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On a discuté avec Fakear de son virage artistique, de science-fiction et de Strasbourg

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Il s’est fait connaître à travers des tracks électro aux nuances orientales, des titres au goût de voyage, apaisants et aériens qui ont bercé nos étés.  Plus récemment, Fakear a pris un virage totalement différent, délaissant la musique « chill » pour des tracks plus sombres et expérimentales, orientées vers la house et le post-dubstep. Avec la sortie de son album «  Everything Will Grow Again » suivi de son EP de remix qu’il qualifie de plus “sincères”, Fakear opère une sorte de renaissance, une réconciliation avec lui-même. L’artiste arrive là où on ne l’attendait pas et dévoile toute l’étendue de ses talents, à travers des morceaux qui lui ressemblent davantage. 




Comment vas-tu en cette période compliquée, notamment pour le secteur de la culture ?

Il y a des hauts et des bas. Le début de l’année était un peu difficile, mais maintenant le beau temps revient et j’ai plus de travail aussi. Les choses redémarrent timidement, l’inspiration et la confiance reviennent, ce n’est pas trop mal.

Tu t’es fait connaître avec un style bien particulier qui mêlait électro et nuances orientales, puis le 6 juin dernier tu as sorti un troisième album qui prend un virage aux antipodes. Qu’est-ce qui t’as donné envie de changer de direction artistique ?

C’était quelque chose d’enfoui depuis longtemps, des choses que je n’avais pas la confiance d’assumer, et un savoir technique que je n’avais pas encore et qui est arrivé avec le temps. Il y a par rapport à l’album précédent, une grosse prise de confiance en moi, de confiance en mon boulot. Ça a été une sorte de libération, j’ai eu envie de faire l’album que j’ai toujours voulu faire, en étant totalement libre, sans être influencé par les gens qui bossaient pour moi ou autour de moi. Il y a eu un retour à moi-même, c’est un album que j’ai un peu bricolé dans ma chambre alors que ceux d’avant étaient beaucoup plus créés en studio, en collaboration avec d’autres gens, d’autres producteurs. Je pense qu’avec l’âge, naturellement, quand tu sors de la deuxième moitié de ta vingtaine, tu tiens moins compte de l’avis des autres. Ça a participé à ce que je m’émancipe du Fakear qu’on avait toujours connu.


Selon toi l’électro chill, c’est passé de mode ?

C’est vrai que j’ai beaucoup exprimé la sensation que toute cette vague d’électro chill à laquelle j’ai appartenu, perdait un peu ses lettres de noblesse. Ce n’est plus si cool que ça. Ça a cependant laissé la place à des sous-genres très chouettes, tous les sons lo-fi par exemple. Je pense que ce sont un peu les bébés de ce qu’a été l’électro chill des années 2010, avec Petit Biscuit, Møme, Superpoze, ou moi-même…J’avais fait une interview pour Tsugi qui m’avait valu une petite volée de commentaires, car j’y disais que l’électro chill était devenue une musique pour les blancs riches privilégiés à la plage. Je n’ai plus eu envie de faire ce genre de musique car c’était devenu un truc de club select, il n’y avait plus de message. Une musique de divertissement un peu décadente, que je n’aime pas trop en fait.


Oui c’est le genre de musique qu’on écoute au bord de la piscine.

Oui voilà. Il y a quelque chose qui me parle moins là-dedans, peut-être de par mon éducation, mes goûts musicaux. Je ne viens pas du tout de là. À la base je m’intéressais à ce genre de musique parce que son aîné c’était le trip-hop, Massive Attack, les banlieues anglaises, les shows dans des entrepôts désaffectés, toute la scène underground. Et le fait que ça s’échappe de ça et qu’il n’y ait plus d’underground du tout, me dérangeait.


Tu as intitulé ton troisième album « Everything will grow again », pourquoi avoir choisi ce titre. C’est un message d’espoir ou fataliste ?

