Ce dimanche 28 avril, le Racing jouera un match crucial pour sa montée en D1 Arkema. Car oui, alors que l’équipe masculine défiera Nice, l’équipe féminine affrontera Marseille au stade Jean-Nicolas Muller, à la Meinau, pour atteindre la meilleure division du foot féminin. Pour l’occasion, on est allé retracer l’histoire d’une équipe qui a grandi très vite.
Cette année, si le Racing masculin est en passe d’assurer définitivement son maintien, l’équipe féminine vise les étoiles. Plus précisément, celle de la D1 Arkema, le plus haut niveau français. Seulement 12 ans après sa création, la section occupe la 1e place de D2, avec 4 points d’avance sur son adversaire de dimanche, Marseille. Une équipe qu’elle affronte dans son antre du stade Jean-Nicolas Muller, à la Meinau, dans un match accessible gratuitement.
Une histoire qui a débuté presque sur un concours de circonstances, entre deux couloirs, alors que le club avait tout perdu, en étant redescendu dans les divisions du foot amateur. Une histoire désormais de plus en plus professionnelle incarnée par Vincent Nogueira, l’entraîneur depuis 2020, Laurine Hannequin et Pauline Dechilly, respectivement numéro 10 et piston droit de l’équipe, que l’on a pu interviewer.
Mais dans toute réussite professionnelle, il y a aussi le travail de l’ombre de bénévoles, qui ont été présent(e)s lorsque plus personne ne l’était. Pour ne pas les oublier et leur rendre hommage, on est aussi allé interviewer Dany Chavanel, l’une des initiatrices de cette success story strasbourgeoise qui se conjugue désormais au féminin.
« Je n’aurais jamais imaginé arriver là aussi vite, parce que l’on est parti de rien » : histoire d’une réussite
C’est par elle que débute notre histoire. Si l’idée d’une section féminine germe dès 2011 sous Frédéric Sitterlé, le projet prend réellement forme en juin 2012 sous Marc Keller. Dany Chavanel et Erny Jacky, ancien président de la Ligue d’Alsace de football association (LAFA) créent donc une section pour la saison 2012/2013… mais seulement pour l’école de football, pour les filles entre 5 et 10 ans.
Un souhait assumé : « Il fallait créer la section de façon progressive. À l’époque le Racing avait très peu de moyens en CFA [National 2, ndlr], le matériel qu’on avait c’était un matériel qui datait. En plus, il était d’abord distribué aux garçons, donc les filles avaient le rebut. On se débrouillait avec ce qu’on avait (rires) ».
Le club avait déjà 100 ans, et rentrer dans un monde d’hommes n’était pas facile, mais dans l’ensemble on a été très bien accueilli.
Pour chercher leurs futures joueuses, Dany Chavanel et Erny Jacky sont resté(e)s dans le local : « On avait décidé de rester autour du centre de formation à la Kibitzenau. J’avais alors demandé à la ville de m’envoyer un recensement des écoles primaires Meinau, Neudorf et Neuhof. Avec Erny, flyers à la main, on a pris notre bâton de pèlerin et on a fait toutes les écoles. »
L’accueil a été positif : « On a été super bien accueilli dans les écoles, avec les directeurs nous disant que c’était génial ce qu’on faisait pour les filles qui, pour la plupart, ne sortaient pas vraiment de chez elles. C’était une bouffée d’air frais pour elles. » La première saison débute alors avec une quinzaine de filles, âgées entre 5 et 10 ans.
La première fois qu’on était à Truchtersheim pour un tournoi, je voyais les yeux des gamines : ça pétillait, j’avais l’impression de les emmener au bord de la mer. Alors qu’on allait à Truchtersheim, pour du foot (rires).
