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Nature en ville : on a rencontré Frédéric Tournay, l’homme derrière le jardin botanique de Strasbourg

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Article soutenu mais non relu par le jardin botanique de Strasbourg.

Installé au cœur de la Neustadt depuis 1884, le jardin botanique de l’université de Strasbourg cultive dans ses serres et ses parterres plus de 5.500 essences de plantes du monde entier. Précieuses, ces collections vivantes font le bonheur de l’enseignement, de la recherche et des 90.000 visiteurs/euses accueilli(e)s chaque année. Mais elles doivent aujourd’hui composer avec le changement climatique.

À l’entrée du jardin botanique, ce matin de novembre, le manteau écarlate des érables du Japon contraste avec l’or des ginkgos dispersés dans l’arboretum. À droite, un grand liquidambar éclabousse le sol de feuilles pourpres et orangées. Plus loin, quelques frondaisons mordorées se font remarquer au milieu des épicéas et des feuillus dénudés.

L’automne n’en finit plus de jouer les artistes dans ce parc de trois hectares, mais c’est un autre spectacle qui attire l’œil de Frédéric Tournay, responsable des collections du jardin botanique.

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Jardin botanique Strasbourg Université Nature en ville
Le jardin botanique a pris ses couleurs d'automne. © Adrien Labit / Pokaa

Le long de l’allée centrale, les branches d’un grenadier ploient sous le poids de ses fruits. Rouges et mûrs. « Inimaginable » il y a encore quelques années.

« Avant, il arrivait que nos arbres méditerranéens fassent des fruits quand les conditions étaient réunies, mais ils n’arrivaient pas à maturité, se souvient le botaniste. Maintenant, nous avons des figues, des grenades et des olives chaque année. » La faute à des étés plus chauds et des arrière-saisons plus douces et sèches.

1619-2023 : quatre siècles d’histoire

Ce qui a tout d’une bonne nouvelle pour les gourmets donne des sueurs froides aux équipes de cette institution multiséculaire. Fondé en 1619, le jardin botanique de l’université de Strasbourg est le deuxième plus ancien de France.

Il prend d’abord racine à la Krutenau, à l’emplacement de ce qui est aujourd’hui le parc de la Haute école des arts du Rhin (HEAR). « À cette époque, on utilise des plantes pour soigner les gens et l’on cherche à former les médecins à leur utilisation », resitue Frédéric Tournay.

Dans ses premières décennies, le jardin s’étend sur un hectare et compte environ 1.600 espèces. Des serres sont rapidement construites afin d’accroître la diversité des plantes à étudier, mais cela ne suffit pas à assouvir la soif de connaissance des érudit(e)s de l’époque.

Les médecins qui vont se succéder à la tête de l’institution n’auront de cesse de vouloir l’agrandir. En 1850, décision est prise de le transférer à l’Orangerie. La guerre de 1870 va interrompre cette entreprise.

Lorsque les troupes prussiennes assiègent Strasbourg, les habitant(e)s se retrouvent en effet privé(e)s d’accès à leurs cimetières, situés en périphérie de la ville. Le jardin botanique est alors réquisitionné pour y enterrées les victimes du siège. Il est en grande partie détruit.

À l’issue de la guerre, l’Allemagne victorieuse souhaite faire de Strasbourg une vitrine de son génie culturel et scientifique. Elle édifie la Neustadt et dote la ville d’une université flambant neuve qui ambitionne d’être à la pointe du savoir de son époque.

Jardin botanique Strasbourg Université Nature en ville
Une des serres du jardin botanique dont la construction remonte à 1884. © Adrien Labit / Pokaa

Le jardin botanique tel qu’on le connait aujourd’hui est inauguré en 1884. Comme son prédécesseur, il est rattaché à l’université. Non plus à la faculté de médecine, mais au tout nouvel institut de botanique, dirigé par le mycologue Anton de Bary.