Les deux. C’est rigolo parce que j’avais trouvé ce titre avant la pandémie, et finalement il a pris encore plus de sens une fois que tout ça est arrivé. Mais à la base il part d’un postulat un peu fataliste, disons fataliste « cool » dans le sens où peu importe ce qu’il va se passer, peu importe ce qu’on fera, même peu importe ce qu’on va infliger à la planète … tout repoussera à nouveau . Nous, on est qu’un grain de sable là-dedans, après ce n’est pas une raison pour ne pas être écolo, ne pas faire attention. Mais au final on est pas grand chose, le pire truc auquel on puisse arriver c’est à notre propre extinction, la planète elle s’en remettra.


Sur cet album tu as travaillé avec le producteur anglais Alex Metric, comment s’est passé cette collaboration ?

C’est une rencontre qui a été initiée par mon manager. Il m ‘a dit : « Je pense que ça te plairait de bosser avec lui, vous vous entendriez bien ». Il savait que ce n’était pas le CV qui allait m’impressionner ou impacter quelque chose mais juste l’humain, la rencontre. Ça s’est super bien passé. Ça a été une rencontre de fou. Alex Metric a totalement participé à cette grosse prise de confiance dont je te parlais tout à l’heure, en mon travail, en la technique, parce qu’il m’a initié au monde des machines, et des synthétiseurs analogiques que je n’avais pas l’habitude d’utiliser. Pendant longtemps, j’ai été dans cette culture d’avoir uniquement mon ordi dans ma chambre et de tout faire à partir de ça, de bosser dans le train, de pouvoir bosser de partout. Puis d’un seul coup, lui me réconcilie avec l’idée d’avoir plus de matos, de ne pas être trop mobile, et c’est un champ des possibles complétement dingue. C’est lui qui a été l’étincelle qui m’a porté là-dessus et depuis tout ce que je produis est à base de machines. C’est très fourni. 


Donc au final ce dernier album est très éloigné des précédents mais te ressemble plus ?

J’imagine que c’est toujours ce qu’on dit quand on vient de sortir un album, mais oui effectivement j’ai l’impression qu’il y a une réconciliation. Quand j’y réfléchis, les premiers morceaux de Fakear, ce sont des espèces d ‘accidents qui ont donné lieu à ce son là, et en voyant que ça marchait je me suis dit que j’allais creuser dans cette direction. Dans le sens où j’avais de la reconnaissance autour de ce que je faisais. Maintenant c’est comme si je m’étais un peu débarrassé de cette quête de reconnaissance, pas totalement évidemment, mais je me sens plus libre dans la forme parce que je sais que si je sors quelque chose même de différent, les gens vont écouter quand même. C’est comme au début d’une relation amoureuse, tu as cette espèce de phase de séduction, tu n’es pas trop toi-même, puis finalement t’en viens à être sincère. Je suis dans cette phase là avec Fakear. Je deviens sincère, je ne suis plus dans la séduction. Je me fais assez confiance pour être en paix avec cette idée-là, me dire que oui je vais peut-être perdre une partie de mon public, peut-être en décevoir, mais ça n’a pas de prix comparé à la liberté que j’ai, de vraiment fournir quelque chose dont je suis fier et qui est honnête.


On remarque un changement tout aussi flagrant au niveau des visuels. On découvre une esthétique aux accents rétro futuristes. La science-fiction est un genre qui t’attire ?

Oui carrément et ça fait bien écho avec ce que je te disais de ma musique. La science-fiction m’a toujours passionné depuis que je suis gamin, mais j’avais du mal à l’intégrer dans ma musique. Comme les débuts de Fakear étaient très portés sur la nature, quelque chose d’un petit peu world, je me disais que ce serait trop dur d’y intégrer cette vague de science-fiction. Avec mon dernier album ça a été différent, je me suis dit : « Je m’enfous, je vais aller là où j’ai envie d’aller » et j’ai intégré cette vibe là. Au niveau des visuels, beaucoup de choses connectées à l’ancienne identité de Fakear nous ont été proposées par les graphistes et cette pochette là dénotait complètement. À leur grande surprise, c’est celle que j’ai choisie.


Le 5 mars tu as sorti un Ep de remixs de certains morceaux de cet album. Tu avais le désir de l’approfondir ?

