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Balles perdues en pleine ville : le street golf prend Strasbourg pour cible

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La presqu’Île Malraux accueillait le 3 septembre dernier l’Open de Strasbourg de street golf, dernière étape du Championnat de France. Si vous passiez par là entre 18h et tard dans la nuit, vous avez certainement pu croiser une foule de gens traînant des sacs de golf et tapant dans des balles entre les immeubles. Kevin et Jean-Sébastien de l’association Strasbourg Street Golf nous ont fait découvrir ce sport méconnu, qui permet de découvrir la ville sous un nouveau jour.


Cette année, l’Open de Strasbourg expérimentait une première en France. Les 17 équipes de 3 personnes se sont retrouvées au bar du Shadok aux alentours de 17 h, pour démarrer la compétition à 18 h. Les deux premières heures de jeu ont donc eu lieu à la lueur du soir et du soleil couchant et les deux suivantes en nocturne. C’est donc à cet horaire étonnant que nous avions rendez-vous avec Kevin, le président de l’association Strasbourg Street Golf.

Nous arrivons en avance au bar déjà bondé, où l’ambiance est conviviale. Des dizaines de sacs de golf où des clubs se tendent vers les cieux, jonchent le parvis du Shadok. Un verre à la main, tous les participants mettent leurs discussions en pause pour nous dire bonjour et nous souhaiter la bienvenue. Le street golf, vous le comprendrez vite, c’est une grande famille, même à l’échelle mondiale.

Casquette noire vissée sur la tête, Jean-Sébastien de Strasbourg Street Golf rappelle les règles de l’Open, entouré des autres membres et de l’association Balles Perdues.
© Jérémy Martin / Pokaa


Poubelle, cendrier, chaise, mur, ou moule à kougelhopf, tout se transforme en cible

Le street golf, c’est quoi ? Tout comme son cousin le golf « traditionnel », on joue avec plusieurs clubs (4 ou 5 suffisent) et une balle, normalement blanche ou rose. Le golfeur doit atteindre une cible, en un nombre de coups prédéfinis (par 3, par 4 ou par 5 le plus souvent). La différence ici, c’est qu’il ne s’agit pas d’un trou, mais de tout ce que l’on peut trouver dans le paysage urbain. Poubelle, cendrier, chaise, mur, ou plus original, moule à kougelhopf. Tout autant de cibles choisies pour cet Open, qui s’est tenu tout autour de la presqu’Île Malraux.

Contrairement aux compétitions sur green, ici, on joue en équipe, selon plusieurs formules. Celles plébiscitées à cet Open étant le greensome et le scramble. Dans le premier cas, chacun des trois golfeurs joue sa balle au drive (premier coup) avant de ne conserver que la meilleure du trinôme et de se relayer. Dans le second, chacun a sa propre balle et ne peut pas jouer celles des autres.

Les passants sont nombreux à s’arrêter. Certains plutôt inquiets de voir une balle foncer droit sur eux. Mais les balles de street ne sont pas celles du golf traditionnel. Semi-rigides, plus légères, elles sont faites pour ne blesser personne et éviter d’abîmer le mobilier urbain. Et puis, les street golfeurs ont pour préoccupation première la sécurité des riverains. Chaque trou est surveillé à son départ et à son arrivée et aucune balle n’est laissée à l’abandon, même dans l’eau, où leur poids leur permet de flotter.

Les balles sont semi-rigides pour éviter tout dommage. Et les tees peuvent être de simples capsules de bière. © Jérémy Martin / Pokaa
Aucune balle n’est laissée à l’abandon.
© Jérémy Martin / Pokaa

Le sport est né dans les années 80 en Angleterre, dans sa forme moderne, mais ce sont les Allemands qui l’ont popularisé dans les années 2000 à Berlin. À Strasbourg, il est apparu autour de 2007 avec l’association Balles Perdues, qui a organisé la première compétition l’année suivante. Aujourd’hui, on recense près de 150 joueurs en France.

Ce que l’on ressent tout de suite, c’est l’esprit familial et amical qui règne au sein de ce sport. La communauté de joueurs est plutôt réduite et tout le monde se connaît et s’entraide, même au-delà du cadre du golf. Que ce soit pour loger temporairement quelqu’un à l’autre bout de la France, ou pour soutenir l’équipe nationale indienne dans le financement de sa venue à la Coupe du Monde 2018, à Paris. Les pratiquants montrent une solidarité unique dans un sport de compétition.


