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Entre musique et patrimoine : plongée dans les coulisses d’une manufacture d’orgues alsacienne

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Plus de 1 200 des quelques 7 000 orgues français sont situés en Alsace. Figures imposantes des églises de la région, ces instruments nécessitent un entretien particulier pour pouvoir continuer à traverser les siècles. À Eschau, la manufacture Muhleisen veille sur ces morceaux d’Histoire et perpétue un savoir-faire ancien. Reportage.

Le parfum du bois travaillé dans une atmosphère sereine. Concentrée et détendue. Appliquée. Dans les ateliers de la manufacture Muhleisen, les orgues se font discrets pour ceux qui ne les connaissent qu’en majesté, suspendus dans les églises.

Ni buffet volumineux, ni tuyaux rutilants de plusieurs dizaines de mètres. Mais de petites pièces scrutées par des yeux experts. Ici, un clavier en cours de confection. Là, un sommier et sa mécanique, posés à plats. Dans l’autre pièce, des jeux de flûtes attendant d’être ouvertes.

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Mécanique musicale

« Est-ce que vous savez comment fonctionne un orgue ? » nous demande en souriant Annett Jehmlich, factrice d’orgues. « Euuuuh ». Non tiens, pas vraiment quand on y pense. Comme une sorte de piano à flûtes ? Pas loin. Mais très insuffisant pour décrire l’ingéniosité de cet instrument-machine dont les traces les plus anciennes remontent à l’Antiquité. L’orgue tel que nous le connaissons aujourd’hui apparaît au Moyen-Âge et se développe au XVIIIe siècle.

« L’orgue est un instrument à vent, détaille notre guide à côté d’une maquette. Un soufflet ou une soufflerie envoie de l’air sous pression dans un espace étanche nommé sommier. Lorsque le musicien appuie sur une touche, cette dernière ouvre une soupape : le vent s’y engage et fait résonner un ou plusieurs tuyaux. » Voilà pour la base. C’est après que cela se corse.

Un orgue compte souvent plusieurs claviers. Chacun d’entre eux commande un plan sonore, c’est-à-dire un ou plusieurs jeux de flûtes. Lesquels sont également modulables : des manettes nommées registres permettent de jouer la même note de plusieurs jeux au moyen d’une touche. De faire jouer certains groupes de flûtes ensemble ou d’en découpler. Toutes ces subtilités font de l’orgue un instrument très complet. Mais aussi, très complexe.

Fondée en 1941, la manufacture Muhleisen maîtrise toutes les étapes de la fabrication d’un orgue, de la confection des tuyaux à l’assemblage de l’instrument. La plupart de ses commandes concernent la rénovation et la modernisation d’instruments anciens. Mais il arrive parfois qu’elle en construise de nouveaux. Sur mesure, toujours.

Créer, restaurer et veiller sur un patrimoine

« En 2020, nous avons terminé la plus grande de nos pièces, retrace Annet Jemlich. L’orgue de la salle de concert Zaryadye, à Moscou. » Quatre claviers, 82 jeux et près de 6 000 tuyaux sonores. L’assemblage et l’accordage de l’ensemble ont nécessité beaucoup de travail. Il s’agit autant d’harmoniser les jeux de l’instrument que de faire en sorte que ce dernier sonne bien dans la pièce où il est installé.

Pour l’heure cependant, trois gros chantiers occupent les facteurs de l’atelier : la restauration et la modification de l’orgue de la cathédrale d’Amiens, la modernisation de l’orgue de chœur de la cathédrale de Strasbourg et la restauration du buffet – le meuble contenant la majeure partie des tuyaux — de l’orgue de la cathédrale de Chartres.

Sur son établi, Christoph Göb vérifie la conformité des abrégés sur lesquels il vient de travailler. De petites pièces assurant la transmission entre le clavier et les soupapes libérant l’air dans les flûtes. Destinées, cette fois-ci, à l’orgue de chœur de la Cathédrale d’Amiens. Travailler sur la restauration d’un orgue, c’est travailler sur une histoire.

« Il y a très peu d’orgues qui n’ont pas connu de modifications au fil du temps, détaille-t-il. Ils ont évolué au gré des modes musicales. À chaque fois, on a ajouté des jeux. Lorsqu’on restaure un orgue, la question se pose de savoir à quelle époque revenir. » À quel ensemble de jeux.

Aujourd’hui encore, le relevage d’un orgue – sa révision – s’accompagne souvent d’une modernisation musicale et de l’ajout de nouvelles flûtes ou d’un système électrique pour actionner les soupapes. Il faut alors intégrer de nouvelles harmonies à l’ensemble. De nouvelles pièces aussi. Un travail méticuleux qui nécessite plusieurs années d’apprentissage.

Les facteurs d’orgue sont également chargés de l’entretien des orgues dans les églises et des dépannages, au printemps ou en automne. « On commence par discuter avec l’organiste de ce que lui a repéré comme problème, détaille Christoph Göb. On écoute, on réajuste les tampons qui ferment les tuyaux si besoin ou on les nettoie quand des saletés sont tombées dedans. Mais parfois, on rencontre des problèmes plus importants. De la moisissure dans le sommier, des fissures dans le buffet ou sur des flûtes en bois… »

Il arrive aussi que les églises désaccordent leur orgue sans le savoir en chauffant l’édifice juste avant l’office. « Les grands tuyaux situés en façade se réchauffent plus vite que ceux à l’intérieur du buffet et cela donne un ensemble un jeu dissonant. Pour bien faire, il faudrait chauffer les églises très progressivement dès la veille mais après, il y a des questions de moyens. » Parfois, c’est la nature qui désaccorde les instruments. « Je me souviens d’une fois où l’un des tuyaux ne sonnait plus : un oiseau avait fait son nid dedans. »

« C’est avant tout un métier de passion »

D’un côté le bois, de l’autre le métal. Dans l’atelier voisin, Michaël Meyer travaille les pieds d’un ensemble de flûtes. Facteur d’orgue spécialisé en tuyauterie, l’artisan peut compter sur 18 ans d’expérience professionnelle. Et une sensibilité d’organiste : « En matière de facture d’orgue, chaque entreprise a sa sensibilité. Des façons de faire. Mais il ne faut pas oublier que nous faisons de la musique. Pas juste des sons. L’essentiel ne réside pas dans le défi technique, mais dans la finalité de notre travail. »

Facteur d’orgues Mulheisen
© Adrien Labit / Pokaa

Celui qui joue de temps en temps près de chez lui regrette la perte d’intérêt du public pour cet instrument singulier : « C’est dommage qu’il soit associé aux églises. Cela n’encourage peut-être pas les plus jeunes à s’y intéresser. »

Lui reconnaît en être mordu. « Facteur d’orgue, c’est avant tout un métier de passion. Vous ne pouvez pas faire ça si vous y allez le matin en pensant déjà au moment où vous allez rentrer le soir », détaille-t-il. « Pour moi, le plus beau truc dans ce métier, c’est de me dire que l’on travaille sur des instruments qui ont des siècles et qui dureront encore des siècles. Nous ne sommes que de passage. »

Facteur d’orgues Mulheisen
© Adrien Labit / Pokaa

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