Après trois week-ends du marché de Noël de Strasbourg, certain(e)s commerçant(e)s saluent une année plus faste que jamais, alors que d’autres remarquent l’absence des habitués dans leurs rayons. Rencontre avec celles et ceux qui font vivre nos commerces pendant ce mois de fête, pour comprendre comment ils et elles vivent cette édition 2022.
Même quand les températures avoisinent les zéros degrés, dans les rues de Strasbourg, la foule est au rendez-vous. « Pour nous, c’est une année record », confirme Guillaume, dans sa maisonnette de la place Saint-Thomas, entouré de pains d’épice.
Samedi 17 décembre, 96% des hôtels de la ville étaient réservés sur la plateforme Booking.com pour le code postal 67 000. Un chiffre qui en dit long sur la fréquentation du marché de Noël de Strasbourg cette année.
Des ventes record grâce au tourisme
Aux côtés de sa fille et de son père, Guillaume est formel : en plus de 12 ans, il n’a jamais vu ça. « C’est environ 30% de chiffre en plus que d’habitude », estime-t-il. « On sent une libération, c’était un peu prévisible mais à ce point-là, non, on n’a jamais eu autant de monde ».
Jean-Michel et Lancia sont installés place de la Cathédrale, en face de l’Office du Tourisme. Ils y vendent des objets en bois et ce, depuis 15 ans. Cette année, « il y a plus de monde qu’en 2021 », estime Jean-Michel. « Même en semaine, on fait plus de ventes que d’habitude », malgré le froid, les grèves SNCF et la pluie qui s’invite parfois en week-end.
Un peu plus loin place du château, Yohan est entouré de deux grosses marmites de jus de fruits chaud : « L’affluence est là, les gens sont contents de se retrouver, ils sont détendus et souriants, ça fait plaisir ». Au stand de la Fraiseraie des Erlen, il lui arrive d’écouler 140 litres de jus par week-end, un produit qui constitue 90% de ses ventes. « Ça marche du tonnerre, même mon patron est très étonné », précise-t-il avant d’indiquer à un touriste allemand qu’il ne vend pas de vin chaud.
Chez Georges, qui tient une boutique de souvenirs place du Marché aux Poissons, « les touristes sont arrivés depuis mi-novembre ». Des espagnols surtout, des allemands aussi. « On a une belle fréquentation, entre des touristes qui viennent parfois de loin et quelques locaux », poursuit-il.
Du côté de l’Oncle Tom, magasin de CD et vinyles d’occasion Grand’Rue, les clients s’affairent. « Je ne sais pas si c’est parce qu’on fait de l’occasion, mais ça marche très bien cette année, c’est impressionnant », estime Éric, co-gérant de la boutique.
Des Strasbourgeois qui désertent les rues
Autre son de cloche au bistro Lové, place d’Austerlitz. En fin d’après-midi, les habitués ne sont pas au rendez-vous. « Décembre n’est vraiment pas notre meilleur mois », concède Mansour, son barman. « C’est comme si, avec le marché de Noël qui est très en vogue, les Strasbourgeois ne sortaient plus en ville », estime-t-il. « C’est la première fois depuis des années qu’il y a autant de monde dans les rues ».
En 2021, « on avait plus de travail que cette année », se souvient-il. Dans l’établissement, pas de vin chaud ni de pâtisseries de Noël, ni de diffusion des matchs de la coupe du monde : « On est un bistrot pour les Strasbourgeois, avec notre identité et notre clientèle, le but n’est pas d’attirer les touristes », explique Mansour. « Et sur la place d’Austerlitz, ils marchent sans s’arrêter », poursuit-il.
Toute la journée, il voit passer les groupes de touristes « avec les drapeaux pour les guider » relier la place de l’étoile, où les cars s’arrêtent, à la place du Corbeau, où les visitent commencent. « C’est sûr que nos collègues qui sont sur leur passage gagnent des clients, mais nous non », conclue Mansour.
De son côté, au café le Saxo, place du marché Gayot, Dorian est formel : depuis trois semaines, « on n’a quasiment que des touristes », estime le barman. Situé en plein centre ville, ce qu’il vend le plus, « c’est le vin chaud ».
À La Fabrique à Bonheurs, rue de la Division Leclerc, « on est indiqué comme boutique de créateurs donc on attire des personnes qui cherchent à ne pas être dans le flot de touristes », estime Sarah. Si les ventes vont bien, « il y a de plus en plus de clients qui disent qu’ils vont revenir plus tard, et qui ne reviennent pas ».
Même constat chez Tchungle, où « le panier moyen a peut-être un peu baissé », explique Stéphane, le gérant, même s’il n’y a pour le moment « rien d’alarmant » : « Il faudra voir à la fin du mois, quand tout le monde aura fait ses cadeaux de Noël ». La jardinerie urbaine travaille essentiellement grâce aux Strasbourgeois qui, estime-t-il, semblent avoir déserté la ville.