Lundi dernier, 15 janvier, 10.000 tracteurs ont défilé dans le centre de Berlin. Depuis une dizaine de jours, les agriculteurs/trices allemand(e)s bloquent le pays pour s’opposer à la fin des subventions sur le diesel agricole. Des mouvements qui commencent à avoir des répercussions jusqu’en Alsace.
Des milliers de tracteurs dans Berlin, des blocages routiers et des manifestations partout dans les pays. Depuis le 8 janvier, l’Allemagne vit au rythme de la mobilisation des agriculteurs/trices et des conducteurs/trices routiers/ères contre la fin des subventions sur le diesel agricole.
Nos voisin(e)s traversent une grave crise sociale et politique qui perturbe l’ensemble du secteur des transports. Un mouvement qui n’est pas sans rappeler celui des Gilets Jaunes en France. En soutien à leurs homologues allemand(e)s, des agriculteurs/trices alsacien(ne)s ont même bloqué le rond-point de Roppenheim, en début de semaine dernière.
« No farmer, no food, no futur »
Alors que le pays se débat toujours avec la crise économique, il suffisait d’un rien pour mettre le feu à l’Allemagne : et l’étincelle est toute trouvée, avec la fin des subventions sur le diesel et de divers allégements fiscaux à destination du monde agricole. Le lundi 8 janvier, répondant à l’appel de leur syndicat (DBV), des milliers d’agriculteurs/trices ont commencé à bloquer les routes et les centres-villes, entrainant des perturbations jusqu’en Alsace.
Sur les pancartes, des slogans tels que « Il ne faut jamais oublier que ce sont nous, les agriculteurs, qui produisons la nourriture », ou « No farmer, no food, no futur ». Ainsi, les manifestant(e)s entendent dénoncer ce qu’ils/elles perçoivent comme la destruction du monde agricole. Si la question du diesel a allumé l’incendie, c’est un malaise beaucoup plus profond qu’expriment les exploitant(e)s agricoles.
L’agriculture allemande connait de profondes transformations dans son modèle économique. Une dizaine d’exploitations disparaissent chaque jour dans le pays, et l’ensemble du monde agricole subit l’augmentation des coûts de l’énergie.
En parallèle, le virage écologique voulu par les pouvoirs publics passe mal auprès des agriculteurs/trices qui dénoncent une volonté de les contrôler. La crise aurait pu se limiter à des questions de politique agricole, mais ce mouvement est devenu en quelques jours le fer de lance de la contestation du gouvernement d’Olaf Scholz, le chancelier allemand. Selon un sondage, sept Allemands sur dix soutiendraient la grève.
Entre crise économique et austérité, un gouvernement contraint
Longtemps moteur de l’économie allemande, les exportations industrielles sont en baisse depuis la crise sanitaire. La situation économique, déjà tendue, s’est encore dégradée avec la guerre en Ukraine et la hausse des prix de l’énergie.
En 2023, le pays affiche une légère récession à -0,3% du PIB et l’inflation des denrées alimentaires s’établit à 4,5%. L’économie et les ménages souffrent, le mécontentement s’installe. Le gouvernement, de son côté, devait trouver 17 milliards d’euros pour boucler le budget fédéral, Olaf Scholz, déjà impopulaire, est contraint de pratiquer l’austérité.
C’est dans ce contexte que s’est décidé la fin des subventions sur le diesel ainsi que la suppression de certains avantages fiscaux des agriculteurs/trices. Chez ces derniers/ières domine le sentiment que le gouvernement finance, sur leur dos, le retour à l’équilibre budgétaire, sans tenir compte de leurs difficultés.
Malgré la proposition du gouvernement de reporter la mesure, l’Union des agriculteurs allemands (DBV) a lancé la grève et se retrouve en position de force après seulement huit jours de blocage.
Vers une crise politique ?
Après leur démonstration de force à Berlin le lundi 15 janvier, les agriculteurs/trices entendent négocier l’annulation pure et simple de la mesure gouvernementale. Les plus radicaux/ales espérant, même, avoir la démission des ministres écologistes de la coalition gouvernementale.
En parallèle, les cheminot(e)s ont fait grève pendant trois jours la semaine dernière pour obtenir des augmentations de salaire, tenant compte de l’inflation. Des appels à la mobilisation tournent déjà dans d’autres secteurs : l’hôtellerie-restauration, le transport maritime et chez les artisan(e)s.
Dans le paysage politique, le parti d’extrême droite Alternative für Deutschland (AfD) essaye de surfer sur la contestation quand des groupes nationalistes multiplient les appels à l’insurrection. Le gouvernement allemand, au plus bas dans les sondages, tente d’endiguer ces contestations qui pourraient se multiplier si l’Allemagne ne retrouve pas rapidement sa situation économique avantageuse, gage de stabilité sociale !
Bref, une actualité à suivre de près. Car qui sait comment ces mouvements impacteront l’Alsace à moyen et long terme.