L’art du portrait est un art subtil. Il ne s’agit pas de saisir uniquement les traits d’un visage, comme un vulgaire photomaton, mais aussi de capter les mouvements de l’âme qui l’anime : ses passions, son histoire et ses ambitions. Nous sommes allés à la rencontre de la photographe strasbourgeoise Paola Guigou, une artiste qui s’est donné pour objectif de nous rendre aussi beaux sur papier glacé que nous le sommes au quotidien.
Photos pour une carte d’identité, un passeport, une carte étudiante… On ne compte plus le nombre de portraits que nous sommes obligés de réaliser dans une vie pour nos différents documents d’identités. La plupart du temps, nos visages raidis sur papier glacé en main, on se demande : “Mais est-ce que je ressemble vraiment à ça?”. De son côté, Paola Guigou, photographe strasbourgeoise, aime les belles images, les couleurs vives qui marquent la rétine, et les regards qui racontent une histoire. Sa pratique de la photographie se base sur la force qui brille en chacun de nous, et la fait éclater aux yeux de tous.
Strasbourg comme point d’ancrage
Paola nous accueille pleine de bonne humeur. Installée à l’Atelier M33 dans lequel se trouve son studio, la photographe, très avenante, nous met rapidement à l’aise. Après des études à la HEAR de Strasbourg (Haute École des Arts du Rhin) où elle se découvre une passion pour la photographie et les images, Paola intègre la prestigieuse École des Gobelins à Paris, dont elle sort diplômée en 2008 : “J’étais tout le temps dans la pratique des techniques d’impression ; de la gravure à la sérigraphie. L’idée c’était de coucher une image sur le papier […] je voulais raconter des histoires, et ensuite pouvoir les imprimer, tout en prenant le contre-pied de la mode conceptuelle, ce qui m’a amenée à apprendre la technique photographique”.
Après son diplôme, la photographe, originaire de la région parisienne, vient poser ses valises dans la capitale alsacienne, et décide de chercher un endroit où pratiquer. En 2014, elle et une de ses amies tombent sous le charme des bâtiments des anciennes usines Junkers à la Meinau : “On n’avait pas les épaules pour payer seules un local aussi grand, et on a tout de suite monté une asso’. Très vite, d’autres artistes nous ont rejoints”. C’est à ce moment que commence l’aventure de l’Atelier M33, qui est aujourd’hui un lieu d’émulsion créative où se côtoient vidéastes, graphistes, photographes, illustrateurs (c’est d’ailleurs ici qu’exerce Corto Koller, dont nous vous parlions dans cet article), une couturière, et même une maquilleuse SFX !
Mais Strasbourg, c’est surtout la ville de ses années d’études aux Beaux-Arts. Elle l’investit en collaborant avec des restaurateurs locaux comme Fleck and Co, des entreprises de la ville pour lesquelles elle réalise des portraits corporate, mais aussi des projets artistiques originaux comme l’élaboration d’une chambre dans l’hôtel Graffalgar pour laquelle elle a imaginé une mythologie du rêve : “Je n’avais pas envie de simplement mettre des tableaux au mur. Un peu comme les graffeurs, je voulais créer un univers en réalisant des fresques […] j’ai donc imaginé des paysages qui nous entraînent dans le monde du rêve. Dans l’entrée de la chambre, on peut compter les moutons, et dans la chambre même j’ai créé une dualité entre les rêves doux, et des choses plus compliquées, mais je ne voulais non plus filer des cauchemars aux gens [rires] J’ai joué sur le chaud-froid, les flammes et la douceur”.
“On a tous quelque chose de fort”
Ébullition et mouvement sont deux mots qui caractérisent bien l’artiste, qui nous parle avec beaucoup de passion de ses projets. Paola est une bombe d’énergie positive dont la bonne humeur et la joie de vivre sont communicatives. Et c’est justement parce que ses modèles se sentent bien face à elle que Paola est une excellente portraitiste. Il suffit de se rendre sur son site, et de feuilleter virtuellement ses albums, pour lire la complicité qui se joue entre les modèles et la photographe. “Ce qui me plaît dans la pratique du portrait, c’est de montrer aux gens qu’ils sont supers, et qu’ils se trouvent beaux, alors qu’ils ne le pensaient pas. C’est un exercice qui n’est jamais facile”.
Son but est de trouver ce petit quelque chose qui fait de chacun de nous un être unique, de l’extraire, et le valoriser, sans pour autant le dénaturer ou en faire trop. “Tout le monde est impressionnant, tout est dans la manière dont on se regarde et dont on regarde les autres. C’est juste une question de mise en valeur, on a tous une énergie en nous, on a tous quelque chose de fort”.
Raconter l’Histoire à travers la photographie
L’artiste ne se focalise pas uniquement sur les histoires individuelles, mais aussi sur la grande Histoire. Elle souhaite que sa pratique puisse lui servir à raconter des choses difficiles de manière esthétique ; utiliser la beauté pour raconter la laideur, et pousser le spectateur à s’interroger sur l’époque contemporaine.
Depuis quelques années, Paola a beaucoup collaboré avec le performeur Androa Mindre Kolo. En duo, ils réfléchissent à ce qu’ils ont envie de raconter ensemble, émulsionnent leurs idées, et donnent naissance à des séries éloquentes : “On travaille souvent ensemble pour raconter des choses fortes, comme avec la série Méditerranée, qui parle des migrants qui traversent la mer sur des rafiots de fortune, et risquent leurs vies. Mon défi c’est de faire une image accessible qui flatte l’œil pour parler de quelque chose de plus grave … Ma collaboration avec Androa me permet de parler de la guerre, de la famine, ou de la surpêche… Des sujets qui me touchent et me choquent”.
Une autre belle série de photo à découvrir : celle des Les Rebelles de l’Atlas, pour laquelle l’artiste est allée à la rencontre de femmes berbères marocaines pratiquant la course à cheval : “J’ai toujours été intéressée par l’univers équestre, et la fantasia qui est une pratique ancestrale guerrière. L’idée [de cette série de photographies], c’était d’aller à la rencontre de celles qui ont réussi à convaincre la princesse du Maroc d’ouvrir cet exercice aux femmes”. Paola nous présente des femmes à l’aura puissante, tatouées de motifs antiques, posant fièrement aux côtés de leurs fusils sculptés, qui deviennent des parures argentées pour des femmes combatives dans toute leur noblesse, enchantées d’être les premières à pratiquer le sport de leurs aïeux.
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Le site internet de Paola Guigou
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