Elles étaient nombreuses à dénoncer les humiliations, le harcèlement, les agression physiques, les viols et les féminicides commis par les hommes, au quotidien. Le 25 novembre, elles se sont rassemblées pour dire stop aux violences sexistes et sexuelles. Nous avons donné la parole à quelques-unes d’entre elles. Reportage.
Dans la froide soirée du 25 novembre, près de 1000 manifestantes répondent à l’appel du collectif NousToutes67. Elles se rassemblent place de l’Étoile, à 17h30. Il fait déjà nuit. Louise, venue avec une amie, confie : “Moi même j’ai subi des violences. Longtemps j’ai gardé le silence, parce que je croyais que c’était de ma faute. Ce genre de rassemblement me donne de la force. Je me sens moins seule.” Chloé, qui l’accompagne, poursuit : “Il y a énormément de travail à faire au niveau de l’éducation. Autour de nous, la quasi-totalité des femmes subissent des violences, au moins psychologiques. Par contre, quand on parle de ces sujets avec des hommes, ce n’est jamais eux. Donc ils sont où les agresseurs, les harceleurs ?”
“La misogynie passe beaucoup par l’humour”
Joy entend la conversation. Elle intervient : “Ces violences, elles s’inscrivent dans un contexte où la misogynie est complètement banalisée. J’ai 39 ans, je la vis partout, au quotidien, notamment au travail, et je n’en peux plus. Elle passe par l’humour sur les femmes. Dès l’enfance, les petits garçons apprennent à se moquer et à dévaloriser les filles. En fait, ce n’est absolument pas drôle. Il faut commencer à déconstruire ça à l’école.”
Quelques minutes plus tard, Lavande abonde : “Comme plein de femmes, j’endure du harcèlement ou du sexisme tous les jours, du matin au soir, y compris de la part d’hommes que je connais. Dans la rue, des inconnus se permettent de me faire des remarques sur mon physique, de m’insulter.”
“Nous réclamons un plan d’un milliard d’euros”
En cœur, place d’Austerlitz, la foule entonne : “Solidarité, avec les femmes, du monde entier”, et “Ministre, violeur, assassin”. En tête de cortège, des femmes portent une banderole : “Un tram toutes les 5 minutes, un viol toutes les 7 minutes (en France)”. Les organisatrices et membres de NousToutes67 sont en colère contre le gouvernement : “Ils font juste de la communication et rien de concret. Ils sont allés jusqu’à nommer Darmanin au ministère de l’Intérieur, alors qu’il est accusé de viol.” L’une d’elles détaille les revendications : “Nous réclamons un plan d’un milliard d’euros. Il faut créer des places d’hébergement avec un accompagnement pour les femmes qui subissent des violences. Il faut aussi former tous les professionnels qui doivent les accompagner : les policiers, les travailleurs sociaux. Nous demandons aussi une législation ferme, notamment concernant le travail, car beaucoup de femmes sont victimes de leurs collègues et de leurs supérieurs hiérarchiques. Les candidats à la présidentielle doivent se prononcer là-dessus.“
Il est environ 19h. La marche progresse rue des Grandes Arcades. Un panneau à la main, Mélina voulait être là aussi. Elle raconte comment le système ne protège pas les femmes, même lorsqu’elles portent plainte : “Mon ex-mari me battait. Maintenant il dit que je le diffame. Et il s’en sort. La procédure judiciaire est très longue. Il n’y a pas de mesure d’éloignement. Un jour, il m’a menacé de mort.”
Des blocs féministes radicaux et antifascistes
À l’arrière de la manifestation, des fumigènes rouges éclairent la rue, derrière une banderole : “Bloc Féministe Antifasciste face au Femonationalisme”. Les militantes indiquent que le gouvernement, la droite et l’extrême droite s’approprient le terme de féminisme dans leur communication. Pour elles, le fémonationalisme analyse les questions féministes sous le prisme de l’immigration, avec une idéologie raciste. Streetpress a publié un article en 2019 sur un groupuscule d’extrême droite qui se dit féministe.
Il y a aussi le Bloc révolutionnaire insurrectionnel féministe (BRIF). S., qui préfère garder l’anonymat, explique : “Pour nous, c’est important d’être là et de porter un discours radical, antiraciste, pro-trans, et pro-putes. Ce ne sont pas forcément les voix les plus entendues dans ces manifs. On veut aussi insister sur le fait que les violences sexistes ne sont pas le fait de quelques personnes déviantes. Sinon, elles ne seraient pas aussi répandues. Le problème est politique, systémique. Il porte un nom : le patriarcat.”
103 féminicides depuis le 1er janvier 2021
Le cortège fini sa route devant le tribunal. Au mégaphone, une femme demande le silence. Elle commence à citer les 103 victimes de féminicides, assassinées depuis le 1er janvier 2021 en France : “C’était le 27 avril, elle s’appelait Ghistine, elle avait 26 ans. […] C’était le 22 juillet, elle s’appelait Delphine, elle avait 36 ans.” En même temps, des personnes posent des bougies sur le sol. “C’était le 20 novembre, elle s’appelait Marie-Josiane, elle avait 62 ans. […] Silence, ils nous tuent.”
C’est la fin de la manifestation. Spontanément, les militantes scandent un dernier slogan : “Pas une de plus !”