La rentrée strasbourgeoise sera littéraire ou ne sera pas. Récemment élue « Capitale mondiale du livre 2024 », Strasbourg accueille du 2 au 18 septembre un événement phare de son agenda culturel : les Bibliothèques Idéales. Une soixantaine de rendez-vous gratuits étalés sur trois week-ends, avec des rencontres, des lectures, et des moments de poésie à partager avec près de 80 auteurs. On vous fait une petite sélection de rencontres qui vont faire battre fort nos petits cœurs de lecteurs.
Si « Le livre est un royaume » comme nous l’écrivent les Bibliothèques Idéales (BI) dans l’édito de cette nouvelle édition, Strasbourg en est alors depuis peu la reine. En effet, la ville a été désignée en juillet dernier Capitale mondiale du livre 2024 par l’UNESCO : une première pour notre pays. Mais s’il y a bien un acteur local qui n’a pas attendu cette nomination pour mettre les livres au centre de nos vies, c’est bien le festival des Bibliothèques Idéales.
« C’est par la littérature que la société bouge »
Le festival des Bibliothèques Idéales rend hommage, depuis près de 13 ans maintenant, à la littérature contemporaine au travers d’événements originaux, qui mettent à l’honneur le pouvoir des mots. Pour chaque édition, des auteurs et autrices viennent des quatre coins de la France pour partager avec les Strasbourgeoises et les Strasbourgeois des moments d’intimité et d’échanges, parce que “c’est par la littérature que la société bouge”, selon François Wolfermann, le créateur et programmateur du festival. Et au vu du programme, il est certain que cela va encore faire “bouger” des lignes, cette année ! “Notre volonté, c’est de présenter le livre sous toutes ses formes, pas seulement l’écrit, poursuit François Wolfermann. C’est pourquoi il y aura aussi de la musique, du dessin et des tas d’autres supports artistiques.”
En plus des habituelles rencontres organisées dans les trois salles de la Cité de la Musique et de la Danse, le programme promet aussi des animations dans les piscines, dans les rues, dans les librairies partenaires et même dans les stations de tram. Mais pas que. En effet, pour la toute première fois, lors du dernier week-end du festival et à l’occasion de la journée du patrimoine, les rencontres se dérouleront… au Parlement européen. Et en accès libre, comme pour tous les autres rendez-vous ! Une occasion unique de pénétrer dans l’enceinte du plus grand hémicycle d’Europe : “De pouvoir échanger sur les attentats du Bataclan avec Emmanuel Carrère (dimanche 18 septembre) dans un lieu comme celui-ci, ça a vraiment une symbolique très forte” souligne François Wolfermann.
Comme d’habitude, toutes les rencontres seront 100% gratuites et accessibles à toutes et à tous, avec cependant une petite nouveauté cette année : on ne pourra plus réserver ses places en ligne. Mais le créateur du festival nous rassure : “Ne vous inquiétez pas, les salles sont très grandes (500 places à la Cité de la Musique et de la Danse et 800 au Parlement) donc il y aura de la place pour tout le monde !”. Ouf.
Pour cette rentrée littéraire, les BI nous promettent donc encore un tourbillon de rencontres, de découvertes, pour plonger tête la première dans ce beau « royaume » qu’est le livre, où tous les sujets sont les bienvenus. Elles feront la part belle aux ouvrages et aux auteurs et autrices qui, de leur plume, nous font grandir et nous aident à « trouver notre place, à nous approprier l’espace public, prendre la parole pour nous affirmer et dénoncer les injustices vécues ». On y croisera Amélie Nothomb et Juliette Nothomb, Enki Bilal en face-à-face avec le philosophe et physicien Etienne Klein, ou encore le cofondateur de Médiapart Edwy Plenel et tant d’autres.
Il serait d’ailleurs bien difficile d’évoquer l’intégralité des rendez-vous organisés par les BI sur ces trois week-ends : ils sauront chacun trouver leur public. Nous ferons donc ici une petite sélection, qui sera forcément subjective, forcément non-exhaustive. Petit aperçu de tous ses « royaumes » qui n’attendent que nous, que vous.
Féminisme, genres et sexualité : des rencontres autour de l’Identité
Il sera beaucoup question d’identité, dans cette édition des BI. Que l’on s’interroge sur ses origines, son héritage, son genre ou sa sexualité, les parcours d’autres nous permettent parfois de lever le voile sur nos propres questionnements. Car il suffit parfois d’une lecture, d’un témoignage pour revoir ses convictions, et penser le monde autrement.
Plusieurs rencontres féministes, pour parler corps, sexualité et genre sont au programme. Le 10 septembre, par exemple, Aïda N’Diaye (philosophe, chroniqueuse sur France Inter et autrice de Qu’est-ce qui fait mon genre ?), Nora Bouazzouni (traductrice du livre de Justin Hancock, Le Consentement, on en parle ?) et Mathilde Ramadier (Vivre fluide (Ed. Faubourg)) se retrouveront dans « Genre, consentement, bisexualité : vivre fluide ». “LGBTQI+” : si les étiquettes en effraient certains, elles permettent à d’autres de s’émanciper, d’ouvrir et découvrir d’autres possibles. Comme, pourquoi pas, s’affranchir de l’hétérosexualité et se laisser porter par sa propre curiosité. Quelle richesse que de se dire que rien n’est figé, que tout est fluidité. …N’y a-t-il pas plus beau cadeau qu’une invitation à la liberté ?
