En 2022, 244.301 victimes de violences conjugales ont été recensées. La grande majorité, 86%, sont des femmes. À Strasbourg, deux élèves avocates développent une application mobile avec un objectif : accompagner celles et ceux qui ont besoin d’aide.
C’est dans un cabinet d’avocat(e)s du centre strasbourgeois que Zoé Mall et Maëlle Blein, 25 ans, nous accueillent. Depuis plusieurs mois, ces deux élèves avocates développent l’application ILA, à destination des victimes de violences conjugales.
Le projet a d’abord été pensé au sein de leur formation, avec quatre autres camarades, avant de devenir « concret » pour le duo. Zoé explique : « Notre but, avec Maëlle, c’est vraiment de défendre une personne qui ne peut pas le faire seule. »
ILA c'est quoi ?
Actuellement à l’École régionale des avocats du Grand Est (ERAGE), les deux jeunes femmes veulent, avec ILA, faciliter les démarches pour les citoyen(ne)s. « Il existe déjà des applications ou des sites pour aider les personnes mais qui ne répondent qu’à certains besoins spécifiques, ici l’idée est de créer un guichet unique numérique, accessible facilement, qui centralisera l’ensemble des outils dont a besoin une victime », explique Maëlle.
Oui, car, si de nombreuses mesures existent déjà en France (bracelet anti-rapprochement, téléphone grave danger), les efforts restent insuffisants. Il suffit de regarder les chiffres du ministère de l’Intérieur : en 2021, 145 personnes – dont 118 femmes – ont perdu la vie après des violences au sein du couple.
Pour tenter d’endiguer en partie cette réalité, l’appli aura plusieurs fonctionnalités. La première consiste à orienter les victimes vers des professionnel(le)s – avocat(e)s, médecins, associations – grâce à des annuaires, une carte interactive et une messagerie.
ILA mettre également à disposition des guides pratiques, comme le précise Zoé : « Chaque personne pourra comprendre ses droits et les moyens d’action, judiciaires ou non. »
Mais surtout, l’objectif est d’aider les victimes de violences conjugales à prendre conscience de ce qu’elles vivent, en facilitant les démarches. Zoé poursuit : « Beaucoup de victimes minimisent la réalité, elles pensent qu’il existe uniquement les violences physiques, mais il y a aussi l’emprise psychologique par exemple. » D’ailleurs, un « violentomètre » sera proposé sur la plateforme pour déterminer la gravité de chaque situation.
Une application gratuite, discrète et ouverte à toutes et tous
Pour permettre à chaque victime d’entamer des démarches en toute sécurité, l’application sera déguisée. Sur l’écran d’accueil, elle pourra prendre la forme d’une calculatrice, et sera uniquement accessible en entrant le bon code. « ILA disparaitra automatiquement de l’arrière-plan ainsi que de l’historique, et elle comprendra un logiciel anti-espion », détaille Maëlle.
Elle sera également gratuite, accessible partout en France, et traduite dans plusieurs langues. Son contenu pourra être lu à voix haute, une bonne nouvelle pour les personnes avec des déficiences visuelles.
Un soutien dans le parcours judiciaire
Au-delà d’une aide psychologique, « l’application accompagnera les victimes dans leur parcours judiciaire, avant, pendant et après le dépôt d’une plainte » résume Zoé.
Comment ? En rassurant les victimes avec l’aide de médecins ou d’associations, en expliquant les démarches juridiques grâce aux avocat(e)s, et en préparant le dépôt de plainte et le possible procès.
« Le plus dur, c’est d’apporter les preuves, précise Maëlle, il sera donc possible, dans le journal de bord, d’insérer des photos, des vidéos, des enregistrements audio qui prouvent les violences et les blessures. » L’intention est d’obtenir la condamnation des auteurs/trices des faits, et permettre en amont d’apporter des éléments essentiels aux policiers/ières et aux avocat(e)s.
Un projet qui grandit petit à petit, et déjà récompensé
ILA complètera, peut-être, un autre dispositif national. En effet, une concertation citoyenne a été lancée fin 2023 au ministère de la Justice, en vue de la création d’un guichet unique ouvert aux victimes et à leurs familles. Lui sera physique, et installé dans les administrations (à la Caf par exemple).
Là aussi, chaque citoyen(ne) pourra recevoir des informations adaptées et sera accompagné(e). Néanmoins, les horaires d’ouverture et le fait de se déplacer restent des freins, car certaines victimes sont sous l’emprise d’un(e) conjoint(e). Sans parler de sa mise en place, qui risque d’être très longue.
D’ailleurs, si Zoé et Maëlle seront reçues ce mardi 12 mars à la Chancellerie (le ministère de la Justice) pour parler d’ILA, elles ont déjà remporté deux titres : le prix Alain-Hollande du concours « Projets Innovants » organisé par le Conseil national des barreaux en septembre 2023, et le prix Grand Est Jeunes Talents, organisé par la Région en décembre 2023.
En plus de l’argent gagné lors de ces concours (environ 7.000 €), le duo cherche environ 100.000 € pour continuer à développer l’appli. L’argent « permettra aussi de constituer une équipe compétente, avec des avocats, des médecins, des développeurs web », selon Zoé. Elles comptent notamment sur le mécénat et les dons, et vous pouvez les soutenir en cliquant ici !
Maëlle conclut : « On y croit vraiment, et les retours des différents acteurs et experts en la matière sont extrêmement positifs. Tous nous affirment la nécessité de porter un tel projet pour aider les victimes. »
Et si on ne peut que leur souhaiter bonne chance, on en profite aussi pour vous rappeler certains renseignements gratuits : vous pouvez appeler le 17, service de police secours, ou le 3919, le numéro national de référence pour l’écoute et l’orientation des femmes victimes de violences (notamment conjugales). Si vous n’êtes pas en mesure de parler au téléphone, vous pouvez envoyer un sms au 114 avec les informations nécessaires (localisation, votre identité…).
Vous n’êtes pas seul(e)s !
Le site web d’ILA et le LinkedIn
La page Instagram de l’application
Pour info il existe mémo de vie pour mettre en sécurité tous les éléments et écrire aussi les violences subies. Plusieurs applications ont été testées dans d’autres department dont une à Nantes. Le contact avec un professionnel formé aux différents dispositifs existants et en connaissant les rouages est très important, cela doit être davantage développé, il y a encore beaucoup à faire. De nombreuses victimes sont aussi très éloignées du numérique.