « Avec mon épouse, nous voulions acheter une maison alsacienne. Nous sommes admiratifs du patrimoine local et nous cherchions quelque chose de typique. Une maison avec du cachet et du style. » Leur choix s’arrête alors sur une vieille bâtisse construite entre 1810 et 1848, dans le bourg d’Uttwiller. « Une des rares avec un porche sculpté. »
Pur produit de l’architecture locale, l’ensemble compte une ancienne maison et des dépendances disposées en U. « À l’origine, la cour était entièrement fermée par un ancien bâtiment qui a été détruit », détaille le jeune propriétaire.
Première étape pour les nouveaux acquéreurs : réhabiliter l’ancienne partie habitée. « On a choisi de faire tout ce que l’on pouvait nous-même, à chaque fois que c’était possible. »
« On est fier de ce que l’on fait »
En matière d’enduit ou d’isolation traditionnelle, les propriétaires ont d’abord appris quelques techniques sur internet. « On a aussi été accompagnés par le Parc naturel des Vosges du Nord et aidés par le menuisier du village », poursuit François Trévisan.
Après presque deux ans de travaux, le couple a pu s’installer dans sa nouvelle maison pour Noël 2013. Et poursuivre ses travaux dans les dépendances.
En plus, l’Alsacien s’est pris au jeu. « J’aime beaucoup le travail manuel. Tout le temps que je ne passe pas au travail, je le passe sur le chantier », explique ce salarié de l’industrie agro-alimentaire. « C’est gratifiant de faire soi-même : on est fier de ce que l’on fait. On voit que cela avance et c’est ce qui est motivant. Mais c’est sûr qu’il ne faut pas rentrer le soir en voulant que ce soit fini, car cela prend du temps. »
Pour certains travaux, comme la restauration de la charpente (en partie affaissée) ou la couverture de la grange, le propriétaire a toutefois dû faire appel à des entreprises spécialisées. Ce matin, c’est Brenner tradition qui s’occupe de l’ossature du bâtiment.
Au café de la pause de mi-matinée, les artisans échangent quelques remarques admiratives sur les constructeurs/trices du corps de ferme. « La pente de la charpente compense parfaitement celle du terrain. Ceux qui ont fait ça étaient très bons. »
Retrouver l’aspect ancien
Tandis que les couvreurs remontent sur le toit, François Trévisan poursuit la visite. Sur les murs débarrassés de leur crépi, des numéros indiquent comment monter les différentes pièces du bâtiment. Particularité locale : les maisons traditionnelles alsaciennes sont en effet démontables. « Les anciens utilisaient des matériaux de récup pour les construire et s’adaptaient à ce qu’ils trouvaient sur place », détaille le propriétaire.
Sur son chantier, il a tenu à « redonner son aspect originel à la ferme », en faisant réapparaître les colombages. Au fil des transmissions, certains murs ont en effet été recouverts de béton ou de planches. L’isolation a aussi été abîmée avec le temps, car refaite avec des matériaux qui n’étaient pas toujours compatibles avec la structure. Sur le portail de la cour, des plaques de polystyrène clouées sur les jours des portes témoignent de cette époque où l’on voulait « du moderne ».
Pour cette restauration, François Trévisan a été attentif au choix des matériaux. Les tuiles, par exemple, viennent d’une tuilerie artisanale de Niderviller (Moselle). Elles ont été travaillées au doigt et sont deux fois plus lourdes que des tuiles industrielles. Mais à peine quelques centimes plus chères. « Contrairement à ce que l’on imagine, ce ne sont pas les matériaux qui rendent un chantier comme celui un peu plus couteux qu’un chantier classique, mais la surface. Ici, nous avons environ 300 m² au sol et la possibilité de faire 3 à 4 étages. »
Il faut également compter avec une fine planification des travaux. Les entreprises spécialisées ne sont pas nombreuses et les carnets de commandes sont souvent bien chargés. Avec jusqu’à un an d’attente ! « Il ne faut pas non plus s’y prendre à la dernière minute pour commander les matériaux. »
Chaque année, 300 maisons alsaciennes disparaissent
Pour supporter le coût de ses travaux, François Trévisan a pu compter sur des aides. Labellisé par la Fondation du patrimoine, son chantier lui a permis d’obtenir des déductions d’impôts et des subventions. « J’ai pu bénéficier d’un dispositif lancé par la Collectivité européenne d’Alsace (CEA) en janvier. Les travaux sont analysés par un architecte-conseil et si le dossier est validé, les aides peuvent atteindre 20% du coût du chantier. »
Le plafond de ce dispositif peut atteindre 30.000 à 40.000 euros, si les collectivités locales (comme la commune ou la communauté de communes) s’engagent également dans la préservation et le référencement des vieilles maisons alsaciennes. Pour les pouvoirs publics, il y a un intérêt à préserver ce patrimoine, ne serait-ce que pour son impact sur la filière touristique !
Malheureusement, « ces dernières décennies, environ 300 maisons alsaciennes disparaissent chaque année », détaille Sabine Drexler, conseillère d’Alsace, sénatrice du Haut-Rhin, et déléguée à la maison alsacienne du XXIe siècle à la CEA.
Le phénomène s’accélère depuis le vote de la loi climat et résilience en 2021, juge l’élue. Puisque ce bâti traditionnel peut être aujourd’hui qualifié de passoire énergétique et est en quelque sorte frappé d’indignité.
Avec cette aide, la CEA compte donc enrayer le phénomène. Et faire en sorte que « si on détruit une maison alsacienne à l’avenir, c’est que tout aura été fait pour la sauver avant ».
Quatre mois après son lancement, le dispositif compte environ une centaine de dossiers en cours de financement ou à l’étude. « Nous avons une hausse des demandes, mais de moins en moins d’entreprises spécialisées en mesure d’intervenir sur ces chantiers, poursuit Sabine Drexeler. Ces savoir-faire se perdent. L’idée de la CEA, pour la suite, c’est de réfléchir sur comment redonner à nos jeunes l’envie de se lancer dans des métiers d’artisanat. »
Soulagée que cette magnifique bâtisse ait pu être sauvée et sa beauté rendue par des personnes soucieuses du patrimoine alsacien et tellement courageuses ! Avec mon estime et un grand BRAVO ! !
Un bravo à vous pour la conservation du patrimoine Alsacien.Très belle maison n’oubliez pas de mettre les géraniums.
Merci
Une Alsacienne