Le mercredi 29 novembre, après une brève occupation de l’école élémentaire des Romains, le collectif Pas d’enfant à la rue 67 a obtenu un logement pour deux familles vivant en tentes. Élu(e)s et associatifs dénoncent une situation catastrophique à Strasbourg.
La scène est peu banale. Ce mercredi 29 novembre, en début d’après-midi, une des salles de l’école élémentaire des Romains est occupé par une vingtaine de personnes. Ici et là, des enfants jouent, les uns aux petites voitures, les autres dessinent.
Les plus grands, eux, tentent de suivre la discussion du groupe d’adultes au milieu de la pièce.
Hülliya Turan et Floriane Varieras, toutes deux adjointes à la maire de Strasbourg, font face aux militantes du collectif Pas d’enfant à la rue 67. Depuis midi, l’école est occupée par celui-ci. Objectif : trouver une solution d’hébergement pour deux familles à la rue depuis six mois.
« C’est impossible pour les enfants de suivre une scolarité normale dans ces conditions. »
Créé en 2021, le collectif Pas d’enfant à la rue 67 milite pour l’hébergement des familles sans abris dont les enfants sont scolarisés dans les écoles bas-rhinoises.
« À l’école des Romains, deux familles sont concernées. Leurs enfants y sont scolarisés, mais ils vivent à la rue depuis six mois. Les parents d’élèves ont interpellé le collectif sur cette situation et faute de réaction à nos alertes, on a décidé de les mettre à l’abri dans l’école », déclare Cécilia Quintiliani, infirmière scolaire et membre du collectif.
C’est la troisième fois que les militantes font le choix d’occuper une école. « C’est impossible pour les enfants de suivre une scolarité normale dans ces conditions. Ils ne peuvent pas réviser, ni suivre les cours, ils vont cumuler les problèmes de santé physiques et psychologiques. »
Trois adultes et six enfants de 4 à 17 ans sont concernés par l’action à l’école des Romains. Giorgi*, 14 ans, raconte les galères de sa famille. D’origine géorgienne, il arrive en France il y a cinq ans avec ses parents et sa petite sœur. Depuis six mois, ils vivent dans une tente à la Montagne Verte.
« On ne peut pas continuer à dormir dans la rue parce qu’on est souvent malade et c’est très difficile de dormir dans le froid. Il pleut dans la tente, je n’ai pas les mots pour dire à quel point c’est compliqué. »
C’est la troisième fois que l’adolescent se retrouve à dormir dehors entre deux hébergements d’urgence, malgré tout, il tente de suivre une scolarité normale et espère devenir avocat. « Là, j’essaye de ne pas avoir de retard en troisième, à la fin de cette année, je dois passer le brevet, c’est une année importante. »
« C’est une question d’humanité »
Dans la grande salle de l’école des Romains, Giorgi assure tant bien que mal la traduction des échanges entre militantes et élues pour sa maman. Problème, les deux familles sont en situation irrégulière. « C’est une question d’humanité », répondent les militantes.
Rapidement, une solution est proposée par les adjointes à la maire. La ville dispose de deux appartements à proximité de l’école et va les mettre à la disposition des familles qui pourront y rester jusqu’en mars. Floriane Varieras détaille : « dans le bâtiment de La T’rêve [lieu d’accueil pour les sans-abris, ndlr], nous avons deux appartements qui étaient occupés il y a encore quelques semaines, mais sont maintenant vides en vue de gros travaux au mois de mars. On va mobiliser ces appartements pour ces deux familles, c’est un alignement des planètes inespéré. »
La T’rêve, le nouveau lieu d’accueil de 800m2 dédié aux migrants à Strasbourg
Hülliya Turan explique à la mère de Giorgi que la ville leur a trouvé un logement jusqu’en mars. Quand elle comprend qu’ils vont pouvoir dormir au chaud, son visage s’illumine, avant de reprendre un air soucieux : « et… après ? »
Pour le collectif Pas d’enfant à la rue 67, « c’est une petite victoire, mais ça reste instable pour les familles. Cela leur permet d’échapper à la rue quelques mois, mais on espère vraiment qu’il y aura une solution pérenne pour ces enfants. »
Environ 80 familles à la rue à Strasbourg
Pour Cécilia Quintiliani, cette occupation est une réussite. Comme lors des précédentes, une solution a rapidement été trouvée pour les familles. Pourtant, « il y a environ 80 familles dans cette situation sur Strasbourg, là, on a pu en loger deux, il en reste donc 78 autres qui sont encore à la rue. »
Du côté de la mairie, Floriane Varieras décrit une situation catastrophique : « selon le Service intégré d’accueil et d’orientation (SIAO), les maraudes ont recensé 113 familles à la rue dans le Bas-Rhin. On a plus de 5.500 appels par semaine au 115. On a jamais vu ça. »
À Strasbourg, les campements de fortune se multiplient depuis la fin de l’été et la pauvreté est de plus en plus visible en ville. L’élue appelle l’état à prendre la mesure du problème. « On ne maîtrise pas les politiques sur la migration et le logement. Tant qu’il n’y aura pas de changements structurels, on n’arrivera pas à trouver des solutions. »
Alors que l’hiver s’installe petit à petit sur la métropole, associations et élu(e)s de la ville espèrent un déclenchement rapide du plan Grand froid. Ce dernier, décidé par la préfecture, permet de réquisitionner des gymnases pour y loger les sans-abris.
Cécilia Quintiliani appelle, cependant, à trouver des solutions plus durables pour la centaine d’enfants qui dorment dehors à Strasbourg : « ça ne devrait pas être aux citoyens de se substituer aux pouvoirs publics, l’hébergement est un droit inconditionnel. Nous, on demande qu’on puisse trouver d’autres solutions d’hébergement, comme le logement intercalaire ou la réquisition des logements vacants. »
* Le prénom a été modifié.
Merci de parler de ce sujet extrêmement important.
La situation en France, et donc également à Strasbourg, est catastrophique. Effectivement, on constate tous que le nombre de personnes à la rue augmente. C’est une honte pour un pays comme la France et pour une ville comme Strasbourg.
Capital de Noël mais pas de l’humanité !
On ne peut pas continuer à “s’habituer” à voir toutes ces personnes en détresse et continuer à faire notre vie en fermant les yeux.
Merci pour votre article. Espérons que des mises à l’abri vont se faire. Ce n’est pas le nombre de structure, gymnase et autre qui manque dans cette ville.
Merci à ce collectif d’être intervenu sur des problématiques sérieuses qui touchent tout le monde et ne devraient pas exister. Tristement, nous sommes face à une politique de familiarisation avec l’exclusion. C’est inacceptable !
C’est vraiment terrible ce qui se passe en France.
La France est entrain de basculé.