Il comprend, dès ses débuts : un arboretum, une école de botanique, des parcelles écologiques, des rocailles et un ensemble de serres chauffées. Le site a également été pensé comme un complexe paysagé. Aussi utile qu’esthétique dans sa disposition.

Jardin botanique Strasbourg Université Nature en ville
Parmi les rares changements ayant eu lieu ces 140 dernières années, la disparition des serres originelles, endommagées par le manque d’entretien. © Adrien Labit / Pokaa

Un lieu de savoir riche de 5.500 essences végétales

Près de 140 ans plus tard, le jardin n’a quasiment pas changé. Il offre toujours, au regard, différentes parcelles abritant des plantes de tous milieux. Ici, des essences aquatiques installées dans de petits canaux. Derrière, des espèces de montagne, réparties sur les faces ensoleillée et ombragée d’une butte de rocailles.

Un peu plus loin, des parterres plus classiques qui ne détonneraient pas dans un jardin de particulier si chaque essence n’était pas accompagnée d’un petit panneau indiquant son nom en français et en latin. Rappel discret que ce site reste un lieu de savoir et d’apprentissage.

Jardin botanique Strasbourg Université Nature en ville
Frédéric Tournay, responsable des collections du jardin botanique. © Adrien Labit / Pokaa

Plus qu’un parc, le jardin botanique constitue un véritable « musée du vivant » pour Frédéric Tournay. Une « bibliothèque » végétale riche de 5.500 essences, mises à disposition de l’enseignement et de la recherche.

« Quand un professeur de biologie a besoin de matériel pour un cours, ou un TD, il me passe une commande et je prélève ce dont il a besoin », poursuit le responsable des collections. Des fruits, des feuilles, ou tout autre élément d’anatomie végétale.

Extraordinaire végétal

Dans ce « jardin de jardins », étudiant(e)s et visiteurs/euses peuvent découvrir ou redécouvrir plusieurs systèmes végétaux. Une serre abrite un ensemble de plantes ne poussant qu’en milieu aride. Une autre, des essences tropicales. Maintenue à 25°C et humidifiée tous les jours, cette dernière donne à voir tout ce dont le végétal est capable en matière d’exubérance.

« Dans les milieux lumineux, chauds et humides, la machine plante fonctionne à plein régime, détaille Frédéric Tournay, pédagogue. On y trouve des espèces qui vont faire de très grandes feuilles et croître rapidement. »

Jardin botanique Strasbourg Université Nature en ville
Dans la serre tropicale, l'exubérance végétale. © Adrien Labit / Pokaa

Si rapidement qu’il faut régulièrement contrecarrer leurs tentatives d’évasion par le plafond de la serre, situé à 12 mètres du sol ! Chaque année, pendant la fermeture du site, en janvier et février, des jardiniers/ières botanistes taillent le tiers supérieur du feuillage sommital de la serre afin qu’il ne puisse gêner la fermeture des trappes de ventilation.

Si la verrière n’est pas tout à fait comparable à une véritable jungle tropicale, elle offre toutefois quelques exemples de ce que l’on peut y trouver : des lierres étonnants, qui poussent sur le tronc d’autres espèces dont ils recueillent les résidus végétaux – feuilles mortes et autres déchets – pour s’en nourrir, des lianes qui retombent vers le sol pour mieux faire circuler la sève de plantes capables d’atteindre 12 mètres de haut, et des monsteras déployant leurs feuilles, avec une précision mathématique, pour qu’elles ne puissent pas se faire de l’ombre.

« En 20 ans, on a changé de monde »

Tous les jours, les équipes du jardin botanique soignent les différents milieux et parterres du site. Observent les changements. Désherbent, élaguent ou taillent un peu au besoin.