Mais ils/elles avaient tout de même besoin de soutien ; et si depuis 3 ans le Racing fait la pub de son équipe féminine, avant il fallait se débrouiller : « La Fédération des supporters nous a beaucoup aidé en faisant de la pub sur son site, Frédéric Voegel avec la radio RBS et Planète Racing publiait et diffusait également des newsletters. »
Depuis, chaque année, le Racing féminin est monté d’un cran, jusqu’à arriver à une équipe sénior en 2017. Un travail progressif qui porte aujourd’hui ses fruits, que Dany résume avec les yeux brillants : « En 2022 on a fêté nos 10 ans, et on était déjà en D2. Je dis toujours que quand on a créé la section, si on m’avait dit qu’on serait en D2 j’aurais traité tout le monde de fou. Je n’aurais jamais imaginé arriver là aussi vite, parce que l’on est parti de rien. Vraiment de rien. »
Une équipe en tête de la D2
Désormais, l’équipe du Racing sénior peut s’appuyer sur tout le travail réalisé en amont, tout en se professionnalisant. Un beau travail réalisé depuis 4 ans au club, notamment par Vincent Nogueira. L’ancien joueur du Racing (2016-2018) arrive en 2020 pour prendre les rênes de l’équipe, déjà en D2 : « Le club savait que je voulais entraîner au haut niveau, et ils ont pensé à moi pour structurer la section parce qu’ils souhaitaient quelqu’un qui connaisse le haut niveau. »
C’est l’ensemble de l’équipe qui participe à l’effort défensif.
Montée en D2 seulement trois ans après sa création, l’équipe sénior s’épanouit désormais dans sa division, caracolant en tête cette saison avec 4 points d’avance sur ses poursuivants directs, Nantes et Marseille. Une juste récompense pour le jeu prôné par Vincent Nogueira : « On aime avoir le ballon ; c’est un jeu de possession, un jeu plutôt plaisant pour les filles. »
Dans son 343 [même système que l’équipe masculine, ndlr], le Racing est même la meilleure défense de D2. Une philosophie prônée par le coach : « On va presser très haut, parce qu’il n’y a pas forcément la qualité technique en face. C’est l’ensemble de l’équipe qui participe à l’effort défensif : souvent les attaquantes récupèrent le ballon. Le schéma collectif fait que parfois la défense n’a presque rien à faire. »
On a des bases solides depuis 4 ans où on travaille ensemble. On a accumulé pas mal de conseils tactiques, on essaye toujours d’en mettre de nouveaux en place, pour progresser ensemble.
Ces mots déclenchent les rires de Pauline Dechilly, latérale/piston droit de 26 ans. Présente depuis 4 ans au club, elle a pu progresser : « Il fallait d’abord apprendre à faire les efforts défensifs, bien défendre avant d’attaquer était primordial. Cette saison je mets l’accent sur mon apport offensif. » Et ça paye, puisqu’elle est co-meilleure passeuse du club, dans la lignée de ses modèles Reece James, Achraf Hakimi et Alphonso Davies.
Laurine Hannequin (20 ans) participe aussi à l’effort défensif, mais à son poste de numéro 10. Elle aussi à Strasbourg depuis 4 ans, elle apprécie la liberté qui lui est offerte : « Avec 3 attaquantes ou 2 selon le système, je joue soit sur un côté soit en pointe. Ce sont des postes qui me plaisent, parce que j’aime beaucoup toucher le ballon et Vincent me laisse beaucoup de liberté. Offensivement, je fais un peu ce que je veux. » Ça paye également, puisqu’elle est co-meilleure passeuse du club.
Une équipe qui se professionnalise
Si le club et les joueuses progressent, c’est aussi parce que les conditions s’améliorent. Vincent Nogueira explique : « Le groupe a énormément évolué en termes de situation : avant, on avait beaucoup de filles qui travaillaient à côté, maintenant la grande majorité est sous contrat, ce qui change les choses. »
Le club et le nouvel actionnaire accompagnent l’évolution de l’équipe.
Plus concrètement, l’équipe féminine du Racing se professionnalise. Une évolution accompagnée par le club et BlueCo, selon le coach : « Tous les nouveaux contrats, c’est un budget, donc on nous accompagne financièrement. Niveau déplacement, il nous manque le jet privé comme l’équipe des garçons, mais excepté ça, on voyage toujours dans de très bonnes conditions. »
Dans le même temps, le staff technique évolue aussi : il y un adjoint, Guillaume Stiegler, un entraîneur des gardiennes, Gaétan Jost, une préparatrice physique, Sara Faure, un stagiaire en prépa athlétique, une kiné, Anais Frey, et un docteur sous forme de vacation. Bref, une équipe prête, dans son effectif, à passer l’échelon de la 1e division.
