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À Strasbourg, Angela prend soin des coeurs et des corps de personnes atteintes d’un cancer

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Modelage de mains, manucure, maquillage… depuis sept ans, Angela Mula intervient en oncologie pour proposer gestes esthétiques et ateliers de bien-être adaptés aux patientes atteintes de cancer. Des moments de soins à part entière qui permettent aux femmes d’échanger sur la maladie et de se « réapproprier » leur image.

D’abord, se démaquiller. Passer le coton de lait délicieusement frais sur la peau tiède, parfois tiraillée par les traitements. Ce jeudi matin, elles sont six à participer à l’atelier soin du visage animé par Angela Mula dans une petite salle lumineuse de l’Institut de cancérologie Strasbourg Europe (Icans).

Paupières closes, Isabelle prête son visage aux mains expertes de la socio-esthéticienne qui détaille les bons réflexes à adopter. Mouvement doux et circulaire sur les pommettes. La quinquagénaire sourit, malicieuse : « C’est agréable de jouer les cobayes. »

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Autour de la table, chaque femme avance à son rythme tandis qu’Angela poursuit la séance avec le fond de teint – à appliquer à l’éponge en estompant bien pour éviter les effets de démarcation sur la mâchoire. Certaines suivent la routine, concentrées. D’autres observent et discutent entre elles. Une scène d’institut qui a toute sa place à l’hôpital.

Socio-esthéticienne ICANS Cancer Femmes
© Adrien Labit / Pokaa

Un espace d’écoute et de bien-être

« Ces séances d’esthétique font partie des soins de support proposés à l’Icans, explique Francine Thiriet, cadre de santé au sein de la structure. Ce sont des soins complémentaires aux chimiothérapies et radiothérapies qui permettent d’accompagner les personnes suivies pour un cancer dès le début de leur parcours. »

L’atelier du jour s’inscrit dans un programme d’éducation thérapeutique qui fait intervenir différent(e)s professionnel(le)s – kiné, psychologue, diététicienne… Objectif : aider les patientes à « se réinsérer sur un plan social et familial » après de longs mois de thérapie. Isolants, parfois. Au sein de ce dispositif, « la socio-esthéticienne apporte un espace d’écoute et de bien-être ».

Esthéticienne de métier, Angela Mula s’est formée à la socio-esthétique il y a sept ans, via les Cours d’esthétique à option humanitaire et sociale (Codes). Basée à Tours, cette association de professionnel(le)s de milieux hospitaliers et sociaux a été fondée en 1978. Sa mission : « Aider les souffrants à dépasser leur mal-être en les réconciliant avec leur corps et leur image grâce aux soins esthétiques. »

« On y développe un certain nombre de compétences psy, détaille Angela. Comment écouter sans trop s’investir, comment se présenter à une personne en traitement… Les patients se confient souvent à nous : nous sommes un peu des éponges. » Embauchée en oncologie à l’issue de sa formation, la socio-esthéticienne s’est aussi formée aux effets secondaires des différentes thérapies anticancéreuses, pour mieux accompagner les patientes.

« On leur apprend à se voir différentes »

À côté de cette activité, qu’elle exerce à temps partiel, Angela Mula travaille également en tant que secrétaire médical dans le service. Un atout : « C’est important de connaître l’ensemble du parcours médical d’une personne pour la conseiller correctement », détaille celle qui échange régulièrement avec les équipes médicales.

« Quand les patientes arrivent en parcours de soin, elles ont souvent peur de poser des questions. En discutant avec elles, ça nous arrive de découvrir que certaines ne comprennent pas pour quel type de cancer elles sont traitées. On peut faire remonter ça aux médecins pour qu’ils reviennent discuter avec elles. »

Socio-esthéticienne ICANS Cancer Femmes
Francine Thiriet, cadre de santé. © Adrien Labit / Pokaa

Angela Mula le dit et le répète : l’écoute et le soin sont au cœur de son métier. « Au cours de leur traitement, beaucoup de femmes perdent énormément confiance en elles. La perte de leurs cheveux est souvent quelque chose d’extrêmement difficile à vivre. Il y en a qui refusent de sortir de chez elles ou qui vont passer six mois sans pouvoir se regarder dans une glace. Mon rôle consiste aussi à leur faire accepter ce changement, à leur apprendre à se voir différentes et à s’accepter»

