Il y a une semaine, on vous expliquait la hausse des prix des produits alimentaires, notamment des pâtes, de la viande et du café. Une augmentation due à la guerre en Ukraine, et qui se répercute forcément sur le pouvoir d’achat des ménages les plus précaires. En outre, avec l’augmentation du prix du blé et de l’huile, c’est toute la filière de la boulangerie qui se retrouve touchée. Alors que les prix ne semblent pas s’arrêter de grimper selon la dernière publication de l’INSEE, on a essayé de comprendre l’impact de la hausse des prix sur celui de notre baguette en interrogeant le directeur général de la boulangerie Poulaillon, célèbre en Alsace pour sa Moricette®.
Entre février 2021 et février 2022, les prix de l’alimentation ont grimpé de 2,1 %. Entre mars 2021 et mars 2022, la hausse est désormais de 2,9 %. Le constat de l’INSEE se révèle implacable : les prix augmentent, et surtout, ils continuent d’augmenter. Une conséquence pour le pouvoir d’achat des ménages, qui payent désormais leur pain et céréales plus cher de 3,3 % en un an. Une hausse pas anodine, mais surtout liée à l’explosion du cours des matières premières, comme le blé ou le tournesol et le colza.
Une augmentation des prix qui s’est aggravée depuis la guerre en Ukraine
Au début du mois de mars, alors que la guerre en Ukraine venait tout juste de démarrer, l’inquiétude commençait à poindre chez les boulangers concernant la hausse des prix à venir. Pourtant, selon Fabien Poulaillon, directeur général de Poulaillon, les matières premières n’ont pas attendu la guerre en Ukraine pour augmenter : « On a senti déjà des hausses à partir du mois de septembre/octobre, notamment sur le blé ». Depuis le 24 février dernier, la situation ne s’est pas arrangée, bien au contraire : « La situation en Ukraine n’a fait qu’aggraver les choses. Depuis, les cours des principales matières ont explosé. La Russie et l’Ukraine sont producteurs de colza, blé, tournesol et ça a donc fait flamber les prix puisque plus rien ne sort de ces deux pays. On a donc connu une forte accélération, et cela continue encore à augmenter ».
Les prix du blé et du colza ont explosé
Les hausses des prix se ressentent notamment dans les augmentations du cours de blé, de tournesol, de colza et de beurre. En effet, même les matières premières se retrouvent cotées sur le MATIF, leur bourse. Et depuis le mois d’avril, les hausses sont radicales : « Le cours du blé sur le MATIF en septembre/octobre se trouvait à 200/220 euros la tonne. Cette semaine, les cours ont doublé, on a dépassé les 400 euros/tonnes – 403 euros/tonnes le 15 avril dernier, ndlr ». Pour le tournesol et le colza, la guerre en Ukraine aggrave les augmentations des prix : « La Russie et l’Ukraine exportent 80% du marché mondial du tournesol, donc là, il y a risque mondial de pénurie. Quand il y a plus de tournesol, on se tourne vers d’autres huiles, comme le colza et l’huile de palme, ce qui fait automatiquement grimper les cours ».
Conséquence ? Le cours du tournesol et du colza flirte avec les 1 000 €/tonne. Une difficulté pour Poulaillon : « On achetait à l’automne dernier en-dessous d’un euro le litre d’huile de colza, et là on est à près de 3 euros de litre. L’huile de colza rentre dans la composition de notre Moricette®, donc on en est très dépendant ». Une situation qui remet en avant le fait que même les matières premières sont sujettes à spéculation : « C’est injuste de spéculer sur des matières de premières nécessités. Ça ne devrait pas financiarisé, surtout que maintenant, les cours explosent et il y a de vraies risques de famines dans certains pays, qui ne pourront pas se procurer des matières premières à ce niveau de prix ». Sans parler des paysans et des agriculteurs, qui ne touchent pas un centime de la hausse du cours des prix sur les marchés financiers.
« Faire le dos rond et attendre »
Dès lors, la situation n’est pas simple : « On est bien obligé d’accepter ces hausses de prix ». Surtout, que, en parallèle, certains produits deviennent plus rares : « On est confronté à une raréfaction de l’huile de colza, avec des délais de livraison qui ne font que s’allonger. On a même failli arrêter notre ligne de production de Moricettes® parce qu’on avait plus assez d’huile ». Du côté de la farine de blé, la donne est plus simple, car ils utilisent uniquement du blé français qui, bien que plus cher, est encore disponible : « On a encore des réserves de la dernière récolte, même si les exportations de blé français ont bien augmenté vers les pays méditerranéens ».
Finalement, dans cette situation, qu’est-ce qu’il faut faire ? Augmenter ses prix ? Attendre en espérant que la guerre se termine rapidement ? Pour Poulaillon, il faut surtout faire attention à ne pas dépasser certaines limites : « Il faut essayer de répercuter la hausse des prix sur nos clients, mais dans une juste mesure. Par exemple, on a fait une petite hausse des prix cet automne, mais il faut faire attention. Il y a des seuils psychologiques à ne pas dépasser. 1 euro 10 une baguette par exemple, ce n’est pas possible. Ce n’est pas prévu qu’on augmente nos prix deuxième dans les prochains mois ». La solution alors ? Faire le dos rond : « Là, on prend sur notre marge. On fait le dos rond et on espère que ça va se stabiliser, voire baisser. On serre les dents et on attend que la tornade passe ».