En septembre 2021, une vingtaine de policiers municipaux ont suivi une formation sur les violences sexistes et sexuelles sur la voie publique. Le reste des effectifs devrait leur emboîter le pas pour permettre aux agents et aux agentes de lutter plus efficacement dans les rues de Strasbourg.
Ils étaient une vingtaine à se porter volontaires en septembre dernier pour suivre cette formation dispensée par une membre d’Egaé, un organisme de formation fondé par la militante féministe Caroline De Haas et Pauline Chabbert. Au programme : une journée consacrée à revoir les dispositions du Code pénal et les sanctions en vigueur, comme l’outrage sexiste qui existe depuis 2018 et est puni d’une amende allant de 90 à 750 euros.
Adjointe aux Droits des femmes et à l’égalité des genres, Christelle Weder rappelle que la lutte contre les violences sexuelles et sexistes dans l’espace public fait partie du Plan d’action Droit des femmes et égalité de genre adopté par la Ville de Strasbourg en début d’année. “On se souvient de l’été 2020, où de nombreuses femmes avaient témoigné sur le harcèlement de rue qu’elles subissent. La police municipale est un maillon important dans cette lutte.” a expliqué l’élue. Après ce premier groupe, le reste des équipes s’apprête à suivre la même formation soit environ 120 agents.
“Elles peuvent se fier à nous et il ne faut pas qu’elles hésitent”
“On a une formatrice qui est venue de Paris et qui nous a rappelé les textes au niveau pénal, les infractions et les références qui nous permettront de travailler au quotidien. On nous a sensibilisés sur des cas concrets.” raconte Eric Figel, chef d’équipe au sein de la Police municipale de Strasbourg. Il poursuit : “Par exemple, ne jamais remettre en cause la parole de la victime. On n’utilisera pas de conditionnel et on évitera de dire “il semblerait” ou “selon ses dires”, mais seulement “la victime a déclaré”. Parce que sinon, ça montre un avis personnel déjà tranché sur la question, ce qui n’est pas notre rôle.”
Pour sa collègue, Céline Fetet, également cheffe d’équipe, se remettre en tête ces règles est bénéfique pour tout le monde. D’après elle, les agents formés sont eux même aujourd’hui plus attentifs à la façon dont ils s’expriment : “Il y a une vraie amélioration. Tout le monde fait plus attention à ce qu’il dit.” Mais elle regrette que les victimes hésitent souvent à s’adresser aux agents : “C’est malheureux, mais pour elles, c’est plutôt habituel. Il y a encore cette retenue de la part des jeunes femmes. Mais plus elles viendront, plus il y aura d’infractions de relevées. Elles peuvent se fier à nous et il ne faut pas qu’elles hésitent si elles se font importuner sur l’espace public.”
Mais quels sont concrètement les moyens d’action de la Police Municipale ? Le propre de ces agents, c’est avant tout d’être constamment sur le terrain. Leur présence a d’abord pour but de dissuader les harceleurs de passer à l’acte. Et quand cela se produit, deux cas de figure peuvent se présenter. Si l’agent a assisté à la scène, ou bien que l’auteur reconnaît les faits, alors l’infraction est constatée, une contravention peut immédiatement être dressée et l’amende sera envoyée sous quelques jours. Si aucune de ces deux conditions n’est réunie, l’agent pourra procéder à un relevé d’identité et passer le relai à un officier de police judiciaire qui mènera une enquête. “Nous, on n’a pas à juger de la véracité ou du bien-fondé du discours de la victime.” rappelle Eric Fiegel. Son collègue Eric Tillie poursuit : “Comme ça, la personne ne se sent pas impunie. Si on est dans le secteur, c’est fini. Si vous venez me voir et me désignez l’individu, on prend son identité ou il y a présentation au commissariat.”
Les soirées et les bars, terrain favori des harceleurs et des agresseurs
Eric Fiegel le reconnaît, il y a eu un avant et un après Covid : “Les gens se lâchent au niveau de l’alcool et des soirées.” Depuis la fin du confinement, les agents assistent à une augmentation des débordements et des violences, qui serait due une forte consommation d’alcool selon eux. “Pour moi, l’alcool, ça désinhibe les comportements violents. Je pense notamment aux jeunes filles esseulées la nuit. Et malheureusement certains les voient comme des proies faciles. En nous voyant, certains ne passent pas à l’action.” explique Eric Tillie.
Alors pour dissuader les agresseurs, trois à quatre équipes de quatre agents sont déployées dans toute la ville le soir, essentiellement les jeudis, vendredis et samedis. Dans les secteurs de la krutenau et du centre-ville, Eric Tillie et ses collègues font la sortie des bars et des clubs. Il rappelle d’ailleurs que contrairement à ce que beaucoup pensent, l’alcool est un facteur aggravant en cas de violences.
Les agents s’appuient également beaucoup sur le système de surveillance vidéo installé à différents endroits stratégiques de la ville, pour prédire les attroupements ou les situations à risques. “Par moments, on aimerait qu’il y en ait plus” lance Éric Tillie.