Les jardiniers/ières botanistes doivent veiller à ce que certaines plantes ne prennent pas leurs aises au point d’étouffer leurs voisines. Parfois, ils et elles doivent au contraire faire face à des disparitions au sein de leurs collections…

« C’est une gestion en roulement, détaille Frédéric Tournay. Chaque année, nous avons des plants qui meurent et que nous devons remplacer. » Commence alors une réflexion sur les causes du décès et ce qu’il serait bon de planter qui puisse durer dans le temps.

« Depuis la canicule de 2003, on observe un véritable changement. Avant, on cherchait surtout des espèces capables de résister au froid l’hiver. Maintenant, on doit veiller à ce qu’elles puissent résister à la chaleur l’été. En 20 ans, on a changé de monde. »

Au fond de l’arboretum, quelques arbres morts témoignent de ce changement. Le grand chêne situé le long de la rue de l’Université a souffert d’une attaque de capricornes. Des insectes rares et protégés. Il avait probablement été fragilisé par un climat devenu trop doux pour lui. Son tronc a été laissé sur pied pour servir d’abri à différentes espèces d’insectes, d’oiseaux et de chauves-souris.

Sa frondaison (quand les feuilles d’un arbre commencent à pousser) a été débitée et laissée par terre, juste à côté. La décomposition de ce bois particulièrement dur va prendre des décennies et sera très observée par les chercheurs/euses. C’est le début d’une expérience scientifique ! 

Jardin botanique Strasbourg Université Nature en ville
© Adrien Labit / Pokaa

Près de l’Observatoire, un mélèze d’Europe est mort cet été. Lui non plus n’a pas résisté aux étés de plus en plus secs et aux hivers doux. Juste à côté, une frêle silhouette d’un vert vif balance ses ramures tombantes dans le vent. « C’est un pin pleureur des montagnes du Mexique, explique Frédéric Tournay. Normalement, il devrait plutôt bien résister au froid et à la sécheresse. »

Le responsable des collections du jardin botanique le confesse bien volontiers : comme ses confrères du monde entier, il « tâtonne ».

« On sait que l’on va probablement voir disparaître certaines espèces locales, comme le chêne ou certains épicéas. On va en planter d’autres et voir ce qui tient, ce qui dure. » Mais chaque choix est un pari sur l’avenir. Ce qui pousse aujourd’hui pourrait ne pas résister au climat de demain ! 

Jardin botanique Strasbourg Université Nature en ville
© Adrien Labit / Pokaa

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Commentaires (3)

  1. C’est un superbe jardin, et géré par des gens très compétents. Dommage d’omettre cependant que les financements y sont ridicules, que la serre de Barry et la grande serre attendent d’être restaurées dans l’état de l’art. Que la médiation aux publics et particulièrement aux scolaires y est quasiment inexistante depuis des années, hors de très rares exceptions, que l’on peut désormais s’y promener quelques heures par jour à peine, quand auparavant c’était ouvert et accessible… Il est urgent d’encourager les institutions à financer décemment ce lieu pour qu’il puisse reprendre son rôle de sensibilisation dans le paysage strasbourgeois.

    • Que de fiel! Vous devez vraiment être frustrée pour ne pas reconnaître tous le travail scientifique et de médiation fait dans ce superbe jardin 😡😡

  2. Très chouette article, mais c’est dommage de ne pas plus mettre en avant toutes les personnes qui font vivre ce lieu ! Que ce soient les jardiniers, les animateurs, l’asso des amis du jardin, qui sont des éléments important tant dans l’histoire du lieu… que dans sa survie ! Car, si le changement climatique demande de s’adapter, le jardin ne se plante pas tout seul !
    Mais ça permet au moins d’aborder l’aspect historique et c’est déjà bien 🙂

    à “Balou” :
    étrange de parler de fiel sur un commentaire qui ne fait que décrire une réalité facilement constatable !
    Ayant grandi et vécu rue de l’observatoire, j’ai passé assez de temps dans ce parc (que j’aime beaucoup) pour voir que les évolutions constatées dans le post d’Eléa sont factuelles.

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