Une centaine de personnes, professionnels de l’éducation et parents d’élève, se sont rassemblés ce 8 décembre, devant la mairie de Strasbourg. Elles demandaient notamment, à la municipalité, des repas gratuits dans les cantines pour les enfants à la rue, et leur hébergement dans des bâtiments ou logements vides. Reportage.
Pas d’enfant à la rue. C’est le nom et le mot d’ordre d’un nouveau collectif strasbourgeois, formé fin novembre. Constitué de personnels de l’éducation et de parents d’élève, il appelait au rassemblement ce 8 décembre, devant la mairie de Strasbourg, à 15h30. Une centaine de personnes se rassemblent. “Impossible d’accepter que certains de nos élèves dorment dehors”, s’insurge Catherine, enseignante à l’école Langevin.
Selon Floriane Varieras, adjointe à la maire en charge des solidarités, présente à la manifestation, “45 enfants dorment dehors ou dans des voitures à ce jour” dans la ville. Le gymnase Branly, ouvert dans le cadre du plan grand froid, accueille aussi des familles avec enfants, qui risquent un retour à la rue d’ici peu. Aussi, des centaines d’enfants sont logés dans des hébergements d’urgence.
Des revendications précises, pour la mairie
Les militantes accrochent des banderoles sur un grillage. Une enseignante prend la parole, et détaille les revendications du collectif, adressées à la mairie : “Nous demandons le logement de toutes les familles avec enfants à la rue, en réquisitionnant des bâtiments publics. Les repas de cantine doivent être pris en charge intégralement pour les enfants les plus précaires. Et puis, les inscriptions à l’école doivent être facilitées, car pour l’instant, il est nécessaire d’avoir une adresse pour cela.”
Une autre personne ajoute : “On en a marre que l’État et la Ville se rejettent la responsabilité de l’hébergement. On a bien compris que l’État n’allait pas régler le problème. La Ville doit trouver des solutions.”
“Quand je vois mes enfants, j’imagine ceux qui dorment dehors”
L’assemblée applaudit, avant de scander “Pas d’enfant à la rue !”. Interrogée sur les revendications du collectif, Floriane Varieras répond : “On avance doucement pour l’utilisation de bâtiments publics. Les normes pour accueillir des personnes sont contraignantes. Pour l’instant on n’a pas repéré de lieu adapté. Pour ce qui est de la prise en charge des repas à la cantine, on a déjà un dispositif pour les familles précaires, avec des déjeuners à 1,50 euros. Enfin, nous faisons en sorte que tous les enfants dont nous avons connaissance puissent aller à l’école. On propose une domiciliation grâce à notre service social (CCAS).”
De nombreux groupes de discussion se forment. Marie-Jeanne est mère de trois enfants. Elle fait partie de l’association des parents d’élève L’APEStE : “Il fallait que je m’investisse. Quand je vois mes enfants qui ont froid quand ils sont dehors, j’imagine ceux qui dorment à la rue. Cette image m’est insupportable. On ne doit pas l’accepter, il faut que les choses bougent maintenant.”
Les associations alertent sur cette situation depuis longtemps
C’est avec une détermination similaire que le vendredi 19 novembre, Catherine et ses collègues de l’école Langevin projetaient d’héberger deux de leurs élèves dans leur établissement, constatant qu’ils dormaient dans une voiture avec leur famille. Elles leur ont finalement obtenu un hébergement d’urgence. Mais, devant l’ampleur du phénomène, après discussion avec des enseignants d’autres écoles, elles ont décidé de ne pas s’arrêter là et de créer le collectif Pas d’enfant à la rue.
Sabine, de l’association Les Petites Roues, est présente pour apporter son soutien : “Cela fait longtemps qu’avec les associations, on alerte sur le fait que des enfants dorment dehors. C’est une bonne chose que la mobilisation s’amplifie, et que de nouvelles voix s’élèvent contre cette situation.”
Valérie Suzan, de Strasbourg Action Solidarité, rappelle que la vie sans toit a des conséquences psychiques et physiques sur les enfants : “C’est une urgence absolue. On ne comprend pas que la mairie ne prenne pas des mesures d’ampleur, courageuses, pour loger les familles.” Floriane Varieras, de son côté, insiste : “L’hébergement d’urgence est vraiment la compétence de l’État. Le budget de la Ville n’est pas fait pour ça en théorie, mais nous hébergeons tout de même des sans-abris.” Vers 17h, une délégation de manifestantes est reçue par des élus, dont Floriane Varieras. Elles ressortent “déçues du manque de réponses concrètes” de la municipalité.
Le nouveau collectif arrivera t-il à pousser la mairie à créer plus de places d’hébergement ? Sabine, suggère : “Tout le monde semble habitué à ce que nous, les associations, militons pour des politiques sociales. Peut-être qu’avec des nouveaux profils de militants, comme des enseignants et des parents d’élèves, ça peut marcher ?”
Merci l’Europe passoire