Certains promeneurs l’auront peut-être remarqué, voilà maintenant plusieurs années que des tortues se sont invitées dans les parcs de l’Orangerie et de la Citadelle. Comment sont-elles arrivées là et comment la Ville compte-t-elle remédier à cette petite invasion ?
On peut les apercevoir le plus souvent au parc de l’Orangerie, mais aussi au parc de la Citadelle, ces étranges reptiles à carapaces venus de loin semblent avoir élu domicile à Strasbourg depuis maintenant plusieurs années.
Le résultat de nombreux abandons
Ces dizaines d’individus sont en fait issus d’abandons de la part d’habitants au cours de ces dernières années. Les tortues qui envahissent les deux parcs sont toutes exotiques et proviennent de trafics illégaux via les réseaux. “Les gens achètent un bébé, mais il mange et grossit. Alors un jour on part discrètement le déposer dans un parc.” explique Marie-Françoise Hamard, adjointe en charge des animaux dans la Ville. Un comportement pour le moins immoral, que plusieurs habitants semblent avoir adopté.
Seulement voilà, alors qu’on croyait que ces espèces ne seraient pas capables de survivre dans les régions situées au nord de la Loire, elles paraissent pourtant bien à leur aise à Strasbourg. Ces tortues aquatiques se reproduisent aussi très bien et envahissent donc peu à peu les points d’eau des parcs, perturbant par la même occasion l’équilibre au sein des espèces préexistantes. “Elles posent problème parce qu’elles provoquent beaucoup de nuisances dans la faune aquatique. Elles sont carnivores et se nourrissent donc de têtards, de petits vers et d’insectes aquatiques.” précise Marie-Françoise Hamard.
Un programme de recherche dédié aux tortues présentes sur l’Eurométropole
Pour comprendre et agir de la bonne façon avec ces espèces qui vivent habituellement si loin de notre région, il faut d’abord les connaître. Et ça tombe bien, car Strasbourg compte parmi ses nombreux chercheurs un spécialiste du sujet : Jean-Yves Georges. Depuis 2017, ce directeur de recherche au CNRS est à la tête du programme TortuEEES en partenariat avec l’Eurométropole, la Ville, le Musée zoologique, Dyname UMR7367, l’association BUFO et le bureau d’étude Espace Prod. Son objectif ? Estimer les espèces présentes dans les espaces publics à Strasbourg, leur impact sur les espèces locales et proposer des solutions.
Aujourd’hui, près de 55 individus ont été comptabilisés au parc de la Citadelle et 27 au parc de l’Orangerie. Ils représentent 13 espèces et sous-espèces différentes. Et les principales sont les sous-espèces de Trachemys scripta : elegans, scripta et troostii, ainsi que Graptemys pseudogeographica. Chacune d’entre elles sont originaires d’Amérique du nord.
La Ville, seul propriétaire de ces tortues
“Ça ne peut plus continuer !” assure l’élue. Même si elle reconnaît que les Strasbourgeoises et les Strasbourgeois sont assez sensibles à la présence de ces animaux : “Suite à des échanges et en questionnant les promeneurs, on a remarqué que cela suscite un retour assez émotionnel. Ils sont généralement assez contents. Mais dans la réalité, même si les services n’ont rien fait jusqu’à aujourd’hui, il va falloir qu’on agisse.”
Alors pour limiter l’expansion de ces tortues envahissantes, la Ville envisage de les capturer en petits groupes afin de les stériliser : “Peut-être seulement les mâles, ou seulement les femelles, ce sera à voir”. D’un point de vue légal, il est strictement interdit de relâcher de telles espèces dans la nature, même stérilisées. Elles pourraient donc être placées dans un bassin de convalescence le temps de leur rémission après l’opération et ainsi être montrées au public pendant une période définie. “On pourrait mettre en place une rotation et présenter un petit cours sur l’espèce et pourquoi elle se trouve là, où se trouve son habitat naturel, etc.” propose Marie-Françoise Hamard. L’une des pistes les plus exploitables selon elle, serait de les déplacer à cet effet dans le parc animalier de l’Orangerie.
Une fois les tortues rétablies, la Ville pourrait bien les déplacer dans un lieu d’accueil définitif aménagé spécialement pour elles : “De facto, ces animaux vivent dans les parcs de Strasbourg, la Ville en est donc propriétaire.” La municipalité compte donc préparer un cahier des charges dès l’automne prochain et un appel à projet devrait être rendu public au printemps 2022 sur le sujet.