Le 11 décembre 2018, Chérif Chekatt ouvrait le feu sur des passant(e)s lors du marché de Noël de Strasbourg. Cinq personnes perdent alors la vie, onze seront blessées. Ce jeudi 29 février, cinq ans après les faits, le procès de quatre hommes jugés par la cour d’assises spéciale de Paris s’ouvre avec beaucoup de questions et un absent : l’assaillant, tué par la police 48h après l’attentat.
Le thermomètre affiche 3°C, l’horloge n’indique pas encore 20h, nous sommes le 11 décembre 2018 et l’horreur est en train de frapper Strasbourg. Dans le centre-ville, alors que le marché de Noël bat son plein, un homme tire à plusieurs reprises sur des passant(e)s. Armé d’un revolver et d’un couteau, il tue, au hasard, cinq personnes et en blesse 11 autres.
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Cet homme, c’est Chérif Chekatt, délinquant multirécidiviste de 29 ans et fiché S (depuis 2015) pour radicalisation islamiste. Blessé à un bras par des militaires de l’opération Sentinelle, il parvient à s’échapper après l’attaque en prenant en otage un chauffeur de taxi, qu’il libère par la suite.
Pendant deux jours, le Christkindelsmärik ferme ses chalets et l’odeur du vin chaud est remplacée par celle des bougies qui jalonnent, à côté des fleurs, les pavés de notre cité. Le 13 décembre, après 48 heures de cavale, Chérif Chekatt est tué par une patrouille de police au Neudorf.
Qui sont les personnes jugées ?
Bien qu’absent lors du procès (sa mort empêche toute poursuite judiciaire à son égard), Chérif Chekatt n’est pas le seul concerné par cette affaire. Dès demain, jeudi 29 février, quatre hommes, soupçonnés d’avoir apporté une aide à l’assaillant, vont être jugés devant la cour d’assises spéciale de Paris. Le procès doit durer cinq semaines et s’achever le 5 avril prochain.
- Audrey Mondjehi, jugé pour complicité d’assassinats et tentatives, en relation avec une entreprise terroriste (le caractère terroriste n’est retenu que dans son cas). Il a assisté Chérif Chekatt dans sa quête d’obtenir des armes à feu et ne nie pas cet élément, mais clame qu’il ne savait pas que l’objectif était de perpétrer un attentat. Il pourrait encourir la réclusion criminelle à perpétuité.
- Christian Hoffmann, Stéphane et Frédéric Bodein (deux frères) : les trois autres suspects sont jugés pour association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un ou plusieurs crimes (sans la qualification terroriste). Ils auraient, eux aussi et à des niveaux différents, permis à l’assaillant d’obtenir plusieurs armes dont le revolver utilisé pendant les faits. Ils affirment ne pas avoir été mis au courant du projet d’attentat. Le cousin éloigné des deux frères, Albert Bodein, âgé de 83 ans, sera jugé plus tard en raison de ses problèmes de santé (pour éviter un ajournement).
Contrairement à Audrey Mondjehi qui est à l’heure actuelle en détention, les autres accusés vont comparaître libres.
Quelles sont les questions qui entourent le procès ?
Pendant cinq semaines, la justice va tenter de répondre à plusieurs questions. L’une d’elles concerne directement les accusés : quels sont leurs liens avec Chérif Chekatt (et Audrey Mondjehi) ? Même mort, l’assaillant principal reste donc au coeur du procès, et son profil sera aussi étudié.
Avec plus d’une vingtaine de condamnations en France, en Suisse mais aussi en Allemagne, Chérif Chekatt connaissait bien le milieu carcéral.
Durant sa vie en prison mais également à l’extérieur, il s’était radicalisé et c’est également ce point qui sera examiné lors du procès. Car le radicalisme religieux de l’auteur de la tuerie est un élément important. Une vidéo d’allégeance au groupe État islamique (EI) avait d’ailleurs été retrouvée chez lui, sur une clé USB qui lui appartenait – l’EI avait revendiqué l’attaque sur le marché de Noël au moment des faits.
Enfin, le procès va également accueillir les victimes et plusieurs professionnel(le)s du droit. C’est le cas notamment d’Arnaud Friederich, inscrit au barreau de Strasbourg et avocat d’une dizaine de parties civiles (au total, elles seront plus d’une soixantaine). « Les victimes et les proches des cinq personnes décédées attendent des réponses à leurs questions, non seulement sur la course meurtrière de Chérif Chekatt, mais aussi sur les éléments de complicité des accusés. »
Ce procès marque donc une étape essentielle, comme l’explique maître Friederich : « C’est surtout un moment important dans le processus de résilience et de reconstruction pour les victimes et les proches. Ils ont été meurtris, ils ont été bouleversés par cet événement. C’est une frustration pour eux que l’auteur principal ne soit pas là, mais dans chaque procès pénal il y a des frustrations, mais ça ne va pas enlever le caractère primordial de ce procès dans le processus qu’ils tentent d’entamer. »
Une reconstruction longue, pour les familles, les ami(e)s des blessé(e)s, mais aussi pour l’entourage des cinq hommes décédés, dont on voulait rappeler les noms, pour ne pas oublier : Kamal Naghchband, 45 ans, Bartosz Piotr Orent-Niedzielski dit « Bartek », 34 ans, Antonio Megalizzi, 28 ans, Pascal Verdenne, 61 ans et Anupong Suebsamarn, 45 ans.