Bienvenue sur le site de Pokaa.fr

Votre navigateur est obsolète.

Merci de le mettre à jour pour voir le site correctement

Mettre à jour

Recherche

Lance une recherche dans les articles ou vidéos parmi l’ensemble des publications de Pokaa.

Publicité

Sous les pavés, la rage : à Strasbourg, le “déni de démocratie” donne un second souffle à la rue

3.1k Lectures
Publicité

Jeudi, plus de 20 000 personnes ont défilé dans les rues de Strasbourg à l’occasion de la 9e journée de mobilisation intersyndicale. Une manifestation contre la réforme des retraites, mais pas seulement. Après le passage en force du gouvernement, beaucoup de Strasbourgeois et de Strasbourgeoises s’inquiètent aujourd’hui de l’état de la démocratie en France.

L’affluence des grands jours et la colère des combats qui durent. À moins d’un quart d’heure du départ, le cortège de la 9e intersyndicale s’étend déjà de la place de la République au bout de l’Avenue de la Liberté, ce jeudi 23 mars. Étudiant(e)s, lycéen(e)s, syndicalistes, militant(e)s politiques et autres citoyen(ne)s de tous âges, uni(e)s pour battre le pavé de la capitale européenne.

Malgré plusieurs semaines de mobilisation contre la réforme des retraites, le gouvernement d’Élisabeth Borne a en effet dégainé l’article 49.3 de la Constitution pour faire passer son texte, jeudi 16 mars. Attisant la colère de tous les opposants au projet. Deux motions de censure ont aussitôt été déposées par des parlementaires. Et rejetées lundi 20 mars. L’une d’elles, à 9 voix près.

Publicité

À l’issue du vote, de nouvelles manifestations spontanées ont eu lieu un peu partout en France. À Strasbourg – comme ailleurs –  la mobilisation été durement réprimée par les forces de l’ordre. Une quarantaine de manifestants ont été nassés dans les gaz lacrymogènes, petite rue des dentelles, en plein centre.

Trois personnes ont dû être prises en charge par les pompiers. Loin de jouer l’apaisement, Emmanuel Macron a défendu son projet mordicus lors d’une interview diffusée mercredi 22 mars et redit sa volonté de faire appliquer le texte d’ici la fin de l’année.

“A quoi ça sert qu’on vote si tout passe au 49.3 ?”

Dans le cortège strasbourgeois, on ne s’avoue pas vaincu pour autant. « Nous sommes là parce qu’on ne peut pas se résoudre à partir à 64 ans », tempête Corinne Spehner, secrétaire générale de la CFDT santé sociaux 67, infirmière à l’hôpital de métier. « Nous avons des métiers pénibles. Dès 45 ans, beaucoup ont des incapacités de travail. » La syndicaliste espère que le texte sera retiré sous la pression de la rue.

Au sein de la délégation de chasubles oranges, une trentaine de militants arborent des bonnets phrygiens cocardés. Symboles révolutionnaires. « Pour nous, le recours au 49.3 a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, poursuit Corinne Spehner. Nous avions tout de même espoir que le texte soit voté. À la place, nous avons vécu un déni de démocratie. À quoi ça sert que l’on vote si tout passe au 49.3 ? »

Sur le parvis de la BNU, Simon Thierry s’inquiète lui aussi de l’état de la démocratie. « Aujourd’hui, je suis plus là pour ça que pour la réforme », détaille celui qui a pourtant été de toutes les manifestations depuis le début du mouvement.

« L’article 49.4 a été utilisé cent fois sous la Ve République. Dont onze fois au cours des dix derniers mois. Emmanuel Macron ne s’en remet pas de ne pas avoir de majorité claire au Parlement alors il utilise des outils destinés à des situations d’exception pour faire passer des textes qui n’ont rien d’exceptionnel. »

« Quand, après des semaines et des semaines de mobilisation partout en France, on entend le Président dire que la foule, ce n’est pas le peuple, je trouve ça hallucinant de mépris ! », s’agace le jeune homme.

Pour ce trentenaire, la démocratie est aujourd’hui « en danger ». « Pour la première fois depuis 60 ans, nous avons une quarantaine de députés RN à l’Assemblée nationale. L’extrême droite est aux portes du pouvoir et nous sommes en train de lui offrir tous les outils de normalisation de la dictature. »

Le trentenaire s’inquiète également d’une « répression policière jamais vue depuis Mai 68. » « On s’est habitués à faire attention en allant en manif. Maintenant, on se donne des consignes de sécurité pour exercer notre droit à manifester. Je trouve ça fou. »

manifestation retraite démocratie
© Mathilde Cybulski

“On ne peut pas gouverner un pays contre la volonté de son peuple”

Place de la République, la tête de cortège s’élance enfin en direction de la place Broglie. Dense, la foule s’étire lentement : une large partie des manifestant(e)s patiente toujours Avenue de la Liberté. Gilet rouge Force ouvrière sur les épaules, Gérard Martinez fait partie de ceux que le recours systématique au 49.3 interpelle.

Sa pancarte refait les comptes. Rappelle la faible base électorale d’Emmanuel Macron. « Aux élections législatives, ce sont moins de six millions de personnes qui ont voté pour son parti, sur 70 millions de Français. »

manifestation retraite démocratie
© Mathilde Cybulski

S’il ne remet pas en question « la nécessité d’une réforme », l’enseignant retraité s’interroge cependant sur la légitimité du président à faire utiliser le 49.3. « Une très large majorité de Français sont contre ce texte. Et on ne peut pas gouverner un pays contre la volonté de son peuple. Ces méthodes sont dangereuses pour la démocratie. Il y a des chef d’État que l’on a qualifié de dictateurs quand ils agissaient de cette manière. »

“Aujourd’hui, les gens se réintéressent à la vraie politique”

14h30. La banderole de tête avance Rue de la Haute montée en direction d’Homme de fer. Présentes en nombre, les forces de l’ordre barrent l’accès aux contre-allées et à la Place Kleber. « Tout le monde déteste la police », « La police déteste tout le monde », scande le cortège jeune en passant à leur hauteur. La répression du lundi 20 a marqué les esprits.

