Souvent cité dans les classements des plus beaux lycées de France, le Lycée International des Pontonniers recèle autant de magie que son apparence laisse à penser. Cible photographique préférée des touristes comme des locaux profitant de la grâce d’un rayon de soleil sur ses murs, le bâtiment n’est en réalité pas si vieux que cela, à l’échelle strasbourgeoise bien sûr. Nous avons voulu en savoir plus sur cette institution de la ville en allant lui parler directement et ainsi éclairer son Histoire.
Lumos.
On le connait tous. Que l’on arrive de l’avenue de la Marseillaise ou de la place Saint-Étienne, sa majesté surprend et éblouit, comme au premier jour. Le Poudlard de Strasbourg, comme nous aimons l’appeler entre nous, mais surtout lorsqu’on le présente à des amis, en visite dans notre chère ville, impose son style.
Nous le retrouvons chez lui, sur les bucoliques berges de l’Ill, à l’angle du pont Saint-Étienne pour une discussion rare.
Comment vit-on d’être la star des appareils photo, la carte postale rêvée de la ville ?
Esta bien ! Les yeux se tournent vers moi au moindre rayon de soleil — même sous la pluie, d’ailleurs. Si je devais deviner, j’imagine que mon éclectisme architectural y joue. Ou bien celui de mon programme éducatif. On parle 6 langues en plus du français de nos jours, ici. C’est d’autant plus de mixité culturelle. Ou bien, c’est tout simplement dû au mystère qui m’entoure. Seuls les étudiants et les professeurs savent réellement ce qui se cache derrière mes murs.
Justement, on pourrait penser que tu sors directement d’un célèbre film de sorciers, que tu es âgé de centaines d’années, abritant quelque magie secrète. Mais il n’en est rien, n’est-ce pas ?
Ja c’est vrai ! But je n’ai été construit qu’autour de 1900 comme on me connait aujourd’hui. Avant moi, le terrain a hébergé d’autres organisations. De la fin du 13e siècle jusqu’à ce que la ville devienne française (ndlr : en 1681, pour les élèves du fond), des religieuses franciscaines occupaient les lieux dans un petit couvent que l’on nommait Santa Clara in Undis. Louis XIV, et surtout Vauban, en ont plus tard fait une caserne militaire, comme beaucoup d’endroits en ville, et ce, pour les 200 années suivantes.
Et puis les ambitions militaires se sont calmées et on a préféré investir dans l’éducation des jeunes filles. La caserne est démolie en 1890 et un établissement du secondaire est inauguré à la rentrée de 1903. It’s me. En fait, l’école pour jeunes filles existait déjà, mais elle a déménagé dans mes murs pour pouvoir accueillir davantage d’élèves et permettre de mettre plus d’importance à l’éducation.
Ce n’est que plus tard que le lycée est d’abord devenu mixte, en 73-74, comme partout en France, et puis l’ambition internationale s’est déclarée en 1979 avec les premières promotions d’élèves étrangers et les classes multilingues. C’est là que je me suis vraiment épanoui.
Pourquoi ce nom des « Pontonniers » ?
Ce Name m’a été donné dès juillet 1975. Il rend hommage au régiment des Pontonniers, un génie militaire spécialisé dans la construction des ponts, qui a notamment été très actif pendant et après la Révolution et les guerres de l’Empire.
Des moines aux jeunes filles, en passant par un corps de génie militaire, et maintenant un lycée international, tu as eu mille vies. C’est quoi, ton plus beau souvenir ?
Tout ça n’était pas vraiment moi, you know. Je ne suis pas si âgé. L’un de mes souvenirs marquants cela dit, c’est le combat des professeurs pour que le lycée ne devienne pas un ensemble de logements banals dans les années 70-80. Rester un endroit d’instruction et de développement des futurs citoyens du monde est un acquis, au-delà des casernes militaires et des couvents et c’est ainsi que je souhaite vivre jusqu’à la fin.
Cela a un lien avec les deux chouettes que l’on peut voir à l’entrée ?
Les chouettes sont le symbole du savoir et de la sagesse. Knowledge and wisdom. Si l’on doit retenir une chose sur moi, c’est cette ambition-là. L’architecte Johann Karl Ott l’a voulu ainsi et je l’en remercie.
En parlant d’architecture, pourquoi tous ces éléments différents sur tes façades et ce style plutôt ancien même pour les standards de 1900 ? Encore aujourd'hui, avec ce bâtiment en bois plutôt moderne dans ta cour.
C’est une volonté de l’architecte Ott, at first. Il a souhaité intégrer tout l’art local et l’histoire de l’architecture de Strasbourg en un seul bâtiment, pour y sensibiliser les jeunes filles qui me fréquenteraient. Je suis un musée vivant, en quelque sorte, témoin du passé gothique, ainsi que du style de la Renaissance.
Je porte par exemple les marques de plusieurs maisons célèbres (la maison Mueg, l’auberge Der Katzeroller, la Pfalz) sur mes façades, mes oriels, mes balustres. Ott croyait vraiment aux bénéfices pittoresques de la diversité, à la fois des sources d’inspiration, mais aussi des matériaux eux-mêmes : grès gris sur les moulures des portes et fenêtres, grès rose pour le soubassement, tuiles en cuivre, tuiles cuites ou bien des tuiles vernissées en vert pour l’oriel qui rappellent… la cathédrale.
Assumes-tu le côté un peu élitiste de ton éducation ?
Strasbourg est la capitale de l’Europe, ma mission a un vrai sens pour l’ouverture sur le monde que la ville veut se donner. Ce n’est pas une question d’élite, mais de ce que l’on veut donner comme fonction à l’éducation, s’ouvrir au monde ou non ? Chacun a sa vision des choses, mais si je pouvais me multiplier et mécaniquement diminuer ce supposé côté élitiste, je le ferais volontiers ! Après tout, Poudlard aussi a bien fini par inspirer d’autres écoles magiques.
J’ai eu le plaisir d’étudier pendant un an ( 1970) au Lycée de jeunes filles des Pontonniers, et je viens de découvrir qu’il est devenu mixte deux trois ans plus tard. Formidable souvenir !
Pour faire suite à mon précédent commentaire, un de mes petits enfants rentre cette année aux Pontonniers, cinquante ans après moi!!!