De leur côté, Tal Madesta et Marie Cau nous parleront de « Liberté, égalité, transidentité » le 3 septembre. Militant féministe trans et journaliste indépendant, le premier a publié chez Binge Audio Désirer à tout prix, en se demandant « si la course à la sexualité est vraiment émancipatrice et célèbre d’autres formes d’amour ». Quant à Marie Cau – première femme transgenre à être élue maire (en 2020) –, elle raconte dans Madame le maire (Fayard) son parcours de transition et son engagement politique. À l’heure où le Planning Familial se bat contre des attaques transphobes suite à sa dernière campagne représentant un homme enceint, il est plus que nécessaire de parler de transidentité et d’égalité. Les BI, actrices d’une société qui change ? Oui. En donnant la parole à des personnalités qui militent pour un monde plus égalitaire, au travers de leurs expériences, et de leur plume, c’est offrir plus de représentation, de diversité.
La romancière Emma Becker, autrice de l’autofiction L’inconduite (Albin Michel) et aujourd’hui mère, reviendra elle, sur son expérience de prostituée – volontaire et heureuse – dans un bordel berlinois, et ses aventures sexuelles et amoureuses [« Emma Becker, rester soi dans le désir ? », le 9 septembre]. S’il existe encore bien des tabous autour de la prostitution (qui scinde les féministes, entre pro et anti) et de la sexualité, et qui plus est celle des femmes, la parole d’une autrice sur son propre parcours, s’annonce libératoire. N’est-il pas temps de jeter un pavé dans la mare ?
La littérature en musique
Moments également très attendus chaque année : les lectures musicales et les concerts qui font de ces mots lus, des paroles entendues. Le pianiste solo Grégory Ott redonnera vie aux « Immortelles mélodies de Ennio Morricone & Nino Rota », le 11 septembre. Une invitation à fredonner les BO incontournables des films cultes de Sergio Leone, Visconti, Coppola ou Fellini. De quoi faire vibrer mélomanes et cinéphiles dans un beau moment d’émotions musicales.
L’auteur à succès Alain Damasio et le guitariste Yan Péchin donneront eux un concert de « rock-fiction » le 9 septembre. Un spectacle atypique autour de la science-fiction (et d’après Les Furtifs), par le prisme du théâtre épique et de la guitare, « pour explorer le cœur du vivant ». Les BI en parlent comme d’une « initiation au monde qui vient ». Avec la puissance des mots de Damasio et les riffs de guitare de Yan Péchin, un tel ovni artistique mérite qu’on y prête une attention toute particulière. “Entrer dans la couleur” s’annonce être un voyage autant qu’un concert.
Olivia Ruiz, quant à elle, laissera à entendre des extraits de son nouveau roman Écoute la pluie tomber, aux côtés de ses musiciens, sur ses origines espagnoles (le 11 septembre). En rendant hommage à ses aïeuls ayant fui le franquisme, et aux migrants, aux femmes, cette artiste aux multiples talents embrasse une fois de plus son histoire familiale. Un récit qui parle de trajectoires sinueuses, houleuses et une ode aux “résilientes”.
Pour celles et ceux qui l’ont découvert dans le podcast à succès Crackopolis (Arte Radio) sur les tréfonds de l’addiction (et que l’on ne saurait assez vous conseiller), Matthieu Seel revient avec une lecture de son ouvrage Rien ne dure vraiment longtemps. Il sera accompagné, le 4 septembre, de Slimane Dazi et du musicien Nicolas Krassilchik, puis sera suivi de Pierre Guénard, leader du groupe de rock français Radio Elvis et auteur de Zéro Gloire dont il livrera des passages. Deux lectures musicales qui témoigneront de « la difficulté d’être ». Si leur jeunesse est désenchantée, à défaut d’être chantée, sera poétique et mise en musique. Ça pique, ça arrache et surtout, ça ne laissera pas indifférent.
Belle surprise, aussi : Léopoldine HH, avec le pianiste Gérard Daguerre et Muriel Daguerre. Un concert événement qu’ils nous préparent le 10 septembre sur le répertoire de l’intemporel Charles Trenet que l’on aura plaisir à réécouter, et pourquoi pas, entonner, en se souvenant de nos Pépés et Mémés qui le chantaient dans leurs jeunes années…
Alors Strasbourg, Que reste-t-il de nos amours ?. …Peut-être des milliers de “royaumes”, à visiter ensemble. Car les Bibliothèques Idéales ont ceci de précieux qu’elles nous invitent à s’arrêter un instant et à contempler le monde différemment, à travers essais et romans. Elles nous rappellent que les livres n’appartiennent pas qu’aux étagères où ils prennent parfois la poussière, en nous donnant l’envie d’y plonger la tête la première. Qu’ils nous aident à lire le monde, et à en explorer d’autres. Et puis, les Bibliothèques Idéales sont aussi une jolie façon de se retrouver, de s’éduquer, de titiller notre curiosité, en faisant de notre rentrée, un rendez-vous culturel essentiel.
Bibliothèques Idéales 2022
Du 2 au 18 septembre
À la Cité de la Musique et de la Danse, dans les Médiathèques, les librairies et au Parlement européen
Entrée libre et gratuite
L’événement Facebook
Le site internet
Le programme
*Article soutenu mais non relu par la Ville et l’Eurométropole de Strasbourg