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Maison Kammerzell

Interview monumentale : la maison Kammerzell nous raconte son histoire

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Il est de ces bâtiments qui font l’identité d’une ville, qui peuplent ses cartes postales et alimentent les anecdotes de tous ses habitants. La plus vieille maison de la ville ? Pas forcément. La plus jolie ? Probablement. Mais qui mieux que la maison Kammerzell elle-même pour répondre à nos questions et nous en apprendre plus sur son âme, son Histoire et ses légendes ?

Un début de mois de novembre un peu trop chaud pour la normale. Un soleil presque agressif frappe de ses rayons les sculptures de bois qui dansent sur les deux façades.

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Nous avons rendez-vous par cette matinée d’été indien à cet angle si célèbre de la place de la Cathédrale. La maison nous y attend, fidèle à son poste depuis bientôt 600 ans.

Maison Kammerzell
Maison Kammerzell - © Jérémy Martin

Avant toute chose : es-tu, oui ou non, la plus vieille maison de Strasbourg encore debout, comme on l’entend parfois ?

C’est difficile à dire. Si l’on se réfère aux écrits, alors non, beaucoup d’autres que moi ont été citées avant. Je pense à la Pharmacie du Cerf, à la fin du 13e siècle, ou même le 17-19 rue des Hallebardes qui aurait une centaine d’années de plus que moi. La première mention de mes murs date de 1427. Ce sont les murs de pierre que je garde encore fièrement à mon rez-de-chaussée. Enfin qu’importent les dates quand mes sculptures seules portent ma renommée tout autour du monde !

Comme beaucoup de bâtisses de notre ville, dont l’Aubette à qui nous avons déjà parlé, un incendie a accéléré ton destin et ta notoriété.

Un grand feu a ravagé mes étages supérieurs qui ont dû être reconstruits, d’abord en 1467 puis en 1589. Cela dit, je dois presque tout à Martin Braun, le fameux négociant en fromages. C’est lui qui m’a rachetée en 1571 et qui a décidé de décorer mes façades de bois et de sculptures tape-à-l’œil. C’est grâce à lui que je suis devenue si célèbre.

maison kammerzelle 6
© Florian Crouvezier

Ces sculptures ont un sens, n’est-ce pas ? Que signifient-elles ?

Elles sont un véritable roman de vie. Sur ma façade pignon, celle qui embrasse la Cathédrale, on y trouve de haut en bas les Âges de la vie, les Cinq Sens et les signes du Zodiaque. Tous ces signes montrent l’aspect humaniste de la ville à l’époque de Martin Braun.

De l’autre côté, sur ma façade latérale, on rencontre les Neuf Preux et les Neufs Preuses, des héros et héroïnes qui incarnaient l’idéal de la chevalerie, dont font partie le roi Arthur, Judith, Charlemagne ou encore Lucrèce. Toutes mes boiseries sont un véritable livre ouvert que l’on peut lire et relire à chaque passage devant moi.

maison kammerzelle 5
© Florian Crouvezier

Et ces étages qui surplombent la rue ? Tu n’es pas la seule, au contraire, à présenter cette architecture si spéciale.

Comme aujourd’hui, les puissants ne pensaient qu’à l’optimisation fiscale ! Lors de la construction de ces étages supérieurs, la fiscalité était liée à la surface utilisée au sol, donc les faire dépasser permettait d’augmenter la surface sans multiplier les taxes.

De la même manière, lorsque la fiscalité immobilière changea et qu’elle fut liée au nombre de fenêtres d’un bâtiment, bon nombre d’entre elles furent condamnées par des planches de bois. Fort heureusement, tout cela n’a plus lieu aujourd’hui…

Le marchand de fromage Martin Braun a donc joué un énorme rôle dans ta vie, mais en réalité, tu as toujours appartenu à des commerçants.

Des drapiers ont occupé les lieux, des épiciers… Et systématiquement en occupant les étages supérieurs pour y vivre. Il ne faut pas l’oublier, mais j’étais principalement une maison d’habitation pour les commerçants du rez-de-chaussée, et ce, jusque dans les années 80, date à laquelle mon troisième et dernier étage a été transformé en salle pour le restaurant après avoir servi au gérant de logement.