Strasbourg brille sur la scène nationale

L’association Balles Perdues a lancé la pratique à Strasbourg, mais a aussi participé à son essor en France et en Europe. Dès 2008, ils organisent des compétitions pour amateurs, et rapidement, le championnat national en bonne et due forme, avec l’étape à Strasbourg. Le jeu strasbourgeois est popularisé plus tard avec des tournois attendus dans le cadre du festival Contre Temps. Aujourd’hui, Balles Perdues existe toujours, mais a passé le flambeau à Strasbourg Street Golf en 2019. La nouvelle association compte 7 membres et orchestre à la fois le paysage du street golf strasbourgeois, mais a aussi gardé l’implication nationale de sa grande sœur. Kevin Thomas, son président, est également secrétaire de la Fédération.

La pandémie et les divers confinements ont un peu freiné la pratique, mais la communauté s’est rapidement organisée pour lancer des défis d’adresse à la maison. Cette année, le championnat reprend enfin et tous sont ravis de se retrouver et de swinguer à nouveau entre les murs de verre et de béton.

Cet Open est l’une des quatre étapes du Championnat de France, qui permet notamment la sélection des joueurs de l’équipe nationale qui participeront à la Coupe d’Europe et la Coupe du Monde. Les six meilleurs affronteront la douzaine d’autres pays au mondial, où le niveau est relevé par les golfeurs australiens ou encore indiens. Cette dernière est prévue pour le 1er octobre, au Luxembourg et l’équipe de France, avec son palmarès déjà fourni, a toutes ses chances. Elle s’accroche précieusement à ses titres de championne du monde (2018, à Paris) et championne d’Europe (2019, à Bruxelles). Parmi nos joueurs strasbourgeois, beaucoup brillent sur la scène nationale, comme Kevin, champion d’Europe en titre.

Benoist Richard, président de la Fédération Sportive de Street Golf, champion du monde en titre, au trou n° 5, devant les Black Swans.
© Jérémy Martin / Pokaa

Les 17 équipes de 3 personnes ont fait le déplacement depuis des villes aussi diverses que Lille, Laon, Morlaix, Metz ou Grenoble. Deux trinômes allemands, amis, étaient également de la partie. Et si le sport est encore majoritairement masculin, les femmes sont de plus en plus nombreuses à venir jouer.


Changer son regard sur la ville

Jouer avec le mobilier urbain change irrémédiablement la perception de la ville. À la manière des street artists, les street golfeurs sont à la recherche permanente du spot idéal. Et Strasbourg n’est pas en reste. Que ce soit du haut des escaliers de secours de la médiathèque Malraux ou du parvis de l’Université Spatiale d’Illkirch, la ville offre des spots originaux dans un cadre historique. Chaque poubelle et chaque porte devient alors un parcours éphémère potentiel. Et s’il fallait désigner un départ de rêve à Strasbourg ? La plateforme de la Cathédrale, évidemment. 

La pluie était présente quelques minutes après le départ, mais le soleil a rapidement repris ses droits.
© Chittaphong Simmala

La pratique évolue aussi grâce à l’implication de plus en plus grande des villes. Créer des parcours permanents est l’une des prochaines étapes. Ces parcours accessibles à tous, avec des clubs à la location dans les commerces autour des différents trous, ainsi qu’un système de QR code pour voir les photos des objectifs, permettraient de démocratiser davantage le sport. Le premier du genre est apparu à Deuil-la-Barre, en Île-de-France, au début de l’été. 

Contrairement au golf traditionnel, confidentiel et fermé, le street golf attire les passants, se joue entre deux traversées de piétons dans une allée étroite. Un lien fort se crée avec les riverains. Il provoque deux sortes de réactions : curiosité et amusement, ou anxiété et méfiance, en général vite éteintes par la pédagogie dont font preuve les joueurs et la démonstration de la balle semi-rigide. 

Le street golf est accessible à vraiment tout le monde.
© Jérémy Martin / Pokaa


Faut-il avoir arpenté tous les greens de France pour se mettre au street golf ?

Sur tous les joueurs strasbourgeois, environ la moitié pratique également le golf traditionnel, ce n’est donc pas un prérequis. Au contraire, le street golf est bien plus accessible, car il se pratique au cœur des villes. Mais il est aussi plus accessible financièrement. Jouer dans la rue ne coûte rien, contrairement aux parcours sur gazon. Même le matériel est moins cher : la qualité du club a beaucoup moins d’importance. 

Ainsi, pour débuter, comptez une quinzaine d’euros pour un set de 4 clubs auprès de revendeurs d’occasions (Emmaüs par exemple), et environ 2 € par balle (récupérée à chaque fois). L’Open de Strasbourg s’est terminé tard dans la nuit, avec la victoire de l’équipe All is Golf (venue de Reims, Lille et Angers). Le Streetgolf Grenoble et le Médiaballes Laon Street Golf complètent le podium.

L’aventure du street golf te tente ? N’hésite pas à te rapprocher de Kevin et de Strasbourg Street Golf !




Jérémy Martin

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