Parce que la chaleur étouffante fait que nos cerveaux sont déjà en surchauffe, on a décidé de tenter de répondre à des questions existentielles. Des interrogations surprenantes voire absurdes, qui peuvent parfois sembler stupides, mais qu’on a voulu traiter sérieusement. Cet été, on veut des réponses ! Aujourd’hui, on s’est demandé où les cigognes partent en hiver et si les stars de notre région jouissent du même statut dans les pays qui les accueillent.
Premier coup de bec dans le dos : alors qu’elles sont élevées au rang de stars en Alsace, les cigognes sont aussi très nombreuses en Charente-Maritime. En 2021, la LPO a décompté 860 couples dans le Bas-Rhin et 559 dans le Haut-Rhin, contre 676 couples en Charente-Maritime. Heureusement, grâce au Bas-Rhin, l’honneur est sauf. Certains assurent même que l’oiseau au bec rouge est en passe de devenir leur nouvel emblème, (avec au passage, des chiffres gonflés dans l’article). On croit rêver.
Quant à celles qui ont su nous rester fidèle, si certaines restent en Alsace tout au long de l’année, d’autres quittent tout même la terre qui leur rend hommage pendant les mois d’hiver. Même si avec l’évolution du climat, elles ont tendance à revenir plus tôt qu’avant et repartir plus tard. En Alsace, les cigognes sont donc là dès la mi-février et prennent leur envol en août pour hiverner dans d’autres pays. Soit près de six mois de l’année. Il faut dire la vérité, cette histoire ressemble plutôt à une garde partagée.
Pendant qu’on se les pèle et qu’on se tape le marché de Noël, ça passe l’hiver tranquille au soleil
Historiquement, les cigognes alsaciennes parcourent chaque hiver des centaines voire des milliers de kilomètres pour atteindre l’Afrique sub-saharienne et se dorer la pilule en Mauritanie, au Niger, ou au Mali. Mais ces dernières années, suite au réchauffement des températures et à la multiplication des décharges à ciel ouvert dont elles sont particulièrement friandes, elles sont nombreuses à avoir réduit leur périple et à hiverner en Espagne ou au Maroc, voire à ne plus en partir !
À Cáceres par exemple, dans le sud-ouest de l’Espagne, plus de 400 cigognes nichent dans la ville médiévale et sont devenues l’une des principales attractions touristiques de la région. Au Maroc, les montagnes de déchets qui bordent le fleuve Sebou à Kénitra (au nord de Rabat), attirent particulièrement les cigognes et elles s’installent aussi sur les remparts de la nécropole de Chellah.
À Marrakech aussi, les cigognes sont partout. Elles nichent s’installent au sommet des minarets et sur les remparts du célèbre Palais El Badi. Farah est d’origine marocaine et sa maman vient de Rabat. Elle lui parle souvent des cigognes qu’elle allait voir petite à Chellah : “Maman dit que le site est vraiment réservé aux cigognes. Les gens savent qu’elles sont là mais les gens ne s’en approchent pas. Elles sont laissées à l’état sauvage. Maman dit qu’il y en a à toutes les saisons, elles sont réputées pour être sédentaires et font la magie du site.”
Est-ce qu’on vend aussi des chapeaux et des porte-clefs cigognes là-bas ?
On ne va pas se mentir, ces vacances ont le goût de la trahison. En Alsace, ces ingrates de cigognes blanches jouissent pourtant d’un statut privilégié. Presque sacré, l’oiseau est vénéré et se retrouve sur un tas de produits dérivés. Magnet, porte-clefs, bonnet, peluche, assiettes, ce sont elles les stars de la région. La légende raconte même qu’elles apportent les bébés. Un parc d’attractions porte aussi leur nom et des webcams permettent de les observer 24h/24. Mais sont-elles aussi choyées dans les autres pays qui les accueillent ? Et surtout, est-ce qu’ils vendent aussi des porte-clefs cigognes ?
Jessica a vécu au Sénégal pendant trois ans et explique en avoir régulièrement croisé pendant la période hivernale : “On m’avait expliqué qu’elles ne faisaient que passer. Comme une pause dans leur parcours migratoire. Mais sinon, c’est un oiseau comme un autre, pas d’histoire particulière ou d’attachement.” Pauline elle, a vécu au Maroc pendant sept mois et se souvient : “Celles que j’ai pu croiser, c’était dans des palmeraies, dans le sud du Maroc, près de Taroudant. Donc elles descendent assez loin. Mais aucun Marocain ne met en valeur la cigogne comme en Alsace. En tout cas, je n’en ai pas entendu parlé.”
Quant à son amie franco-marocaine Hasna, elle reconnaît avoir une affection toute particulière pour ces oiseaux : “J’adore les cigognes, elles me rappellent ma trajectoire de vie. Tout comme moi, elles migrent entre le Maroc et l’Alsace… Chaque appel à la prière, on lève les yeux au ciel vers le minaret de la mosquée et on les voit debout sur leurs grandes jambes. On les appelle Laqlaq (avec le son “k” prononcé à l’intérieur de la gorge). J’aime leur trajectoire qui tisse mes deux pays.” Accroché à son trousseau, Hasna a d’ailleurs le fameux porte-clefs cigogne, mais il a bien. été acheté en Alsace ! “Je l’avais acheté à mon arrivée à Strasbourg au marché de Noël, car c’est vrai qu’au Maroc, la cigogne est présente, mais elle n’est pas un emblème de ma région, donc on ne trouve pas de porte-clefs de cigogne dans les souks. Haha !”
Si on peut toutefois reconnaître un domaine où les Marocains ont su mettre à profit l’image de la cigogne, ce sont les boissons. Le Groupe des Boissons du Maroc créé en 1919 (autrefois appelé Brasseries du Maroc) affiche même toujours un logo sur lequel on reconnaît l’oiseau au bec rouge. Dès ses débuts, l’entreprise commercialise une bière qui porte le nom de “La Cigogne”. Dix ans plus tard, elle crée l’une des premières boissons gazeuses marocaines qui portera le même nom : la limonade “La Cigogne”. Aujourd’hui, la limonade a disparu, mais le Groupe des Boissons du Maroc commercialise encore la Stork, l’une des bières les plus vendues dans le pays.
© Coraline Lafon / Pokaa