Un groupe qui s’épanouit sur et en dehors du terrain
Cette structuration, et les bons résultats qui sont venus avec, ont eu une autre conséquence : un groupe soudé. Vincent Nogueira explique : « Avoir la majorité des filles sous contrat, ça contribue à la bonne ambiance : des filles qui arrivaient juste avant l’entraînement et qui repartaient juste après, c’était plus compliqué. Là, elles déjeunent ensemble, il y a de vrais temps dédiés pour le foot… beaucoup de choses qui font que l’ambiance est meilleure. »
Pour Pauline : « L’ambiance a bien évolué en 4 ans, pour celles qui sont là depuis le départ. On a certaines habitudes, les nouvelles qui sont arrivées d’année en année ont vraiment été des plus-values. » Il en ressort une ambiance festive, particulièrement en cas de victoire. Dans ces moments-là, la discrète Laurine élève la voix pour lancer le cri de guerre, tandis que la musique résonne dans le vestiaire, dans des styles différents choisis par les joueuses.
Chaque fois qu’il y a de nouvelles joueuses, tout le monde est intégré de la même façon, ça se passe très bien.
Si Pauline et Laurine s’entraînent six jours sur sept, cela ne les empêche pas d’avoir une vie en dehors du foot. La première a fait des études de marketing et a passé le BPJEPS sport collectif, soit un diplôme qui atteste de la possession des compétences professionnelles indispensables à l’exercice du métier d’animateur/rice, de moniteur/rice, d’éducateur/rice sportif/ve.
Laurine a également un BPJEPS activité de la forme, mais s’est lancée récemment dans une autre aventure pas banale : « Depuis cette année, je me suis engagée dans une école à distance pour le CAP Pâtisserie pour m’inscrire en candidate libre d’ici 2026. Fin 2023, j’ai commencé à faire des gâteaux et ça m’a plu (rires). J’ai fait la bûche de Noël pour mes parents aussi, et direct j’ai accroché. C’est vraiment une échappatoire en dehors du foot. »
Et quand on demande à Pauline de confirmer le talent de sa coéquipière, elle confirme, c’est excellent : « Elle est forte ! » Pour reprendre la phrase classique : le groupe vit bien.
Quatre dernières batailles à remporter
Tout ce groupe aura besoin des bonnes ondes pour s’attaquer aux dernières batailles de la saison. Il reste au Racing quatre matchs pour assurer sa montée en D1, dont deux contre Marseille et Nantes, ses concurrents directs. Heureusement, elles auront un avantage : ces deux rencontres se joueront au stade Jean-Nicolas Muller, à domicile. Le petit stade à la Meinau, juste à côté du grand, est une forteresse imprenable cette saison : 9 victoires en 9 matchs, bien aidées par le petit groupe de supporters/trices fidèles qui vient à chaque rencontre.
On est dans une bonne période, c’est le sprint final. Ça va être chaud, on ne va rien lâcher.
Vincent Nogueira l’apprécie beaucoup : « C’est un peu chez nous, notre petit stade à nous. Moi perso j’adore jouer là-bas. Il manque une tribune, mais ça représente le club, on est dans le quartier de la Meinau. » Il l’aime tellement qu’il a refusé la proposition du club de jouer avant l’équipe masculine le 28 avril, estimant que les joueuses avaient besoin de garder leurs repères.
Si les Strasbourgeoises abordent ces quatre derniers matchs avec ambition, elles ont conscience de la difficulté de la tâche. Pauline Dechilly l’avoue : « Cela va être quatre matchs difficiles, les points vont être précieux, il va falloir se battre jusqu’à la dernière journée. » Elles pourront compter sur le soutien de leur stade, même si, pas de panique, elles sont prêtes. Comme le dit Pauline Dechilly : « Ça va être la guerre. » On a hâte d’y être !
Événement
Racing Club de Strasbourg vs Olympique de Marseille
Quoi ?
Match de foot – Championnat de France féminin D2
Quand ?
Dimanche 28 avril, 13h
où ?
36 rue du Languedoc, à Strasbourg
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Gratuit