C’était l’ultime vague d’une série de conversions entamée après la Deuxième Guerre mondiale avec l’ouverture du 2e étage et la création de la grande cuisine, qui a remplacé la plus petite, au rez-de-chaussée, autrefois celle de la Winstub.

Des commerçants, donc, d’abord propriétaires et puis « locataires gestionnaires » par la suite, avec mon rachat par la ville de Strasbourg.

Vitre en cul de bouteille de la maison Kammerzell
Vitres en "cul-de-bouteille" (ou clive) de la maison Kammerzell - © Jérémy Martin

Ce « rachat » à une enchère publique par la ville a marqué un tournant et le début des rénovations.

On est en 1879. Les Kammerzell, dernière famille privée propriétaire de mes murs, et dont j’ai adopté le patronyme, vendent à la ville. Je venais tout juste de réchapper miraculeusement aux bombardements de 1870, alors que mes voisins étaient réduits en poussière, et j’avais fort besoin d’un petit ravalement de façade. L’Œuvre Notre-Dame qui s’occupe si bien de la Cathédrale s’est penchée sur mon cas et a remis à neuf toutes les sculptures de bois.

Et surtout, elle a décidé de demander à des maîtres verriers de m’habiller de ces magnifiques vitraux en « cul-de-bouteille », ces clives pour parler moins crûment, qui me vont si bien. La finesse du travail filtre la lumière pour une atmosphère feutrée, mais resplendissante à la fois. C’est parfait.

Et quelques années plus tard, j’abritais un vrai trésor de plus, les fresques de Léo Schnug.

Qui était-il et pourquoi est-il si lié à ton Histoire récente ?

Léo était un peintre strasbourgeois très influent. C’était un proche de l’empereur Guillaume II, à tel point que l’on dit qu’il était le seul dans l’Empire à le tutoyer. Il a été sélectionné par l’appel d’offres émis pour me décorer, auquel d’autres illustres noms ont participé, comme Charles Spindler, un camarade de Léo au cercle Saint-Léonard.

En 1904 et 1905, il a donc décidé de mettre en lumière les murs du rez-de-chaussée et du premier étage par des fresques de gastronomie… un peu critique. Entre son dernier repas d’un condamné et sa réinterprétation du supplice de Tantale, il met en avant les dérives de l’opulence. Enfin, c’est comme ça que je l’interprète, libre à chacun d’y voir aussi le plaisir pur.

Au premier étage en revanche, on commence à comprendre son goût du vin qui lui causera malheureusement sa perte : il se dessine plusieurs fois verre à la main, et grave même l’inscription « In Vino Veritas » au-dessus de l’une de ses fresques. Il sombrera ensuite dans l’alcoolisme et finira ses jours en hôpital psychiatrique.

Le 20e siècle a également été témoin de ton agrandissement.

Plutôt de ma fusion avec ma voisine. Dans les années 90, mes murs communs avec le bâtiment à l’angle de la rue des Hallebardes ont été démolis. Du rez-de-chaussée au deuxième étage, on peut maintenant passer de l’un à l’autre, pour les besoins du restaurant et de l’hôtel.

D’ailleurs, ce bâtiment voisin est lui aussi plus vieux que moi de quelques dizaines d’années, dans les traces que l’on peut trouver, en tout cas.

Pour finir, comment te résumer en quelques mots ?

À l’image de Léo Schnug et de ses fresques, de Martin Braun et ses fromages, de tous les viticulteurs qui gravitent autour de moi, je suis avant tout la maison de la bonne chère et des plaisirs du palais. J’espère rester l’ambassadrice de la ville sur ces sujets bien longtemps encore !

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Commentaires (2)

  1. Merci pour ce bel article. J’ai moi même habité deux ans à la maison kammerzell lorsque j’avais 3 et 4 ans. Mon père Paul Schloesser était alors propriétaire du petit fond. J’en garde quelques images…

  2. Bonjour. Merci pour votre bel article qui m’a replonger dans mon enfance. J’ai eu la chance d’habiter deux ans au deuxième étage de la maison Kammerzell J’avais trois et quatre ans. Je suis la fille de paul Schloesser. Et je garde beaucoup d’images de cette période de mon enfance dans cette maison. J’y ai aussi travaillé parfois quand mon père me le demandait jusqu’à ce qu’il vende à Monsieur Baumann.

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