Oui et il y a aussi cette petite tradition dans la musique électronique de se remixer les uns les autres. Avec la pandémie on cherchait du contenu, et je n’avais pas envie de ressortir tout de suite un autre album. J’ai déjà fait le pari de sortir « EWGA » en plein confinement en me disant que ça allait reprendre. Et en fait ça n’a pas repris. Cette idée d’Ep remix est venue assez naturellement, c’est quelque chose que j’aime faire, je l’ai fait pour d’autres, d’autres l’ont fait pour moi. J’ai checké les gens que j’apprécie, qui m’influencent et qui pouvaient donner un avant-goût de la direction future de mes projets. Puis ça tombait bien puisque tout le monde n’avait que ça à faire j’imagine et a donc répondu présent (rires). J’en suis super content. Même si je ne peux pas le jouer pour le moment.


Pour remixer ces morceaux tu as fait appel à des artistes éclectiques, de multiples origines, peux tu me parler d’eux ?

Il y a une histoire différente pour chacun. Para for Cuva c’est quelqu’un dont j’admire le travail depuis très longtemps. Model Man ce sont des petits nouveaux qui arrivent et qui sont très forts, je les passe en dj set dès que j’ai l’occasion. Ténéré c’est un grand copain, quant à Okedo et Felix ils viennent d’Inde, je les ai rencontré en tournée là bas il y a deux ans. Je les connais moins mais je trouve qu’ils méritent d’avoir un impact ici en France, des oreilles pour les écouter. 


Quelle serait ta collaboration de rêve ?

J’adorerais faire quelque chose avec Bonobo, c’est une influence énorme. Ou un des mecs de la scène anglaise : Floating Points, Jon Hopkins… Ce dernier qui vient d’ailleurs de sortir un EP de piano magnifique. La musique électronique française, c’est un peu la French Touch, l’espèce d’exception culturelle : tout doit couler de Daft Punk, comme si on était tous des enfants de Daft Punk, alors qu’en fait pas du tout. Par exemple avec Rone, Thylacine ou Superpoze, on ne se considère pas du tout dans ce courant French Touch, qui est certes super mais qui aujourd’hui s’est fondu dans une masse d’influences du monde entier. J’ai toujours regardé la scène électro anglaise avec un peu d’envie, en me disant qu’ils ont de sacrés artistes, archi-talentueux, et qui sont vendus de la bonne manière. Ils regardent toujours en avant, ils vont toujours plus loin. Et nous on est en permanence entrain de s’asseoir sur notre passé comme si on avait vécu un espèce d’âge d’or de la musique française. Même dans la variété c’est comme ça. Regarde, par exemple une Clara Luciani, ou une Juliette Armanet, pour moi ce sont des nanas qui font appel chez les producteurs à des stars du passé, des années 70. J’imagine les gros producteurs véreux, assis derrière leurs bureaux avec leur cigare en train de dire : « Ah ouais, elle elle me rappelle Françoise Hardy on va la signer » . Ça ne leur enlève pas le talent, loin de là, mais je trouve qu’on est toujours à ressasser notre passé, on ne prend pas le risque d’aller vers des choses un peu plus expérimentales. On est très timides.


Quel est le morceau que tu écoutes le plus en ce moment ? Au vu de notre conversation, je parie sur le nouvel Ep de Jon Hopkins ?

(Rires), Oui depuis ce matin. Et sinon en ce moment j’écoute beaucoup de vieille funk des années 70. Ça me met le smile, on en a besoin. C’est ma potion magique.

© Juliette Leigniel


Avec le Covid toutes les dates de concerts ont été reportées, notamment ta date à la Laiterie à Strasbourg. C’est un lieu où tu t’es régulièrement produit dans le cadre de tes tournées, mais aussi du festival Ososphère. Quel souvenir gardes-tu de cet endroit ?

