10 ans plus tard, il ne sait toujours pas pourquoi il a déménagé aux Deux-Rives

Le quartier des Deux-Rives est depuis longtemps présenté comme le futur de Strasbourg, attirant de nombreux/ses Strasbourgeois(es) en quête de qualité de vie et d’être aux premières loges du « nouveau » Strasbourg. Sauf que, près de 10 ans plus tard, Stéfan*, un des tout premiers à être arrivé, attend encore. Un témoignage poignant.

C’est l’histoire d’un Strasbourgeois, entre France et Allemagne, qui ne sait plus trop ce qu’il fait là. Lui, c’est Stéfan. Là, ce sont les Deux-Rives, le « Strasbourg du futur » vanté par deux municipalités successives depuis presque dix ans. Sauf que depuis dix ans, l’avenir se conjugue au présent.

Et le présent, ce sont les réalités de personnes comme Stéfan, arrivé aux Deux-Rives pour profiter de « quartiers vivables et vivants, grâce à un urbanisme de qualité », comme l’expliquait la municipalité actuelle en janvier 2022. Sauf qu’aujourd’hui, lesdits quartiers manquent singulièrement de vie.

strasbourg-bateau-Ill- Port du rhin — ©Tamara Leroy / Pokaa

Le mirage d’une opportunité

Le jeune homme, ingénieur chimiste, explique son choix de venir aux Deux-Rives : « Je pensais que j’étais le plus malin de tous mes potes en achetant le premier ; en plus ça avait l’air d’une super opportunité ». Il faut dire que dans une ville comme Strasbourg où l’immobilier est cher, l’idée des Deux-Rives s’imposait : des appartements neufs, à prix raisonnable, c’était l’idéal. Sur le papier en tous les cas.

Depuis, le jeune homme a quelque peu déchanté : « Déjà, l’odeur de café brûlé tous les matins, c’est pas ma tasse de thé ; et pour l’oeuf pourri, je n’ai jamais été fan d’omelettes. Ensuite, le jardin des Deux-Rives c’est sympa, ça rend différentes les balades à pied vers le DM, mais depuis le temps que je suis là, je pense que je le connais comme ma poche ». Il déclare également pouvoir dessiner par coeur le plan de la clinique Rhéna et calculer de tête l’inflation du Carrefour Express place de l’Hippodrome.

Le Jardin des Deux Rives,octobre, couleurs — © Maria Fernandes / Pokaa

Un manque de vie de quartier

En un mot comme en cent, Stéfan s’ennuie. Le jeune homme déplore la vie de quartier quasiment absente : « Il y a bien quelques commerces mais ça manque de piquant. Une fois, je m’ennuyais tellement que j’ai pris une nuit au Formule 1 d’à côté, juste pour ressentir quelque chose ». Il préfère donc la vie kehloise, en avouant un petit faible pour le McDo en face de la station service.

Il y a plus de stations de tram créées que de restos

Stéfan, primo-acquérant aux Deux-Rives

Et même lorsque des projets sortant un peu de l’ordinaire arrivent, Stéfan manque de chance : « Quand le Phare Citadelle a été annoncé, c’était comme une délivrance. Enfin un projet qui allait faire bouger le quartier ». Mais malheureusement pour le jeune homme, la suite n’a pas été à la hauteur : « La première fois où j’ai essayé d’y aller, je me suis perdu pendant 3 jours. Depuis, je n’y suis jamais revenu ».

Un futur au futur

Désormais père de famille, et également d’un berger suisse, Stéfan commence à regarder le futur avec incertitude : « Au rythme où ça va, je pense que ma première sortie bar dans le quartier sera lorsque ma fille sera majeure ».

Alors lorsqu’on lui promet de grands parcs et une magistrale de l’eau pour améliorer la vie de quartier, le jeune homme se montre sceptique : « On m’a vendu monts, merveille et foodcourts. On m’a dit d’attendre que la vie de quartier arrive. Du coup j’attends ».