Au milieu de la foule, ils sont aussi nombreux à défiler sans chasuble ni banderoles. Une pancarte à la main. Sur celle de Bernard Banitz, un message à destination des tyrans. Et un rappel : « La défense de la liberté est un éternel combat. » « Je pense qu’il est temps de reprendre la responsabilité du collectif, pose en préambule le jeune retraité. Nous avons trop laissé certains décider à notre place et aujourd’hui on le paye»

Le recours au 49.3 et le rejet des motions de censure ont pour lui provoqué un sursaut dans l’opinion. « Les gens se rendent compte que leurs représentants ne représentent finalement qu’une petite minorité de gens qui ont tout le pouvoir. » Conséquence : « Les Français(e) se réintéressent à la vraie politique, celle qui permet de changer les choses. » « La multiplication des manifestations le montre : il n’y a jamais eu autant d’intérêt pour ces questions. »

15h. L’avant du cortège descend l’avenue de la Première armée après un passage un peu plus tendu devant les Galeries Lafayette. Protégées par un cordon de CRS. Militant à la France insoumise, Baptiste persiste lui aussi à marcher pour le retrait de la réforme des retraites.

Malgré l’utilisation du 49.3. « Cela fait des mois que l’on manifeste pacifiquement mais on ne nous écoute pas. Je ne suis pas pour la violence, mais je comprends que certains puissent être en colère », juge le jeune intérimaire, inquiet de ce que la pénibilité ne soit plus prise en compte avec le nouveau texte.

“Aller en manif, ça me permet de voir que je ne suis tout pas seul”

« La retraite ! À 60 ans ! On s’est battus pour la gagner on se battra pour la garder ! La retraite ! » Un slogan après l’autre, la foule passe désormais au pied de la place d’Austerlitz. Adrien marche seul au milieu de la foule. Sans pancarte. Un peu désabusé. « Je suis là parce que j’en ai un peu marre », sourit-il. « Cela fait cinq ans que je travaille et on m’en demande toujours plus. J’ai l’impression que ça ne s’arrêtera jamais. » Difficile de concevoir la retraite comme un horizon, pour cet intermittent du spectacle.

Comme tant d’autres, le jeune homme marche aussi contre le 49.3. Déplorant que « le peuple qui s’exprime en manif ne soit pas pris en compte dans les décisions. » Regrettant que « les « représentants » nationaux ne sont pas plus écoutés par l’Exécutif. » S’il juge nécessaire de persévérer dans la mobilisation et « indispensable que l’on sache les gens en colère », le trentenaire a toutefois « laissé tomber l’espoir que la réforme soit abrogée ».

« À l’étranger, on voit les Français comme des espèces de résistants qui descendent tout le temps dans la rue. Mais depuis que je suis majeur et que je vais en manif, je constate que nous n’avons jamais obtenu que de petits compromis. » Pour le jeune homme, la mobilisation contre la loi travail, en 2016, a marqué un tournant. Celui de la désillusion.

« Je me suis beaucoup renseigné sur le 49.3 après sa dernière utilisation. Et ce qui m’écœure, c’est que cela fait partie de notre démocratie. Des textes. C’est légal. Est-ce démocratique pour autant ? Est-ce que cela représente la volonté du peuple ? Je ne pense pas. C’est pour cela que je marche aujourd’hui. Aller en manifestation, cela me permet de me rendre compte que je ne suis pas tout seul à penser ça. »

Sous les pavés la rage

15h30. Alors que la tête de cortège arrive quai des Bateliers, une colonne de CRS intervient pour interpeler un homme marchant devant la banderole avant de se replier. Nouvelles tensions. Quelques centaines de mètres plus tard, des fumigènes apparaissent au dessus d’une banderole tout juste dépliée. Plusieurs milliers de personnes quittent le défilé en direction du Palais U puis de l’Université. Cortège spontané, jeune, révolté.

Une première salve de gaz lacrymogène les empêche d’abord d’emprunter le boulevard de la Victoire. Ils y arrivent quelques minutes plus tard, remontant les voies du tram en direction d’Esplanade. Quelques bouteilles volent en direction des forces de l’ordre qui répliquent en faisant pleuvoir de nouvelles grenades lacrymo. Nouveau repli.

C’est le début d’un jeu de cache-cache qui durera près de trois heures dans les secteurs Esplanade, Forêt Noire, et Orangerie. Avec, aux fenêtres, souvent, des riverains pour applaudir les manifestants. Le mot d’un passant, parfois.

« C’est pour la réforme des retraites ? », demande un homme âgé à un couple de jeunes au milieu d’un morceau de cortège tentant d’échapper aux gaz. Oui. « Vous avez raison de manifester. C’est important ce que vous faites»

Un nouveau rassemblement est prévu ce soir à 18h place Kléber, et une 10e manif intersyndicale est organisée demain à 14h avenue de la Liberté.

Ça pourrait vous intéresser

+ d'articles "Info locale"

À la une

Sous les pavés, la rage : à Strasbourg, le “déni de démocratie” donne un second souffle à la rue

Aucun commentaire pour l'instant!

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Répondre

En réponse à :

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Illustrations prolonger la lecture

Prolongez votre lecture autour de ce sujet

Tous les articles “Info locale”
Contactez-nous

Contactez-nous

C’est par ici !