Se réapproprier son image

Dans la petite salle, la séance se poursuit avec le maquillage du regard. Un œil sur son miroir, Carine s’interroge sur la meilleure manière de camoufler la rosacée apparue sur ses pommettes au cours des traitements. Angela en profite pour présenter quelques correcteurs bien utiles : un stick jaune pour les cernes violacés et un vert pour les rougeurs. À appliquer avant le fond de teint en revanche…

Après avoir servi d’exemple pendant une demi-heure, Isabelle s’applique désormais à reproduire les conseils qui lui ont été donnés. Cette séance est la deuxième et dernière prévue avec la socio-esthéticienne dans son parcours de soin. « Ça fait beaucoup de bien, sourit-elle. Se bichonner, c’est important. Cela permet de se réapproprier son image. »

Pendant sa chimiothérapie, Isabelle a perdu ses sourcils et cherché des tutos sur internet pour pouvoir les redessiner à l’aide d’un petit patron en mousse commandé sur internet. « Je me suis débrouillée, mais j’aurais bien aimé pouvoir être accompagnée à ce moment-là. »

« On a besoin de parler »

Aujourd’hui, celle qui ne se maquillait jamais se pomponne quand elle sort. Son trait de crayon achevé, Isabelle jette de nouveau un œil dans le miroir en tournant son visage vers la lumière naturelle. « C’est vraiment pas mal. Très naturel ! » se réjouit la quinquagénaire. « Je ne pense pas que je referais la routine complète tous les jours mais je pourrais proposer à ma fille de faire un soin du visage toutes les deux. »

Tandis qu’une partie des participantes interrogent Angela Mula sur la couleur à adopter pour leurs yeux ou le produit à utiliser pour leur peau, d’autres discutent entre elles à mi-voix de leurs cicatrices. De la difficulté à toucher celle de la chambre d’injection, sous la clavicule, ou celle d’une mastectomie, pour la masser et la faire dégonfler.

« On a besoin de parler, d’échanger avec des personnes qui ont vécu la même chose que nous, témoigne Agnès, 64 ans. Entre nous, on peut dire des choses que l’on ne partage pas forcément dans le milieu familial, parce qu’on ne veut pas accabler nos proches. On se retrouve beaucoup à intérioriser ce que l’on vit. Au-delà de l’aspect beauté, ces séances sont presqu’un prétexte pour pouvoir discuter. »

« C’est un moment convivial, abonde Carine. On est à l’écoute les unes des autres, on peut échanger des conseils. Des espaces comme celui-ci, il n’y en a pas tant que ça dans notre parcours de soin. »

Socio-esthéticienne ICANS Cancer Femmes
© Adrien Labit / Pokaa

À la fin de l’atelier, les participantes repartent rapidement. Angela n’a pas le temps de ranger la table : elle a rendez-vous en hôpital de jour pour de nouveaux soins. La socio-esthéticienne retrouve Chichie pour un soin des mains et une manucure, en salle de chimiothérapie.

« Quand elle est là, c’est parfait, se réjouit la quadragénaire. Ça me change de la chimio…  Avant, je me faisais les ongles, j’avais des faux-cils, je prenais soin de moi… maintenant, plus rien ! C’est important qu’elle soit là. Ces séances, ce sont des moments à nous. Au point où on en est… il ne nous reste plus que ça. »

Après un massage des paumes, Angela Mula sort de son sac un vernis enrichi en silice qui prévient la chute des ongles chez les personnes traitées pour un cancer. La voisine de Chichie, Rita, suit la scène avec intérêt. La discussion s’engage entre les deux femmes et dérive sur les perruques.

Chichie en porte une quand Rita n’a jamais pu s’y faire et leur préfère un turban. De fil en aiguille, les voilà qui en arrivent au moment où leurs cheveux sont tombés, et de la manière de les couper pour éviter de les voir partir un à un. Angela Mula continue la manucure discrètement. À l’écoute. Si ses mains soignent si bien, c’est aussi parce qu’elles savent créer du lien.

Socio-esthéticienne ICANS Cancer Femmes
© Adrien Labit / Pokaa

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