La Laiterie, je crois que ça a été deux fois le début de notre tournée. C’est toujours une date archi stressante puisqu’on présente le spectacle, mais ça s’est toujours très bien passé. Les Strasbourgeois font partie de l’élite française au niveau de l’ambiance, c’est toujours très satisfaisant. Il y a des villes comme ça qui marchent bien : Bordeaux, Toulouse, Lille et Strasbourg. Quant à l’Ososphère, je me souviens du lieu, des installations, c’est un événement extra. Le principe d’avoir toutes ces installations, de pouvoir se balader là-dedans, je trouve ça dingue. Lorsque j’y étais, il y avait une espèce de cage dans laquelle on pouvait entrer, et le son la traversait dans tous les sens, c’était hyper science-fiction. J’ai adoré.


Actuellement, qu’est-ce qui te manque le plus de ton métier d’artiste ?

Les lives, forcément. Je me suis développé dans ma vie de jeune adulte, avec les concerts et avec les tournées qui rythmaient mon quotidien et m’ont beaucoup construit. Le fait qu’on m’enlève ça brutalement, ça a été hyper violent et très bizarre. L’été dernier, je me suis mis à remettre en question tout le projet, j’étais à deux doigts d’abandonner Fakear. Je me suis dit que j’allais faire un autre projet, prendre un autre nom, continuer de faire de la musique, mais que Fakear était arrivé à son terme. Puis un pote m’a secoué et m’a dit : « Mec si tu étais en tournée, jamais tu ne te poserais cette question. » Et c’est vrai, il avait raison. Comme quoi il y a tout ce truc lié à la confiance en soi, en la confiance en ce que tu fais qui est validé par le concert. Et du coup de ne plus avoir cela ça m’a demandé un certain temps d’adaptation avant de reprendre mes marques et de me dire : « Chill on va attendre que ça redémarre ». Un des mots d’ordre que je me répète c’est : « Il ne faut surtout pas prendre de décision importante maintenant, c’est le pire moment. » Je prends mon mal en patience. 


Si on te donnait carte blanche pour organiser ton propre festival, où le ferais-tu et qui inviterais-tu ?

J’aimerais faire mon festival en Islande, en été, parce que c’est un pays complétement dingue. Il y aurait des bars à thé pour se réchauffer et des plaids à disposition. Les scènes seraient très basses comme ça le public pourrait tout voir assis. L’Islande est très vallonnée, les gens  pourraient s’asseoir dans les collines et regarder le concert dans leur plaid avec leur thé. Ce serait trop bien. J’inviterais toute la famille de Nowadays Records, tous les bons copains : La Fine Equipe, Ténéré, Clément Bazin, Grand Soleil. Puis une grosse tête d’affiche qui fait venir du monde : Un petit Bonobo en Islande dans les plaines, je pense que ça ne se refuse pas. 


Puisque nous sommes un magazine strasbourgeois, si tu pouvais emmener quelque chose de Strasbourg chez toi ce serait quoi ?

Je cherche quelque chose d’un peu typique mais en réalité ce que j’aime à chaque fois que je viens ce sont les gens. Ou bien la gare tiens. J’adore cette installation, j’adore le dôme de la gare de Strasbourg. C’est surréaliste. Quand tu arrives, tu prends conscience que tu es dans une sorte de bulle de verre, et je trouve ça assez science-fiction. Ça me parle. 


Quels sont tes projets pour la suite ?

Je vais être beaucoup plus libre de sortir les morceaux que je veux quand j’ai envie, d’être un peu plus « foufou » que ce que j’ai été les dernières années. Il va se passer pas mal de choses, je ne peux pas t’en dire beaucoup pour le moment. Je pense sortir un EP après l’été qui va venir compléter le dernier album. Puis après ce sera terminé, je ne parlerai plus de « Everything Will Grow Again ». 


Le prochain EP sera toujours en collaboration avec Alex Metric ?

Oui carrément, justement on y trouvera les derniers morceaux qui étaient encore en working progress quand on devait rendre l’album. On les a terminés au fur et à mesure des mois qui ont suivi. Il y aura un autre featuring avec Alex Metric et il a aussi participé à la prod de toutes les autres tracks.

Pour découvrir l’EP Ewga, remix de Fakear, c’est par ici !



Emma Schneider

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